SECTION I : ADHESION GENERALE AUX PRINCIPES
ELECTORAUX
Si les élections ne sont pas étrangères
au continent africain, il est aussi indéniable que celles
organisées depuis les décennies 90 se situent dans une dynamique
de démocratisation. Elles s'organisent dans un climat plus
démocratique et ceci sous la pression de certains acteurs
internes17 et de la communauté internationale. Des garanties
minimales pour l'organisation des scrutins démocratiques ont, à
cet effet, été posées. Ainsi a-t-on assisté
à un retour au pluralisme politique (§ 1) et à la
consécration du droit aux élections libres et
démocratiques (§ 2).
PARAGRAPHE I : RETOUR AU PLURALISME
POLITIQUE Le pluralisme politique qui suppose une diversité
d'opinions, de tendances, exclut la dictature (A) qui est l'exercice sans
contrôle du pouvoir absolu et
17 La société civile, les partis
politiques de l'opposition, les mouvements estudiantins...
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souverain18. Aussi l'opposition a-t-elle
été admise et reconnue comme corollaire de ce pluralisme (B).
A- Rejet de la dictature
La dictature instaurée dans la plupart des Etats
africains au lendemain des indépendances et surtout au début des
années 1970, a été dénoncée pour plusieurs
raisons. Aussi, cette dénonciation s'est-elle manifestée sous
plusieurs formes.
La dénonciation de la dictature s'explique par de
multiples raisons. Ces raisons tiennent à la négation des droits
et libertés, à l'incapacité de ces régimes à
fédérer les différentes tendances politiques dans le cadre
de la politique d'unité nationale et à l'illusion de
développement économique.
S'agissant d'abord des droits et libertés et
particulièrement ceux relatifs aux élections, ils étaient
pratiquement inexistants puisque les élections organisées dans le
cadre du parti unique constituaient des « élections sans choix
»19 du fait que tout était mis en oeuvre pour que
le candidat du parti unique remporte le scrutin. Aussi, aucune divergence
idéologique n'était-elle concevable. Or il n'y a pas de choix
sans pluralité de candidats ou d'idéologies politiques. Il est
donc certain que les scrutins organisés sous le parti unique ignoraient
les règles minimales d'une compétition électorale et sont
en parfaite contradiction avec le standard démocratique. En tout cas,
comme l'écrit Jacques CADART à propos de la Chine, « Les
élections n'ont pas tant pour objet de permettre au peuple de se choisir
des chefs qu'aux chefs de se rappeler au bon souvenir du peuple
».20
Ensuite le parti unique, selon les promoteurs, avait pour
vocation de fondre toutes les forces vives dans un même creuset national.
Mais l'écoulement du temps a révélé au grand jour
les incapacités d'un tel système à converger toutes les
idéologies dans une même direction en termes de politique
d'unité nationale. Le parti unique a, au contraire, attisé par
ses politiques tribalistes et
18 Dictionnaire LAROUSSE illustrée.
21 AHADZI-NONOU (K.), Essai de réflexion
sur les régimes de fait : le cas du Togo, cité par
KOKOROKO (D.), Contribution à l'étude de l'observation
internationale des élections. Thèse de doctorat ;
Université de Poitiers, 2008, p.43
20CADART (J) cité par
KOKOROKO (D), Contribution à l'étude de l'observation
internationale des élections. Op.cit. p.44
10
discriminatoires, les dissensions qui couvaient entre les
différentes régions et ethnies.
Enfin l'échec du parti unique sur le plan du
développement économique justifie le retour au pluralisme
politique. Les analyses statistiques démontraient, dans les
années 1980 et 1990, la régression des indicateurs
économiques, sociaux et les déséquilibres financiers
intérieurs et externes.
De surcroît, le continent africain est apparu
marginalisé dans le commerce mondial.
Tous ces facteurs justifient non seulement la faillite ou les
faiblesses des régimes dictatoriaux, mais aussi constituent les causes
du rejet de la dictature, un rejet qui s'est manifesté sous plusieurs
formes.
Les conférences nationales initiées en Afrique
au début des années 1990, à la suite de la chute du mur de
Berlin et de l'effondrement des pays communistes de l'ancien bloc de l'Est, ont
inauguré la « vague de démocratisation », selon
l'expression de Samuel Huntington21. Il faut souligner que le
processus de démocratisation avait déjà été
enclenché plus tôt dans un certain nombre de pays africains
(Sénégal, Gambie, Cap-Vert, Ile Maurice, Lesotho, par exemple).
Mais la plupart des pays africains l'ont lancé au début des
années 1990 selon deux modalités différentes.
D'une part, les conférences nationales, faut-il le
rappeler, sont une invention, une contribution africaine à la
théorie de la démocratisation. Ces assises politiques
imposées par les mouvements d'opposition aux pouvoirs en place,
composés essentiellement d'organisations de la société
civile, se sont soldées par des résultats variables. Le
modèle béninois de transition a influencé le dynamisme
politique des pays francophones du début des années 1990.
Certains pays ont adhéré à cette nouvelle forme de
démocratisation avec des fortunes diverses. La conférence
nationale a été souveraine dans la plupart des pays qui l'ont
expérimentée, à l'exception du Gabon. L'alternance est
survenue au Congo (Brazzaville) et au Niger malgré quelques
péripéties. Au Togo, l'issue de la conférence a
été militarisée; l'armée est intervenue dans le
processus aux côtés du président pour contester certaines
décisions de la conférence
21GUEYE (B.), La démocratie en Afrique :
succès et résistances, Pouvoirs, N° 129,2009/2, p.
5- 26.
nationale et lui imposer sa volonté en
définitive, tandis qu'au Zaïre, les manipulations politiques et
institutionnelles l'ont fait perdurer et ont fini par en ruiner la
crédibilité.
L'autre voie de démocratisation, moins originale, a
consisté à anticiper la revendication de la tenue d'une
conférence nationale souveraine « stratégie offensive »
ou à réformer le système constitutionnel et politique sous
les pressions nationales et internationales « stratégie
défensive ». Une telle conférence a été mise
en oeuvre en Côte d'Ivoire, au Burkina Faso, au Cameroun, à
Madagascar, etc. La stratégie offensive, consistant pour le
président de la République à prendre l'initiative de la
démocratisation, a été expérimentée en
Zambie, au Cap-Vert, à Sao Tomé-et-Principe, etc.
Quelle que soit la voie empruntée, le processus de
démocratisation a permis, dans tous les pays, l'instauration du
multipartisme, du pluralisme politique, économique et syndical,
l'organisation d'élections disputées, la rédaction de
nouvelles constitutions et leur adoption par référendum ; bref,
l'organisation de la vie démocratique.
L'effervescence qui a accompagné ce processus
était telle que certains observateurs n'ont pas hésité
à annoncer le caractère irréversible de la
démocratie pluraliste au plan universel, et en particulier en
Afrique.22 Ce refus de la dictature a eu comme corolaire la
reconnaissance formelle de l'opposition.
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