PARAGRAPHE II: NECESSITE D'UNE CULTURE DEMOCRATIQUE
S'il est vrai que la démocratie et les élections
en particulier ne sont pas totalement méconnues en Afrique, la pratique
du vote moderne et les procédures y afférentes sont quasiment
étrangères aux Africains. Dans un continent le moins
alphabétisé, les électeurs africains constituent en
réalité un « bétail électoral » qu'il
faut éduquer (A). De même, l'attitude de l'électeur
africain se justifiant par sa situation économique, il faudra lutter
contre la pauvreté (B).
A- Education des électeurs
L'organisation d'un scrutin libre et équitable
acceptable par tous suppose avant tout la maîtrise des
procédures du vote et la finalité de l'élection par
les électeurs. Si l'on admet que la technique et la perception
actuelle des élections
105Voir MENTHONG (H.-L.), op. cit. p.11
50
en Afrique sont d'importation occidentale, il s'avère
indispensable de préparer l'électorat afin qu'elle s'approprie
les valeurs de la démocratie électorale.
L'éducation dont il est question ici n'est pas
nécessairement scolaire. Il est vrai, selon l'UNESCO, que l'Afrique a
fait un effort sensible ces deux dernières décennies en
matière d'éducation mais il s'agit ici plus d'éducation
civique que scolaire formellement. Il faut d'une part promouvoir
l'éducation civique et d'autre part l'éducation formelle.
S'agissant d'abord de la promotion de l'éducation
civique, il faut remarquer que la majorité de l'électorat
africain est analphabète soit parce qu'elle n'a pas
fréquenté soit parce qu'elle a abandonné très
tôt le cursus scolaire. Il importe de renforcer la culture citoyenne de
ceux-là qui constituent, du reste, la majorité de
l'électorat par une éducation civique informelle. Celle-ci
constitue un moyen fondamental de transformation des non scolarisés
ainsi que des déscolarisés en un corps de citoyens capables de
remplir convenablement leur devoir civique.
En renforçant leurs capacités,
l'éducation leur procure les moyens nécessaires à la
maîtrise des enjeux politiques, gage d'un choix éclairé et
judicieux. Pour être efficace, cette éducation civique doit se
faire selon une orientation, un contenu et des stratégies qui prennent
en compte les réalités spécifiques de chaque pays car,
l'homme ne peut devenir que ce que l'éducation fait de
lui106. Cette formation incombe aux acteurs extrascolaires en
général et en particulier aux partis politiques et autres
organisations de la société civile.
Mais, dans la réalité, ce sont surtout ces
dernières qui s'illustrent dans ce domaine. Nous n'en voulons pour
preuve que la mobilisation des associations et autres ONG lors de
l'élection législative de 2007 et présidentielle de 2010
au Togo.
Concernant l'éducation formelle, il faut relever que
sans élites intellectuelles responsables et conscientes, il n'y a pas de
démocratie viable. De même, sans école, il n'y a pas
d'élites intellectuelles. C'est l'éducation qui assure la
compétence postulée du citoyen. Les systèmes scolaires
sont des moteurs de
106 Voir KANT, Traité de pédagogie,
cité par LAUPIES (F.), et repris par DAKO (S.), op.cit., p.447
développement économique, social et politique.
Sur le plan politique, l'école est non seulement le lieu de la
construction nationale, mais aussi celui de la coercition et de la
révolte. En tant que moyen de construction de l'Etat-nation, elle doit
offrir à chaque individu, membre de la communauté, la chance
d'accéder au statut de citoyen. Les objectifs et les orientations de
l'éducation doivent donc être guidés par le modèle
de citoyens dont les Etats africains en mouvement vers la démocratie ont
besoin. Cette exigence d'éducation a conduit d'ailleurs certains pays
à décréter la gratuité de l'enseignement primaire
public107.
L'électorat une fois instruit sur le plan civique, doit
posséder un minimum vital pour éviter de monnayer son vote.
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