B- Lutte contre la pauvreté
Une situation socio-économique favorable est-elle une
pré-condition de la démocratie ? Les transitions politiques qu'a
connues le monde au cours des dernières années permettent d'en
douter.
Un régime politique démocratique a longtemps
été considéré comme l'attribut des économies
industrialisées à haut revenu. D'autres recherches ont cependant
conduit à revoir cette loi de Lipset en observant que « des
démocraties de troisième génération» se sont
installées dans des pays aussi bien riches que pauvres (Huntington, 1991
; Bratton et van de Walle)108. Quelles que soient les nouvelles
perspectives sur la naissance de la démocratie, les analystes ont encore
toujours tendance à penser que les perspectives de survie d'un
régime sont meilleures lorsqu'un pays est riche et en croissance
économique.
En tout cas l'analyse des vicissitudes électorales en
Afrique laisse découvrir que certaines difficultés sont de
façon intrinsèque liées à l'extrême
pauvreté qui sévit sur le continent noir. Le marchandage du vote
et les violences électorales illustrent cette assertion. Le fait que la
majorité des populations vivent en deçà du seuil de la
pauvreté et ceci parfois à cause de la mauvaise
répartition des ressources, les électeurs non seulement pensent
que la propagande électorale
107 Le Bénin, le Cameroun et le Togo par exemple.
108Bratton (M.), op. cit. p.13,
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est occasion de reprendre ce que les hommes politiques leur ont
volé109, mais aussi de monnayer leur voix contre des billets
de banque.
De même la violence électorale s'explique par le
fait que l'accession au pouvoir est un moyen de s'enrichir110.
Au regard de toutes ces considérations, on en
déduit que la régularisation des processus électoraux en
Afrique passe aussi par la lutte contre la pauvreté. Cette lutte contre
la pauvreté passe, elle aussi, par la lutte contre la corruption et la
bonne gestion de la chose publique.
La lutte contre la corruption implique une mise sur pied d'un
véritable arsenal juridique pour sanctionner les auteurs de ce crime.
Aussi la lutte contre la corruption doit-elle commencer au sommet de l'Etat.
Il est vrai que nombreux Etats ont créé des
institutions anti-corruption mais celles-ci n'ont pas été
dotées de moyens efficaces pour démanteler les auteurs de ce
fléau et les sanctionner. Les dirigeants doivent faire mieux en la
matière pour dégager des ressources afin de satisfaire les
besoins élémentaires de leurs populations. A cette lutte contre
la corruption doit s'ajouter la bonne gestion de la chose publique.
Si l'altérité ethnique s'est radicalisée
au point de devenir source de haine, cela résulte principalement des
inégalités économiques et sociales dont sont victimes
certaines couches des populations. En Afrique, la richesse est souvent
très inégalement répartie de sorte que l'opulence de la
minorité côtoie la misère de la grande masse sans
situations intermédiaires le plus souvent. Or, ces
inégalités créent une atmosphère de peur et de
haine et rendent impossible l'organisation de compétitions politiques
pacifiques, non violentes.
De plus, elles favorisent le désintérêt
des couches marginalisées pour la participation électorale. Il
importe donc de combattre les inégalités socioéconomiques
si l'on veut avoir des élections non violentes et sincères. En
réduisant les antagonismes sociaux, le développement que
génère une bonne distribution des revenus nationaux transforme
une société conflictuelle en une société
consensuelle, seul gage possible pour la démocratie libérale.
109 BANEGAS (R.), op. cit. p.23.
110 En Afrique les mécanismes de contrôle de la
gestion de la chose publique sont inexistants ou inefficaces favorisant
l'enrichissement illicite des dirigeants.
Le rééquilibrage de la société
passe d'abord par la réduction du train de vie de l'Etat en limitant la
composition des gouvernements et les dépenses de ces derniers au strict
minimum.
Ensuite, le respect de l'égalité des chances de
tous les citoyens devant l'accès aux emplois publics doit être une
réalité.
Enfin, la distribution des dépenses doit tenir compte
des couches déshéritées. C'est le cas par exemple des
diplômés sans emplois ou des chômeurs qui peuvent
bénéficier d'une allocation de subsistance, d'une
sécurité sociale. C'est aussi le cas des femmes et des enfants
qui peuvent bénéficier, de la part de l'Etat, d'une
sécurité sociale particulière. Celui-ci peut par exemple
accorder à toutes les femmes enceintes et à tous les enfants d'un
certain âge des soins de santé gratuits.
Somme toute, l'intégration de tous ces facteurs
socio-économiques et ethniques permettra, à coup sûr,
d'améliorer les processus électoraux mais encore faut-il
renforcer les garanties institutionnelles.
SECTION II : RENFORCEMENT DES GARANTIES
INSTITUTIONNELLES La fiabilité et la sincérité
d'un scrutin électoral dépend de l'efficacité et de la
crédibilité des institutions en charge de la conduite des
opérations électorales. La crédibilité de
l'administration électorale ne peut être garantie que si elle est
affranchie des limites structurelles et conjoncturelles dont elle souffre
(§ 1). De même certaines insuffisances étant
congénitales à la démocratie électorale, il faut
une institution efficace pour la gestion du contentieux électoral
(§2).
PARAGRAPHE I : UNE ADMINISTRATION ELECTORALE PLUS
CREDIBLE Les élections sont avant tout une compétition
politique opposant des acteurs politiques dont l'administration
électorale reste l'arbitre. En tant qu'arbitre, l'administration
électorale doit être non seulement neutre et impartiale (A) mais
encore faut-il que les acteurs évitent de l'instrumentaliser (B).
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