B- Un mimétisme inadéquat
La démarche suivie par les constituants africains se
justifie par l'histoire coloniale. La dimension historique est grande dans
l'influence exercée par le droit occidental sur le droit africain. En
réalité l'importation du droit du colonisateur n'est pas en soi
condamnable car il fallait, en tant que nouveaux Etats indépendants, se
fonder sur quelque chose.
Mais la difficulté ou du moins l'impact négatif
de cette situation réside non seulement dans le fait que le
modèle importé n'est pas sans reproche mais aussi les facteurs
socioculturels et ethniques très diversifiés du continent n'ont
pas été suffisamment pris en compte. De surcroît les
efforts d'adaptation présentent des faiblesses. Que les élections
en Afrique soient qualifiées de non concurrentielles ne doit pas
surprendre même si les irrégularités rencontrées ici
ne sont pas les mêmes ailleurs car tous les systèmes
européens ne sont pas concurrentiels ou pour le moins ne l'ont pas
toujours été68. Il faut aussi souligner que les
imperfections, du moins certaines, sont des éléments constitutifs
permanents du fonctionnement des démocraties électorales
occidentales et des régimes apparentés. Il paraît ainsi
normal que la copie porte les erreurs de l'originale.
Toutefois analyser les élections africaines en termes
de copie serait dangereux et limiterait l'intérêt du sujet. Le
mimétisme africain doit être qualifié de faux
mimétisme car l'Afrique ne s'est pas contenté de recopier ou
d'imiter l'Occident mais a fait preuve d'originalité comme l'atteste la
création des commissions électorales. Ainsi le problème se
pose en des termes différents. L'originalité africaine est-elle
adaptée à ses réalités ? N'est-elle pas source de
plus d'irrégularités que l'invention occidentale ? A ces
questions nous pouvons répondre par l'affirmative en nous fondant sur
l'observation de la situation. S'il
67Du Bois de GAUDUSSON (J.), « Le
mimétisme postcolonial, et après ? », op. cit. p. 49
68 Voir QUANTIN (P.) « Pour une analyse
comparative des élections africaines », Politique
Africaine N°69, 1998, p.12
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est vrai qu'une suspicion de partialité du
Ministère de l'Intérieur justifie l'institution des commissions
électorales, la création de celles-ci à quelques jours de
la date du scrutin, leur composition et compétence ne sont pas de nature
à rendre sincères et fiables les opérations
électorales.
Comment expliquer la prise de fonctions des membres de la
commission électorale guinéenne neuf jours avant le jour du
scrutin? Comment la commission de la République Démocratique du
Congo avec des maigres moyens logistiques pouvait distribuer le matériel
électoral en une seule journée dans un pays qui fait dix fois la
France?
Le vote est secret et doit l'être mais la technique du
vote en Afrique, calquée sur le modèle occidental pose de
sérieuses difficultés dans un environnement où la
majorité des électeurs est analphabète, sans
éducation civique, mettant ainsi en cause le caractère secret du
vote.
PARAGRAPHE II : UNE INGENIERIE AFRICAINE LACONIQUE
L'effort des acteurs politiques africains en vue de la gestion
efficiente des élections n'est pas négligeable sauf aux yeux des
pessimistes. Cet effort qui se justifie par la création des commissions
électorales semble être remis en cause par l'issue
controversée des scrutins et souvent justifiée par les
dysfonctionnements de ces institutions. Ces difficultés sont d'ordre
structurel et conjoncturel. La réversibilité des processus
électoraux en Afrique est donc liée d'une part aux limites
normatives des commissions électorales (A) et d'autre part à leur
l'inféodation par le pouvoir en place (B).
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