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Processus électoraux en Afrique noire francophone

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par Mazamesso WELLA
Université de Lomé - DEA - Droit public 2011
  

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PARAGRAPHE II : UNE ALTERNANCE A PRIORI INCERTAINE

Le renouveau démocratique des années 1990 est apparu dans un contexte dominé par des décennies de règne du parti unique, la personnalisation du pouvoir et l'incursion fréquente de l'armée dans les affaires politiques au mépris du caractère impartial et républicain de l'armée nationale. Le parti unique est devenu majoritaire en théorie et réfractaire aux élections (A), et l'armée politisée (B), ont fait de l'alternance à travers les urnes, une arlésienne.

A- La résurgence de l'ancien parti unique

La vie politique des Etats africains est dominée par des décennies de règne du parti unique qui était confondu avec l'appareil étatique. Le parti d'Etat qui a disparu avec le multipartisme est de fait le parti dominant dans la plupart des cas et exerce une influence non moins grande sur le fonctionnement régulier

85 BANEGAS (R.) « Marchandisation du vote, citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin », op.cit. p.21

86 BRATTON (M.), Populations pauvres et citoyenneté démocratique en Afrique, Afrique contemporaine 2006/4, n° 220, p.33-64.

87 Cette situation a été constatée et dénoncée par l'opposition togolaise lors des scrutins présidentiels de 1998 et de 2003.

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des institutions et par conséquent sur le déroulement des opérations électorales.

Il faut d'entrée souligner que les tenants du parti unique ont été très réticents à l'égard du multipartisme car ils n'entendaient pas non seulement recevoir des critiques sur la gestion dont ils font du bien public mais aussi avaient-ils peur de perdre certains privilèges. Ainsi l'ancien parti unique, en tant que parti politique parmi tant d'autres, et s'appuyant sur un parlement monocolore acquis à sa cause, fait adopter des textes électoraux peu favorables au jeu démocratique.

Les réformes constitutionnelles et institutionnelles indispensables à l'organisation d'un scrutin équitable sont donc bloquées ou faites à la mesure de la volonté de l'ancien parti unique et dans le souci de se maintenir au pouvoir. Le découpage électoral et le choix du mode de scrutin attestent l'assertion. C'est ce qui explique l'instabilité des textes et institutions africains comme l'atteste les intempestives modifications constitutionnelles et institutionnelles observées sur le continent88. Ce manque de préparation psychologique de l'ex-parti unique et de ses dignitaires à l'environnement démocratique rend quasiment impossible l'organisation des scrutins acceptable par tous.

Parlant de la culture politique africaine, Jean-Pascal DALLOZ et Patrick CHABAL estiment que ces traits témoignent de la résurgence de la longue durée d'une culture politique africaine (panafricaine ?) qui viendrait vaincre la couche superficielle d'occidentalisation déployée sur les sociétés africaines par la colonisation89. Cette mentalité réfractaire à la démocratie électorale se manifeste à trois niveaux.

D'abord les dirigeants autoritaires ne sont pas favorables à l'alternance et ne
sont pas préparés à accepter une quelconque défaite. Ils instrumentalisent à

88 En dehors des révisons constitutionnelles fréquentes qui suppriment la limitation des mandats, les codes électoraux sont toujours modifiés à la veille de chaque scrutin électoral et ceci en fonction des ambitions politiques du moment et des forces en présence.

89 Dalloz (J.-P.) et CHABAL (P.) cité par Foucher (V.), Difficiles successions en Afrique subsaharienne : persistance et reconstruction du pouvoir personnel, Pouvoirs, N° 129,2009/2, p. 127-137.

cet effet les normes électorales90 ou refusent de lâcher le pouvoir même en cas de défaite91. Ensuite les partisans de l'ex-parti unique notamment les « barons » par souci de conserver leurs prestiges et biens matériels acquis le plus souvent frauduleusement, et dans le but d'échapper à la justice, font tout pour soutenir et maintenir un régime illégitime et impopulaire en instrumentalisant, à tous les niveaux, le processus électoral. Le Ministère de l'Intérieur et les préfets au niveau local, le Ministère de la Sécurité avec la gendarmerie et la police chargée de sécuriser les élections et le Ministère des Finances qui affecte les fonds de l'Etat pour la campagne du président sortant, sont redoutables à cet effet.

Enfin l'avènement de la démocratie électorale en Afrique dans les années 1990 s'est produit dans un environnement socioculturel peu préparé pour accueillir un tel régime politique. Contrairement à ceux qui pensent que la démocratie du moins électorale n'est pas pour les africains92, le problème se pose en terme de préparation des populations africaines peu instruites et dont l'organisation sociale est basée sur la royauté et la chefferie avec une concentration des pouvoirs dans les mains du roi ou souverain, à s'approprier la démocratie électorale.

En effet les populations africaines sont dans l'ensemble conservatrices et redoutent les systèmes politiques d'importation même si aujourd'hui l'expérience tunisienne, égyptienne et libyenne atteste de l'évolution du comportement politique de celles-ci. Ceci dit le règne du parti unique qui a exclu pendant longtemps toute pensée contradictoire reste un facteur négatif pour l'instauration de la démocratie électorale.

Aussi faut-il ajouter la faiblesse persistante des partis d'opposition qui ont du mal à se déployer au-delà des bassins ethno-régionaux où leurs chefs peuvent parfois jouer de leur identité ou des grandes villes où la « colère » et la

90 Cas des découpages électoraux peu judicieux, des textes qui écartent les candidats de l'opposition les plus gênants, le refus d'enregistrer les électeurs acquis à la cause de l'opposition ou le gonflement de la liste électorale.

91 Le cas du Kenya en 2007 et celui de la Côte d'Ivoire en 2010 en sont évocateurs.

92 « Les élections pluralistes seraient à leur tour devenues un instrument de renforcement de pouvoirs autoritaires et même de domination inventé par les impérialistes pour retarder l'Afrique » Atsutsé AGBOBLI, cité par K. J. KOFFIGOH et repris par Du Bois De GAUDUSSON (J.) in « L'Afrique à l'épreuve des élections » Cahier constitutionnel N°13/2002.

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politisation forte de l'électorat leur facilite la tâche. Ce n'est donc bien souvent que lorsque des barons du parti au pouvoir entrent en opposition, détournant une fraction des ressources matérielles et militantes du parti au pouvoir, que l'opposition tient enfin une chance de victoire.

À rebours, tant qu'un chef d'État est décidé à rester au pouvoir, son monopole sur l'État semble souvent lui permettre de tenir le jeu politique formel et d'assurer sa réélection. A ces éléments peu favorables, vient s'ajouter l'armée.

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"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo