B- Un changement de comportement des acteurs politiques
Les élections étant une compétition
politique, le succès de l'opération dépend, dans une large
proportion, de l'attitude des différentes tendances politiques en lice.
Elles doivent faire preuve de bonne foi et de loyauté même si ces
valeurs sont peu connues en politique.
En Afrique les compétitions électorales opposent
souvent deux tendances : les partisans de la restauration autoritaire des
régimes politiques et les partisans d'une véritable alternance
politique113. Pour la première tendance, le droit
électoral est exclusivement conçu comme la chose des gouvernants
au pouvoir, et pour la seconde, les droits électoraux, propres aux
peuples, doivent être garantis, objectivement à tous et
subjectivement, à chacun, par les gouvernants agissant
collectivement.
La confrontation semble tourner en faveur de la logique
autoritaire qui amène les « élites dirigeantes de [l'Afrique
noire francophone] à déployer toute leur intelligence pour
fausser les élections pluralistes organisées
»114. C'est ce qui explique la persistante rareté des
successions et alternances en Afrique, et la
113 KOKOROKO (D.), « le réformisme électoral
en Afrique», op. cit. p.1
114AHADZI-NONOU (K.), cité par KOKOROKO (D.),
« le réformisme électoral en Afrique » op. cit. p.5
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longévité des chefs d'Etat115.
L'anthropologue Johannes Fabian trouve une formulation parfaite de cette
situation dans un proverbe congolais : « Le pouvoir se mange en entier
»116. Cette conception malheureuse des
élections117 est de nature à dénaturer le jeu
électoral.
Pour que les systèmes électoraux africains soient
compétitifs, les acteurs politiques doivent cultiver certaines
vertus.
Ils doivent admettre l'idée selon laquelle l'opposition
peut accéder au pouvoir et la majorité peut devenir l'opposition
par le jeu des élections. Le pouvoir politique doit être
dépersonnalisé. Les dirigeants africains doivent savoir qu'ils ne
sont pas titulaires du pouvoir qu'ils exercent mais des
délégataires, bref des serviteurs du peuple. Ainsi le peuple
souverain peut le retirer à tout moment par le jeu des
élections.
Cette dépersonnalisation du pouvoir politique passe par
la démocratisation des partis politiques. Le fondateur du parti ne doit
pas être le président à vie du parti ; le jeu
démocratique doit conduire au renouvellement de la classe dirigeante sur
la base des normes légalement et légitimement définies.
Les acteurs politiques doivent avoir une croyance commune en
des valeurs qui constituent la base de toute société
démocratique. L'acceptation des résultats, mêmes
défavorables, la limitation du nombre des mandats et le respect des
droits de l'homme doivent être les valeurs les mieux partagées.
L'idéal serait d'organiser des élections
régulières, transparentes et honnêtes mais l'histoire nous
enseigne que certaines erreurs et irrégularités sont
congénitales à la démocratie électorale. Dans ces
conditions il est indispensable de créer des institutions
crédibles pour la gestion du contentieux électoral.
115Omar Bongo du Gabon et Eyadema GNASSINGBE du
Togo sont morts au pouvoir avec respectivement 40 et 38 ans de règne.
Leurs cadets suivent l'exemple : l'Angolais Jose Eduardo dos Santos est en
poste depuis 1979, le Burkinabé Blaise COMPAORE depuis 1987, le Tchadien
Idriss DEBY depuis 1991, le Gambien YAHYA Jammeh depuis 1994...
116Foucher (V) : Difficiles successions en Afrique
subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel, Op. Cit
p.23
117« On n'organise pas les élections pour les
perdre » déclaration du Président congolais Pascal LISSOUBA
Cité par KOKOROKO (D) : « les élections disputées :
réussites et échecs » op. cit. p.1
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