B- Un marchandage du vote
« Il semble aussi que le renouveau démocratique
n'a pas rompu avec la politique du ventre, mais bien au contraire, a
renforcé cette tendance en élargissant la participation des
élites et les populations au régime de manducation politique
»84. Cette analyse de Richard BANEGAS lors des élections
législatives de 1995 au Bénin illustre le caractère
monnayable du vote en Afrique.
La période préélectorale marquée
par la campagne électorale constitue en Afrique une foire commerciale
où voix et billets de banque sont échangés entre
électeurs et candidats. Il est vrai, les électeurs africains
attachent un prix au dépôt d'un bulletin dans l'urne mais la
citoyenneté balbutiante a d'abord pour nom « vote acheté
». C'est par cette fonction d'utilité, matérialisée
dans l'achat de conscience, que le vote pluraliste acquiert son sens dans le
contexte africain.
En lieu et place des projets de société qui
doivent être confrontés par les différents candidats pour
séduire l'électorat, c'est un véritable marché
d'appel d'offre où le plus offrant n'est pas celui dont la politique est
plus proche des électeurs mais celui qui s'exprime par l'importance de
ses moyens financiers et matériels. Cette situation fait du candidat
sortant le favori de fait car utilisant le plus souvent les moyens de l'Etat ;
ce qui rend incontestablement le scrutin peu compétitif. Le
clientélisme électoral est très perceptible chez les
électeurs pour qui, la période électorale est le moment
où l'on peut reprendre, aux hommes
83 BOSSUROY(T.), Déterminants de
l'identification ethnique en Afrique de l'Ouest, Afrique Contemporaine, n°
220, 2006/4, pages 119 à 136
84 BANEGAS (R.) « Marchandisation du vote,
citoyenneté et consolidation démocratique au Bénin »,
Politique Africaine, N°69, mars 1998, p.19
politiques, l'argent qu'ils ont accumulé depuis leur
accession au pouvoir85. Ce clientélisme électoral est
sans doute lié aussi à l'extrême pauvreté dans
laquelle vit la majorité des populations africaines.
Comme le soulève si bien Michaël BRATTON : «
s'il apparaît, d'un autre côté, que la stabilité
démocratique à moyen et à long terme dépend du
bien-être économique des citoyens, alors on pourrait s'attendre
à ce que les démocraties soient particulièrement fragiles
dans les régions du monde où beaucoup de gens vivent dans la
pauvreté »86. Les candidats aux différentes
consultations électorales ont su profiter de cette pauvreté des
populations pour les corrompre au cours de la propagande électorale en
distribuant les produits d'importation et des billets de banque. On assiste
à ces pratiques peu orthodoxes qui consistent à échanger
le bulletin d'un candidat contre un billet de banque à la sortie du
bureau de vote pour justifier qu'on n'a pas voté pour ce
dernier87
Le marchandage du vote et le vote du sang ou de coeur ont
dépouillé les élections de leur sens en faisant de
l'alternance par les urnes, une arlésienne.
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