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La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs

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par Florence COUTURIER- LARIVE
Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010
  

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Section II- La destination convenue  de l'ouvrage

236. Une notion casuelle par nature- Outre par référence à la destination objective de l'ouvrage453(*), l'impropriété à la destination s'apprécie également au regard de la destination telle qu'elle a été convenue entre les parties, (habitation, garage...)454(*), par une volonté claire et exprimée d'une part et par une acceptation non équivoque d'autre part. Par nature, cette destination convenue est donc très casuelle455(*), puisque hormis les stipulations contraires à l'ordre public ou aux bonnes moeurs456(*), le principe est la liberté. Dès lors, dans ce cas, cette destination devra être appréciée exclusivement par rapport à la destination première de l'immeuble457(*) et non par rapport à un élément d'équipement458(*). Dès lors, cette impropriété se déduira de l'essence même de l'ouvrage (§2), laquelle découle toujours de la volonté des parties, donc, de l'économie du contrat (§1)

§1- En référence à l'économie du contrat

237. L'économie du contrat, une notion prétorienne contemporaine- L'économie du contrat est une notion prétorienne, qui consiste pour le juge à prendre en considération le contenu de celui-ci de manière globale. Pour ce faire, il se place d'un point de vue extérieur et économique, en se dissociant de la volonté des parties. La notion d'économie du contrat permet donc un examen lié de l'objet et de la cause, lequel permet d'en déterminer l'utilité. Malgré la part subjective de l'appréciation, conférant un caractère imprécis à la notion, l'économie du contrat permet au juge de percevoir, d'une part, les conséquences de tout manquement aux obligations qu'il stipule et d'autre part, les conséquences dommageables que ces inexécutions entraîneraient459(*). Quelques exemples jurisprudentiels montrent une propension des juges à prendre en compte l'économie globale460(*) ou générale461(*) du contrat462(*). L'économie du contrat permet en quelque sorte de dégager l'essence d'une convention, ce qui, dans la matière qui nous concerne, permet au juge de déterminer la nature de la destination convenue d'un ouvrage et de ce fait, les obligations qui en découlent. Ainsi, par le biais de l'économie du contrat, la Cour de Cassation impose le respect à la fois de la cohérence interne du contrat et de l'équilibre économique entre les parties.463(*)

238. Obligations des parties- A ce titre, les parties sont libres de décider d'incorporer au champ contractuel une destination particulière464(*), mais les constructeurs ont l'obligation de se renseigner sur la destination exacte des locaux et doivent rectifier le cas échéant les renseignements erronées fournis par un maître de l'ouvrage incompétent465(*).

