B- Un contentieux électoral à
redynamiser.
«Beaucoup de pays non démocratiques disposent
d'impressionnantes Constitutions qui garantissent les droits de l'homme et
toutes sortes de valeur, mais ces Constitutions-là ne sont que des
façades puisqu'il n'existe aucune magistrature indépendante
susceptible de les mettre vraiment en oeuvre »124. Cette
analyse pertinente de BARAK, traduit les malheurs de la justice
constitutionnelle en charge du contentieux électoral en Afrique.
Il faut éperonner cette magistrature en vue d'une
meilleure gestion du contentieux électoral et, par ricochet, garantir la
sincérité des consultations électorales. La recherche de
l'efficacité de la justice constitutionnelle, à notre sens, passe
par plusieurs mesures.
D'abord, il faudra réviser la composition et le mode de
désignation des membres des Cours et Conseils constitutionnels. En
raison du caractère technique et de la complexité des
tâches qui leur sont assignées, il serait plus
bénéfique pour les transitions démocratiques africaines de
confier le contentieux constitutionnel à des professionnels du droit.
Pour cela, les juges constitutionnels doivent être choisis exclusivement
parmi les juristes à savoir les professeurs de droit et les praticiens
tels que les magistrats notamment du siège et les avocats.
Ensuite, la possibilité doit être offerte aux
juges de publier leurs opinions en cas de dissidence. La pratique de l'opinion
dissidente permet aux membres des juridictions constitutionnelles d'annexer aux
décisions adoptées par la majorité des membres de la
juridiction leur position. Pratiquée aux Etats-Unis et en Allemagne par
exemple, la technique des opinions dissidentes est un facteur de transparence
du droit, permet de mieux saisir le raisonnement des juges et peut être
à l'origine de riches controverses doctrinales. Ainsi, la pratique de
l'opinion dissidente est de nature à renforcer la qualité des
décisions des juridictions constitutionnelles.
124 BARAK (A.), Cité par DAKO(S.), Thèse de
doctorat, op.cit. P.438
60
Enfin, afin de consolider davantage la fonction
juridictionnelle et de faciliter l'harmonisation des décisions de
justice, il serait indiqué de regrouper toutes les institutions
juridictionnelles dans un même organe et doté
d'indépendance vis-à-vis des pouvoirs exécutif et
législatif.
Aussi importe-t-il que l'actio popularis,
actuellement limité à quelques pays comme le Bénin, le
Gabon, l'Afrique du Sud125 et le Burundi126, puisse
s'étendre à tous les pays.
Cette extension du droit de saisine aura pour
conséquence d'accroître les sollicitations des juges
constitutionnels. Face à cette éventualité, des solutions
peuvent être trouvées dans l'allègement du domaine de
compétence de la Haute Juridiction.
En tout cas il est de l'intérêt du juge
électoral lui-même notamment de son honorabilité, de se
délier de certaines pesanteurs en se montrant autonome et
indépendant. Bref il doit se montrer ingrat comme c'est le cas dans
certains pays d'Afrique127vis-à-vis de l'autorité qui
l'a nommé.
Le succès de la démocratie électorale en
Afrique passe par l'adaptation des normes et institutions électorales
aux réalités du continent notamment la pluralité ethnique,
la réduction de la pauvreté, la culture démocratique et
une armée républicaine. A ces mesures qui doivent être
prises au plan national, doit venir en appui la communauté
internationale pour qui, la question électorale ne relève plus de
compétence exclusive des Etats.
125 La question de la saisine du juge constitutionnel est
réglée par l'art.167 de la constitution sud-africaine.
126 Ici le droit des personnes physiques ou morales de saisir
le juge constitutionnel en vue de la vérification de la
constitutionnalité des lois est prévu par les articles 151 et 153
de la constitution burundaise du 13 mars 1992.
127Dans certains États comme le Bénin,
la République sud-africaine et le Ghana, les règles de la
compétition électorale s'enracinent progressivement.
CHAPITRE II : RENFORCEMENT DE
L'ASSISTANCE
ELECTORALE
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<< Aujourd'hui, l'élection est devenue, dans les
pays en transition démocratique ou tout simplement en crise, une affaire
internationale, ne serait-ce qu'à travers les opérations de
supervision et d'observation des processus électoraux ; elle n'est plus
la seule affaire de l'État. Les actions qui sont menées dans ce
cadre par les acteurs internationaux visent à améliorer
l'organisation des scrutins, soit par l'allocation de ressources
nécessaires à la bonne organisation pratique de l'élection
ou à l'indication des principes directeurs du suffrage, soit par la
dénonciation des irrégularités, soit enfin par leur
implication dans le règlement des contentieux »128.
Cette analyse du professeur MELEDJE illustre, à plus
d'un titre, l'appréhension faite des élections par la
communauté internationale. Contrairement à la rigidité du
principe sacro-saint de non-ingérence dans les affaires
intérieures, l'ingérence en matière électorale est
devenue une pratique internationalement admise (Section1). Mais cette pratique
présente des insuffisances qui doivent être nécessairement
surmontées afin de contribuer à l'amélioration des
processus électoraux en Afrique (Section 2).
SECTION I : ASSISTANCE ELECTORALE : UNE PRATIQUE
ADMISE Le droit international public est, pendant longtemps,
resté indifférent vis-à-vis de l'organisation politique
des Etats129 . Mais cette position du droit international a
128MELEDJE (D.), Le contentieux électoral
en Afrique, op. cit. p. 8
129 Voir l'article 2 paragraphe 1 << l'organisation est
fondée sur l'égalité souveraine de tous les états
membres ».
Voir la résolution n°2131 du 21 décembre
1965 portant sur la déclaration sur l'inadmissibilité de
l'intervention dans les affaires intérieures des états,
l'Assemblée Générale affirme que << tout état
a le droit de choisir son système politique, économique, social
et culturel sans aucune forme d'ingérence de la part de n'importe quel
état ».
La déclaration de 1970 sur les principes
régissant les relations internationales pacifique entre état
dispose que << chaque état a le droit de choisir et
développer librement son système politique, économique,
social et culturel »
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évolué au cours des dernières
décennies. Au nom de l'impératif démocratique, la forme
d'organisation du pouvoir politique n'est plus exclusive à l'Etat. C'est
aussi une affaire de la communauté internationale. L'ingérence de
la communauté internationale dans la politique intérieure des
Etats prend la forme d'assistance électorale. Cette assistance repose
sur un fondement (§1) et se manifeste sous plusieurs formes (§2)
PARAGRAPHE I : FONDEMENT DE L'ASSISTANCE ELECTORALE
L'assistance électorale, canal souvent utilisé par la
communauté internationale pour intervenir dans la politique
intérieure des Etats, est d'une part la manifestation de la
souveraineté de ces Etats(A) et d'autre part une forme de
coopération internationale (B)
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