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Processus électoraux en Afrique noire francophone

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par Mazamesso WELLA
Université de Lomé - DEA - Droit public 2011
  

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SECTION II : DES PROCESSUS TRIBUTAIRES DE LEUR

ENVIRONNEMENT

Les processus électoraux africains ne sauraient être envisagés en dehors de l'environnement socioculturel et politique dans lequel ils sont appelés à s'épanouir. En effet, marquée par des décennies de domination coloniale, l'Afrique a connu des régimes politiques libéraux quelques années avant la dictature militaire ou du parti unique jusqu'en 1990. Aussi les tentatives de construction de nations africaines depuis les indépendances se sont-elles révélées vaines du fait des facteurs socio-ethniques. Tout ceci explique le sens du vote en Afrique (§ 1) et rend l'alternance souhaitée peu probable (§ 2).

PARAGRAPHE I : ABSENCE DE THEORIE ELECTORALE AFRICAINE Que signifie « voter » en Afrique ? L'analyse même événementielle et culturaliste des scrutins électoraux sur le continent laisse découvrir que le sens donné au vote n'est pas le même que sur d'autre cieux78. Le vote ici est lié à l'ethnie (A) et à l'argent (B).

77 POKAM (H. de P.), les commissions électorales en Afrique subsaharienne: analyse de leurs enjeux et de leurs usages par les acteurs politiques au cours du processus d'invention de la neutralité électorale, communication faite au centre d'Etude d'Afrique Noire de Bordeaux, www.afrilex.u-bordeaux4.fr p .11, consulté en Août 2009.

78 Le vote est un moyen de demander compte aux dirigeants, de s'exprimer et sanctionner les dirigeants malhonnêtes.

A- Un vote essentiellement identitaire

La classe sociale, l'ethnie et la religion sont des facteurs explicatifs du sens du vote en Afrique. Si l'individualité79 et la rationalité80 du vote ne sont pas totalement absentes, elles sont néanmoins loin d'être la chose la mieux partagée par la majorité des électeurs africains. Des élections tenues dans les années 1990 à celles de 2011, la carte électorale de certains pays montre que les candidats réalisent toujours leurs meilleurs scores dans leurs départements d'origine et, plus largement, dans les zones d'implantation de leurs communautés ethnolinguistiques. Quant aux partis, en dehors de l'élection des fils du terroir, leurs meilleurs résultats sont réalisés dans les communautés d'origine de leurs leaders.

Les résultats issus de ces différentes consultations attestent le caractère ethnique de la vie politique togolaise et ceci à titre indicatif.

Election présidentielle de 1998

Régions

Suffrages exprimés

GNASSINGBE E.

OLYMPIO G.

Savanes

142.954

117.092

10.220

Centrale

179.674

140.049

8.754

Kara

313.297

228.443

3.197

79 Dans le vote, l'individualisation est une croyance, celle d'agir selon des convictions politiques, d'avoir une opinion à soi. Le vote est alors considéré comme un choix individuel fondé sur un calcul en termes de coûts d'opportunité.

80 Le vote est rationnel lorsqu'il tient compte non seulement des actes posés par le sortant mais aussi de la capacité des concurrents à répondre aux attentes de l'électorat. Pour le déterminer, il faut faire appel aux modèles stratégiques d'explication du vote qui, contrairement aux modèles déterministes ou sociologiques, mettent l'accent sur l'auteur de l'acte électoral et ses motivations profondes. Ainsi, en va-t-il des modèles économétriques qui font le lien entre le vote et les variables économiques telles que l'inflation, le taux de chômage et la croissance du PNB ou politlogiques qui tiennent aux repères politiques tels que l'identification partisane, la proximité idéologique. Les études révèlent l'existence de diverses rationalités dont les plus essentielles sont la rationalité en finalité, la rationalité en valeur et la rationalité affectuelle et émotionnelle. Cette diversité se justifie en ceci que l'électeur est aussi un être social ayant ses propres logiques d'attitude et d'intérêt. Le vote est, dès lors, le résultat d'un arbitrage qu'effectue l'électeur entre différentes allégeances. Ainsi, le déterminant du vote peut être l'intérêt égoïste du votant ou l'intérêt de la communauté nationale.

