B- Inféodation de l'administration électorale
par le pouvoir en place
Qualifiées d'indépendantes ou autonomes, selon le
cas, les commissions électorales africaines jouissant d'une
indépendance existentielle et fonctionnelle, sollicitent, dans leur
fonctionnement, l'intervention de plusieurs
74Si les attributions restent
déterminées par le texte législatif susmentionné,
il n'en demeure pas moins que cette institution, en dépit de la noblesse
de la mission qui lui a été confiée, peut semer le doute
dans un contexte de crise larvée ou ouverte entre les différents
acteurs de la vie politique.
75 Les articles 7 et 8 du code électoral du
Togo qui disposent respectivement que « la CENI élabore son budget
avec le concours technique des services compétents de l'Etat » et
que « l'Etat met à la disposition de la CENI les moyens
nécessaires à son fonctionnement et à l'accomplissement de
sa mission ». La même autonomie est consacrée par la loi
électorale du Bénin. L'article 40du code électoral
béninois dispose, en effet, que « la Commission Electorale
Nationale Autonome (CENA) dispose d'une réelle autonomie par rapport au
gouvernement, aux départements ministériels, au Parlement et
à la Cour Constitutionnelle sous réserve des dispositions des
articles 49, 81 alinéa 2 et 117, 1er et 2ème tirets, de la
Constitution du 11 décembre 1990 et des articles 42, 52 et 54 de la loi
91-009 du 04 mars 1991 portant loi organique sur la Cour Constitutionnelle
modifiée par la loi du 17 juin 1997 ».
acteurs gouvernementaux qui limitent au bout du compte, leur
indépendance. Cette situation produit une influence non moins grande sur
l'impartialité et la neutralité de ces
institutions.
En effet la conduite des opérations électorales
requiert l'intervention de plusieurs acteurs gouvernementaux: le
Ministère de l'Intérieur pour la sécurité
électorale et le maintien de l'ordre public; le Ministère des
Finances pour la gestion des ressources financières ainsi que la tenue
de la comptabilité des fonds publics alloués par le
législateur ; le Ministre des Affaires Etrangères pour
l'observation internationale; le Ministre de la Justice dont le personnel est
très sollicité tout au cours du processus76. Les
instances de régulation des médias interviennent dans le
déroulement du processus électoral.
Ces organes étatiques, souvent aux compétences
vaguement définies, profitent de cette imprécision des textes
pour influencer, dans tel ou tel sens, selon leur connotation politique. Ils
font souvent preuve de zèle administratif ou d'une passivité et
portent, de ce fait, un coup dur à la transparence et la
fiabilité des opérations électorales.
De fait ou de droit, le pouvoir politique en place tente ainsi
de neutraliser les institutions électorales en réduisant leurs
moyens logistiques à l'approche des élections nationales. Cette
situation est relevée dans le cadre des élections
sénatoriales du Sénégal de janvier 1999. En effet, les
moyens de l'Observatoire National des Elections au Sénégal (ONEL)
ont été drastiquement et brutalement limités. Par exemple,
alors que ces premiers locaux s'étaient révélés
insuffisants, l'ONEL s'est vu octroyer un nouveau local quatre fois moins
grand. De même, il n'avait pas reçu le personnel nécessaire
(administratif et ouvrier) et son Président n'avait plus de bureau dans
la nouvelle structure. Cette inféodation de l'administration
électorale est la manifestation de l'attitude du Chef de l'Etat
Sénégalais qui, face à la crédibilité accrue
de l'ONEL nomma son président comme ambassadeur en GuinéeBissau.
L'opposition sénégalaise a vivement dénoncé cette
tentative de porter atteinte à l'indépendance et à
l'efficacité de cette institution que le Général
76 Au Togo les présidents des commissions
électorales indépendantes locales sont des magistrats,
présidents des tribunaux.
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NIANG avait fini par symboliser malgré la suspicion et le
scepticisme du début77.
Le politique prend ainsi le contrôle des institutions
électorales en ne laissant à celles-ci qu'une portion congrue de
marge de manoeuvre dans la mise en oeuvre de leurs compétences. Les
dysfonctionnements constatés des institutions en charge de la conduite
des opérations électorales et les graves crises et violences
électorales rendent non seulement impossible l'alternance par la voie
des urnes mais sont aussi sources d'instabilité politique sur le
continent. Néanmoins une analyse objective révèle aussi
que les difficultés de l'Afrique de s'approprier la démocratie
électorale sont liées à des facteurs socioculturels.
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