239. Appréciation par la jurisprudence- Par conséquent, la jurisprudence détermine au cas par cas l'impropriété et certaines décisions font preuve d'une appréciation extensive de la notion (par exemple, impropriété à sa destination d'une résidence hôtelière par suite de la dégradation des tablettes supportant les vasques dans les salles de bains466(*)), d'autres retiennent l'impropriété dans le cas où elle n'affecte que « pour partie » la destination de l'ouvrage467(*). De même, a été sanctionnée sur la base de l'impropriété à la destination la non obtention des économies d'énergie prévues468(*). En l'espèce, il s'agissait d'un défaut de fonctionnement de capteurs solaires destinés à alimenter un système de chauffage. En deuxième instance, la Cour d'appel de Versailles avait retenu que « la possibilité d'utiliser l'énergie solaire constituait l'un des facteurs concourant à définir la destination de l'ouvrage dont elle a influencé la conception et, à l'évidence, accru le coût dans des proportions que seul pouvait justifier l'espoir d'économies appréciables à l'usage ». La Cour avait raisonné sur l'absence de contrepartie au surcoût lié à l'installation des capteurs. « Or, la question se pose plus en aval sur le point de s'avoir si l'absence de contrepartie au contrat réside dans l'absence d'économie d'énergie à terme. On passe de la notion d'objet du contrat (construire un bâtiment pour un certain usage) à la notion d'économie du contrat à travers sa cohérence469(*) ». C'est ce raisonnement que la Cour de Cassation a retenu en estimant que : « (...)l'immeuble était rendu impropre à sa destination par le non-fonctionnement de l'élément d'équipement constitué par les capteurs solaires, compte tenu des risques de surchauffe de l'eau chaude sanitaire collective, et parce que les objectifs d'économies d'énergie, consécutifs à la fourniture d'énergie mixte, promis aux utilisateurs par le promoteur, qui s'était prévalu de la qualification Solaire trois étoiles", n'étaient pas atteints, même si la fourniture d'eau chaude à température désirée pouvait être assurée par l'installation individuelle de chauffage au gaz, (...) la responsabilité décennale du constructeur était engagée (...) ». De même, peu de temps avant, la Cour d'appel de Paris470(*) avait décidé qu' «(...) une installation de chauffage comportant un système mixte comprenant un chauffage électrique et des installations solaires constitue un élément d'équipement qui relève de la garantie décennale prévue par l'article 1792 et 2270 du Code civil, bien que lesdites installations solaires soient dissociables du bâtiment » en raison du fait que, « (...) la possibilité d'utiliser l'énergie solaire constituait l'un des facteurs concourant à définir la destination de l'ouvrage, dont elle a influencé la conception et, à l'évidence, accru le coût dans des proportions que seul pouvait justifier l'espoir d'économies appréciables à l'usage (...) qu'il s'ensuit que (...) le mode de production de chaleur retenu constituait un système mixte dont faisaient partie les installations solaires, de sorte que la défaillance de ces dernières compromettait le bon fonctionnement du chauffage dans son ensemble et rendait, par là même, l'ouvrage impropre à sa destination ;qu'en conséquence, les éléments d'équipement qui le composent, alors même qu'ils seraient dissociables des bâtiments au sens de l'article 1792-2 du Code civil, sont de ceux auxquels s'applique la garantie décennale prévue par les articles 1792 et 2270 du même code ». Pour conclure et en tout état de cause, ces exemples démontrent que, que l'on se place en amont ou en aval de l'appréciation de l'économie du contrat, il est intéressant de noter que c'est le facteur « qui influence » la conception de l'ouvrage qui se trouve être un élément constitutif majeur de l'appréciation de la destination à travers l'économie du contrat.

240. Distinction avec le défaut de conformité- Parallèlement, la référence aux stipulations contractuelles ou pour le moins, à un accord entre les parties en ce qui concerne la destination de l'ouvrage, ne doit pas amener à confondre la survenance d'un désordre créant une impropriété à destination et un simple défaut de conformité. En effet, la non conformité étant la caractéristique de la chose livrée, exempte de vice, mais ne correspondant pas à ce qui était initialement convenu471(*), les défauts de conformité ne relèvent de la garantie spécifique de l'article 1792 du Code Civil qu'à la condition qu'ils causent des désordres présentant le caractère de gravité exigé par ce texte, c'est-à-dire qui, soit compromettent la solidité de l'ouvrage, soit le rendent impropre à sa destination472(*). Sans quoi, le défaut de conformité relèvera de la garantie contractuelle de droit commun de l'article 1147 du Code Civil473(*). Ainsi, si le promoteur, au cours de la construction, décide unilatéralement de substituer un procédé d'isolation phonique inadéquat et non conforme à celui prévu au descriptif contractuel, alors même que l'isolation répond aux exigences légales, la non conformité sera retenue474(*). Cependant, force est de constater que la frontière entre les deux notions devient ténue avec l'intervention de la destination contractuelle. En effet, « la non-conformité au contrat devient vite la non-conformité à la destination, puisque c'est lui qui définit celle-ci475(*) ». C'est d'autant plus vrai que la question de la non conformité à une norme ou un label inséré au contrat a pour conséquence que « la responsabilité peut également se rencontrer lorsque la référence à une norme ou un label est présentée comme un fait acquis dans le cadre d'une vente : il serait certainement fautif de prétendre vendre un bien conforme à une norme et qui ne présenterait pas la qualité promise.476(*) ». Faut il en conclure que le respect des normes légales facultatives stipulées ne relèveraient que du régime de la non conformité et de la responsabilité de droit commun ? C'est une question à laquelle la jurisprudence issue de la l'application de la Loi du 12 juillet 2010 aura certainement à répondre. En attendant, il ne semble pas interdit de penser que le non respect d'une norme obligatoire édictée par la Loi Grenelle II puisse entraîner l'impropriété à la destination d'un ouvrage conçu expressément dans une optique éco performante, a fortiori si ce manquement à la norme entraîne des conséquences dommageables pour le maître d'ouvrage477(*).

