La loi du 12 juillet 2010, portant engagement national pour l'environnement et la responsabilité des constructeurs( Télécharger le fichier original )par Florence COUTURIER- LARIVE Université Aix- Marseille III - Master II Droit immobilier public et privé 2010 |
§2- Dans la garantie décennale107. L'article 1792 du Code Civil- Conformément aux dispositions de l'article 1792 du Code Civil, la garantie décennale s'applique en cas d'atteinte à la solidité de l'ouvrage ou en cas d'impropriété à sa destination. L'article dispose en effet dans son premier alinéa, que : « Tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ». 108. Deux critères de gravité alternatifs- Avant la loi Spinetta n° 78-12 du 4 janvier 1978 relative à la responsabilité et à l'assurance dans le domaine de la construction, la jurisprudence se livrait à une interprétation littérale des termes de l'article 1792, lequel faisait état du dommage menaçant « l'édifice » de périr « en tout ou partie ». De cette interprétation, les juges ont décidé que les vices affectant des gros ouvrages relèveront de la garantie décennale « s'ils portent atteinte à la solidité de l'édifice ou s'ils le rendent impropre à sa destination ». Ces critères de gravité ont été repris par la Loi de 1978 dans le nouvel article 1792 du Code Civil, lequel dispose que le constructeur est responsable « des dommages [...] qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination ». 109. Un seuil de gravité élevé- Ces conditions, bien qu'alternatives, laissent néanmoins entendre que la mise en oeuvre de la garantie décennale est subordonnée à la présence de dommages présentant un caractère de gravité tel que l'ouvrage s'en trouve soit compromis dans sa solidité, soit rendu impropre à sa destination, autrement dit, inutilisable pour l'usage auquel il se destinait. 110. Appréciation souveraine des juges du fond- A ce titre, les juges du fond disposent d'un pouvoir souverain d'appréciation pour décider des conséquences des désordres184(*). 111. Indifférence du nombre des désordres- En outre, peu en importe le nombre: qu'il soit seul ou multiple, le ou les désordres retenus pour la mise en oeuvre de la garantie décennale sera celui ou ceux qui compromettent l'édifice dans sa solidité (A) ou dans sa destination (B) A- L'atteinte à la solidité de l'ouvrage112. Une notion large- Comme la nature a horreur du vide, les notions juridiques ouvertes laissent libre cours à l'insertion dans leur brèches de questionnements dont le rôle du juge est celui de tenter d'y répondre, notamment en se référant à la volonté du législateur. La notion de solidité n'échappe pas à cette règle naturelle et si celle ci laisse à penser que le dommage y afférant doit être suffisamment grave pour menacer l'édifice d'effondrement, en tout cas, de destruction, le rapport Spinetta, tempérant cette perception catastrophiste, avait précisé qu'il convenait de s'attacher à l'idée d'atteinte à la stabilité ou au caractère durable de l'ouvrage185(*). 113. Une notion résiduelle en jurisprudence- Cependant, la caractéristique première de l'atteinte à la solidité demeure la présence d'un dommage d'une extrême gravité, lequel somme toute se rencontre assez rarement au cas d'espèce. Tout au plus quelques décisions en donnent des exemples : ainsi, le cas d'un glissement de terrain qui rend nécessaire l'évacuation de la construction186(*), ou de l'infestation d'un chalet en bois par les insectes capricornes187(*). Néanmoins, il convient de souligner que le caractère futur ou évolutif de certains dommages, notamment en ce qui concerne certaines fissures affectant le gros oeuvre, pourrait à terme, compromettre la solidité de l'édifice188(*). Dès lors, on peut constater que l'atteinte à la solidité de l'ouvrage, notion aisément concevable dans l'esprit, ne saurait retenir plus ample attention au regard du peu de contentieux qu'elle suscite, à l'inverse de la notion d'impropriété à la destination. * 184 V. Cass. Civ. 3e, 8 oct. 1997, no 95-20.903 et Cass. Civ. 3e, 19 nov. 1997, no 95-15.811 , RDI 1998. 96 citées par Ph. Malinvaud, Dalloz Action Droit de la construction, Editions Dalloz 2011, n°473.370 * 185 Ph. Malinvaud, Ibid, n° 473.380 * 186 Cass. Civ. 3e, 14 nov. 1984, RDI 1985. 158), * 187 Ph. Malinvaud, Op. cit n° 473.380 * 188 Sur les dommages futurs et les désordres évolutifs, V : « Droit de l'urbanisme et de la construction » J- B. Auby, H. Périnet- Marquet- R. Noguellou, 8ème éd. 2008, collection Domat droit public/privé, éd. Montchrestien, n° 1245 - 1245-2. |
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