B- Reconnaissance de l'opposition
Le respect de l'opposition est une conséquence du refus
de la dictature et de la proclamation des libertés. Elle
représente une des vertus cardinales de la démocratie
libérale sur le plan politique. En effet, le jeu de la liberté
doit conduire à la diversité des opinions à propos de la
gestion des affaires publiques. La liberté appelle donc l'existence de
partis politiques destinés à se succéder au pouvoir. C'est
dans cette optique que Boubacar GUEYE souligne que «l'opposition
d'aujourd'hui a naturellement vocation à devenir la majorité de
demain. C'est pourquoi elle doit être respectée et
protégée. Elle est une
22 FUKUYAMA (F.), La Fin de l'histoire et le
Dernier Homme, Flammarion, 1992, p.7-8, cité par GUEYE (B.), La
démocratie en Afrique : succès et résistances, op.cit.,
p.12,
12
composante essentielle de la démocratie en ce qu'elle
offre aux citoyens une alternative à la politique définie et
appliquée par le régime politique en place. Elle assume au fond
une mission de service public : contrôler et critiquer l'action
gouvernementale, proposer des valeurs, des idées et un projet de
société alternatif à ceux véhiculés et
appliqués par le parti ou la coalition de partis au pouvoir, et briguer
les suffrages des citoyens »23.
La reconnaissance de l'opposition a été, pendant
plus de trois décennies une des préoccupations politiques
majeures des démocrates africains. Elle a été au centre
des débats occasionnés par la transition démocratique
enclenchée à partir de 1990, à la suite du discours de La
Baule tenu par François Mitterrand lors du sommet France-Afrique en juin
1990. Une fois le pluralisme consacré par les nouvelles constitutions
africaines, des concertations entre partis politiques de la majorité et
de l'opposition ont été organisées périodiquement
dans plusieurs pays en vue de parvenir à une définition
consensuelle des règles du jeu politique et une pacification des
rapports majorité/opposition. Ainsi en est-il du Mali, du Burkina et du
Sénégal. Georges Vedel enseigne que « la démocratie,
dans le contexte des systèmes politiques majoritaires, renvoie à
l'exercice du pouvoir d'État par la majorité sous le
contrôle de l'opposition et l'arbitrage du peuple24 ».
L'existence d'une minorité ou d'une opposition est une dimension
constitutive de l'État démocratique. L'opposition en question ici
ne désigne pas seulement le groupe politique le moins
représenté à l'assemblée législative avec
lequel, conformément au voeu de Kelsen, le gouvernement de l'État
démocratique est susceptible de négocier des
compromis25, mais surtout l'ensemble formé par les citoyens
fondamentalement hostiles aux objectifs du régime en place, fussent-ils
organisés ou non.
Reconnaître un statut à l'opposition constitue de
ce fait une opportunité pour celle-ci d'avoir les moyens de porter son
message au peuple et de conquérir ses suffrages à l'occasion
d'élections pluralistes transparentes, loyales et sincères. Les
nouvelles constitutions africaines ne se contentent pas de
23 GUEYE (B.), La démocratie en Afrique :
succès et résistances, op.cit., p.21.
24 Cité par El HADJI (M.), « les
garanties et éventuels statuts de l'opposition en Afrique », Actes
de la quatrième réunion préparatoire au symposium
international de Bamako « la vie politique »mai 2000, p.1
non publié et repris par GUEYE (B.), op.cit.
25 Cité par GUEYE B.), op.cit., p.17.
reconnaître l'opposition ; certaines d'entre elles
affirment lui attribuer un statut formel26 destiné à
assurer son expression, sa représentation dans les instances de la
République, son inscription dans le débat parlementaire et sa
participation à certains organes de travail. Lors des travaux de la
28ème conférence de l'Union parlementaire africaine,
organisée en mars 2005 à Brazzaville, les participants se sont
unanimement accordés sur la nécessité de consolider la
démocratie pluraliste par la définition, entre autres, d'un
statut de l'opposition. L'adoption d'un statut de l'opposition est devenue une
aspiration majeure des démocraties en construction. Plusieurs pays
africains l'ont érigé au profit de leur opposition politique,
à l'instar du Congo27, Mali28, du Burkina Faso et
du Niger. Certains pays sont allés plus loin en associant l'opposition
à l'exercice du pouvoir dans le cadre de gouvernements d'union nationale
(Sénégal, Afrique du Sud, Mali, Gabon, Togo...).
Ce retour au pluralisme a eu pour corollaire la
consécration du droit aux élections libres et
démocratiques
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