36

Plateaux

355.168

136.839

163.063

Maritime

355.280

39.381

269.011

Source : Tableau réalisé par nous-même à partir des résultats officiels Election présidentielle de 2005

Régions

Suffrages exprimés

Faure GNASSINGBE

Bob AKITANI

Savanes

309.396

228.977

77.834

Centrale

387.292

298.555

86.848

Kara

567.778

457.028

109.440

Plateaux

332.805

165.431

159.489

Maritime

607.076

177.546

408.186

Source : Tableau réalisé par nous-même à partir des résultats officiels

Ces deux tableaux montrent une polarisation du vote entre le nord et le sud. En 1998, le candidat au pouvoir, M. Eyadema GNASSINGBE, a obtenu ses meilleurs scores dans les régions nordiques du pays, zones d'implantation des populations Kabyè, ethnie d'origine du président, et autres, Losso et Bassar. Ainsi, à Kara, sur un suffrage exprimé total de 313.297 voix, il en a obtenu 228.443 soit 72,91%. Dans la région centrale, grâce à la présence d'une forte population rurale Kabyè qui y ont immigré à la recherche de terres cultivables, Eyadema a fait 77,94% des suffrages.

Par contre, dans la région maritime qui n'a pas reçu de migrants, le rejet de ce candidat a été cinglant car il n'y a obtenu que 11,08% des suffrages exprimés contre 75,71% pour G. OLYMPIO, candidat originaire du sud. Cette répartition géographique du vote a été maintenue en 2005 malgré l'absence des deux principaux challengers de 1998. L'opposition nord-sud a été respectée. Dans la région maritime, le candidat originaire du sud, Bob AKITANI qui a remplacé G. OLYMPIO a obtenu un score de 408.186 voix sur 606.076 suffrages exprimés soit un pourcentage de 67,34%. De même, à Kara, le successeur d'Eyadema GNASSINGBE, M. Faure GNASSINGBE, mobilise 80,04% des suffrages exprimés sur sa personne.

Il ressort des résultats des élections présidentielles que les populations du sud votent majoritairement pour les candidats de l'opposition originaires du sud. Quant aux électeurs du nord, ils portent majoritairement leur choix sur le Rassemblement du Peuple Togolais (RPT), parti au pouvoir et dont les leaders sont du nord. Cette logique s'observe également dans les résultats des élections législatives de 1994 et de 2007.

L'analyse de la carte électorale du Bénin, du Gabon et du Cameroun donne les mêmes résultats81.

L'autre facteur sociologique dont dépend le vote en Afrique est la religion. Au Sénégal, une étude réalisée dans la région de Saint-Louis auprès d'un échantillon de trois mille personnes inscrites sur les listes électorales montre que le lien ethnique avec le candidat est moins décisif dans le choix de l'électeur que la consigne du marabout qui rivalise avec celle du chef de famille82.

L'hétérogénéité identitaire des individus empêche la société d'adopter des institutions efficaces ou d'établir un système de conventions partagé : la division en ethnies affecte en effet le degré d'empathie ou de confiance que les individus se portent spontanément les uns envers les autres, et affaiblit donc la capacité du corps social à se définir des objectifs collectifs ou à instaurer les

81 DAKO (S.), « Processus électoraux en Afrique Noire francophone » Thèse de doctorat, op. cit. p. 400-421

82 Voir MONJIB (M.), Comportement électoral, politique et socialisation confrérique au Sénégal, Politique Africaine, n°69, mars 1998, p. 57.

38

mécanismes d'autorité et de solidarité qui rendent possibles les politiques publiques83.

Ces facteurs sociologiques qui influencent le vote en Afrique font que les élections ici n'ont pas le même sens qu'ailleurs. La perversion des élections par les facteurs ethniques et religieux est accentuée par le marchandage du vote.

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"L'imagination est plus importante que le savoir"   Albert Einstein