* 453 Supra, n° 225 et s

* 454 Pour des ex., V. Ph. Malinvaud - D. Action Droit de la construction, Ed. D. 2011, «Responsabilité des constructeurs (droit privé) : garantie bienno-décennale - domaine : les ouvrages et leurs désordres » n° 473.400

* 455 J.- B. Auby, H. Périnet- Marquet- R. Noguellou, « Droit de l'urbanisme et de la construction » 8ème éd. 2008, coll. Domat dr. public/privé, éd. Montchrestien, n° 1258

* 456 C.Civ, Art. 6

* 457 Cass. Civ 3ème , 17 oct. 1990, JCP 1990, IV, 40, citée par J.- B. Auby, H. Périnet- Marquet- R. Noguellou, Op.cit, n° 1258

* 458 Cass. Civ 3ème, 2 oct. 2001, RDI 2002, 153, obs Ph.Malinvaud, citée par J.- B. Auby, H. Périnet- Marquet- R. Noguellou, Ibid.

* 459 Dalloz Action Droit de la responsabilité et des contrats, Ed. D. 2010 N° 3618.

* 460 Cass. Com. 13 avr. 1999, no 97-16.632, Bull. civ. IV, no 89 ; RJDA 1999. no 669, in Dalloz Action Droit de la responsabilité et des contrats, Ed. D. 2010 N° 3618

* 461 Cass. Com. 15 févr. 2000, no 97-19.793, Bull. civ. IV, no 29 ; D. 2000. Somm. 364, obs. Ph. Delebecque ; LPA, 13 juill. 2001, no 139, ibid.

* 462 Cass. Com. 15 févr. 2000, no 97-19.793, Bull. civ. IV, no 29 ; D. 2000. Somm. 364, obs. Ph. Delebecque ; LPA, 13 juill. 2001, no 139, ibid

* 463 Ph. Malinvaud, « L'impropriété à la destination peut s'entendre de la non-obtention des économies d'énergie promises », Note ss Cass.Civ. 3e., 27 sept. 2000, pourvoi n° C 98-11.986, SMABTP c/ Synd. Copr. de la Résidence « Les Portes du Mail II » à Guyancourt, et autres, RDI 2001 p. 82

* 464 Cass. Civ. 3e , 16 mars 2004, RDI 2004, obs Ph. Malinvaud

* 465 Cass. Civ 3e , 31 mars 1993 RGAT 1993, 611, obs H. Périnet Marquet

* 466 Cass. Civ. 3e, 23 janv. 1991, no 88-202.21, D. 1991. jur. 593, cité par Ph. Malinvaud - D. Action Droit de la construction, Ed. D. 2011, «Responsabilité des constructeurs (droit privé) : garantie bienno-décennale - domaine : les ouvrages et leurs désordres » n° 473.400

* 467 Par ex., Cass. Civ. 3e, 19 nov. 1997, no 95-15.811 , RDI 1998. 96, cité par Ph. Malinvaud, ibid

* 468 Cass. Civ. 3e, 27 sept. 2000, RDI. 2001. 82

* 469 Ph. Malinvaud, « L'impropriété à la destination peut s'entendre de la non-obtention des économies d'énergie promises (Cass Civ. 3e, 27 sept. 2000, pourvoi n° C 98-11.986, SMABTP c/ Synd. Copr. de la Résidence « Les Portes du Mail II » à Guyancourt, et autres) », RDI 2001 p. 82

* 470 CA.Paris 29 mars 2000 n° 1997/22221

* 471 O. Tournafond - D. Action Droit de la construction, Ed. D. 2010, Vente d'immeuble à construire : exécution -n° 532.110.

* 472 Cass. Civ. 3e, 13 avr. 1988, RDI. 1988. 228

* 473 Infra, n° 286 et s.

* 474 Cass. Civ. 3e, 21 févr. 1990, n° 88-10.623

* 475 Sénat, séance du 3 nov. 1977, p. 2545, intervention de M. J. Barrot, citée par P. de Lescure, « Garantie décennale et impropriété à la destination de l'ouvrage », RDI 2007 p. 111

* 476 F. G. Trebulle, « L'accroissement de la prise en compte du développement durable dans le secteur de la construction », RDI 2008 p. 176

* 477 Supra, n° 204 et s

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry