Processus électoraux en Afrique noire francophone( Télécharger le fichier original )par Mazamesso WELLA Université de Lomé - DEA - Droit public 2011 |
PARAGRAPHE I : INSTITUTIONALISATION DES FACTEURS SOCIO-ETHNIQUES. La division des sociétés africaines en ensembles ethniques est facilement invoquée pour rendre compte des troubles sociaux, de l'instabilité politique ou des retards de développement que l'on observe sur le continent. Toutefois ce facteur semble être ignoré par le constituant africain. La dévolution du pouvoir par voie électorale doit en prendre compte (B) du moment où les crises électorales en Afrique sont en réalité des crises interethniques (A). 101Titre III-2 de la Déclaration adoptée lors du Symposium international sur le "Bilan des pratiques de la démocratie, des droits et des libertés dans l'espace francophone", qui s'est tenu du 1er au 3novembre 2000, à Bamako(Mali). A- Election : un affrontement identitaireEn Afrique, la période électorale rime le plus souvent avec violences interethniques. Loin d'être un moment de confrontations politique et idéologique, elle est un temps de réactivation des conflits identitaires et de construction d'une identité nationale plurielle où les clivages communautaires resurgissent avec acuité dans l'espace public102. Les pays comme le Rwanda, la République Démocratique du Congo, le Kenya et le Nigeria illustrent bien la situation. Même les Etats apparemment calmes comme le Gabon, le Bénin, le Togo etc. ne semblent pas être à l'abri des troubles identitaires. La crise ivoirienne apparaît, à cet égard, significative du sort qui attend la plupart des pays africains, plongés dans la torpeur d'une paix artificielle, entretenue et maintenue par l'achat des consciences, le musellement de la presse, une opposition politique atone, etc.. Les périodes électorales constituent l'un des moments privilégiés de revendication identitaire. La manipulation des communautés de base par les leaders politiques est l'une des causes de cette situation qui débouche sur des affrontements interethniques. Parfois certains candidats renoncent à faire campagne dans certaines localités. Cette revendication identitaire qui aboutit à des violences interethniques, se justifie par plusieurs raisons : l'accession à des hautes fonctions administratives de l'Etat se fait le plus souvent en Afrique par affinité ethnique et non par mérite et il faut à cet effet se batailler pour que son frère de sang soit au sommet afin d'en tirer profit103. Aussi les différents groupes ethniques estiment que leurs intérêts ne peuvent pas être mieux garantis par un dirigeant issu d'une communauté ethno-régionale linguistique différente. C'est donc légitime de se poser la question de savoir si l'électeur africain est sous l'influence de sa communauté d'origine. En tout cas une chose est certaine : les mobilisations électorales s'effectuent pour l'essentiel sur la base des revendications d'appartenance et de conflits d'identité d'ethno-régionales. Les différences ethniques, religieuses et socioprofessionnelles, si elles sont sources de 102 Voir MENTHONG (H.-L.), « Vote et communautarisme au Cameroun : un vote de coeur, de sang et de raison », Politique africaine, No 69, p. 9 103 Voir MONDJIB (M.) « Comportement électoral, politique et socialisation confrérique au Sénégal » Politique africaine n°69, p.29 48 violences électorales en Afrique, c'est parce que les hommes politiques s'en ont servi pour accéder au pouvoir et pour diriger : « diviser pour mieux régner » diton souvent. D'ailleurs n'entend-on pas des candidats mettre en garde les électeurs sur le danger qu'ils courent s'ils portaient leur voie sur l'adversaire? De façon générale, le tribalisme détruit progressivement toute possibilité de vie en commun, sème la haine et la guerre entre les peuples, sous le signe d'un identitarisme féroce. Ces facteurs sociologiques qui agissent négativement sur les processus électoraux en Afrique doivent être exploités positivement. |
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