WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Lutte contre l'impunité et effectivité des droits des accusés : le doux chant de sirène du tribunal pénal international pour le Rwanda.

( Télécharger le fichier original )
par à‰lise LE GALL
Université Pierre Mendès France - Master 2 Droit 2010
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

2. Au niveau du TPIR : une liberté d'interprétation.

Le statut du TPIR régissant les procédures internationales pénales en cours, confèrent une place au droit de la défense. Ceci est clairement établi à l'article 18 paragraphe 3 relatif aux droits du suspect, et l'article 21 relatif aux droits des accusés dans le statut du Tribunal Pénal International pour l'ex Yougoslavie. Concernant le Tribunal Pénal International pour le Rwanda, il s'agit des articles 17 paragraphe 3 et 20 du statut du TPIR et article 55 et 67 du statut de la Cour Pénale Internationale. La stricte réglementation de l'acte d'accusation est prévue aux articles 17.4), 20.4° du statut du TPIR,82 et article 47 B) et C) du Règlement de procédure et de preuve.83

Le droit de l'accusé est encadré aux articles 17.3 du statut du TPIR concernant le droit d'être défendu, et l'article 20 du statut du TPIR concernant les droits de l'accusé. Afin de saisir l'interprétation qui est faite par le TPIR de l'ensemble de ces droits, il est judicieux d'analyser ces droits à la lumière de décisions jurisprudentielles. Ainsi dans l'affaire Akayesu, l'appelant a demandé que son mémoire soit traduit afin de respecter son droit à être compris par les juges. Sa demande fut acceptée par la chambre au motif qu'une bonne administration de la justice et une égalité de traitement des parties l'imposent. Dans cette affaire, l'accusé a également présenté deux motifs d'appel concernant le fait d'avoir été privé du droit d'être défendu par le conseil de son choix et d'avoir été privé du droit à un conseil compétent. Ici la Chambre d'appel a retenu «en principe, le droit à l'assistance gratuite d'un avocat ne confère pas le droit de choisir celui--ci », et que «en pratique l'accusé indigent a la possibilité de choisir parmi les avocats figurant sur la liste ». En revanche concernant le droit à un avocat compétent, la chambre répond que la compétence de l'avocat est une présomption qui ne peut être renversée que par la preuve du contraire. Or en l'espèce, la preuve du contraire n'a pas été rapportée.

Autre jurisprudence intéressante, concernant l'application d'un droit à l'égalité des
armes entre l'Accusation et la Défense. Dans l'affaire Kayishema et Ruzindana84, la

8 2 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

8 3 Annexe 4, Règlement de procédure et de preuve du TPIR.

8 4 N° ICTR_95--1--A, Le procureur contre Clément KAYISHEMA et Obed RUZINDANA, jugement, 1 Juin 2001.

Défense a demandé des informations sur les moyens matériels d'enquête dont disposait l'Accusation afin d'exiger un équilibre avec ceux de la défense sur la base du principe de l'égalité des armes. Ceci a donc conduit la chambre à interpréter le sens de l'article 20 du statut du TPIR, et celle--ci a conclu qu'il s'agissait davantage d'une égalité de droits, que de moyens entendus comme les méthodes et ressources. En effet pour la chambre d'appel, l'égalité des armes entre la Défense et l'Accusation ne signifie pas nécessairement une égalité matérielle. Cette approche est beaucoup plus restrictive que celle de la chambre d'appel du TPIY sur cette question, qui conclut qu'il faut s'assurer que chaque partie doit avoir une chance raisonnable de défendre ses intérêts, sans être dans une situation désavantageuse par rapport à l'autre. 85Elle sous--entend que la défense des intérêts de chacune des parties se fait également à travers des méthodes et ressources et que l'égalité des armes comprend donc aussi un aspect matériel. De même que pour le Cour Européenne des droits de l'homme, l'égalité des armes ne s'entend pas nécessairement comme une égalité stricte, mais à tout le moins, qu'il faut éviter que, pour l'établissement de la preuve, une partie soit dans une situation de «net désavantage » par rapport à une autre86

C oncernant l'obligation d'informer le prévenu des charges qui pèsent contre lui dans les plus brefs délais, qui constitue une composante du droit à un procès équitable, la chambre d'appel a été amenée à y répondre dans l'affaire Barayagwiza87. Puisque sur le fondement du délai raisonnable de la procédure et de l'absence d'information prompte de l'accusé, la Chambre d'appel a décidé de la remise en liberté de l'accusé. Par cette décision, la chambre d'appel démontre que le TPIR dispose donc d'instruments et de moyens juridiques lui permettant de mettre fin à la poursuite d'un accusé en cas de violations graves des droits de l'accusé.

Le droit au procès équitable est prévu à l'article 19 du statut du TPIR concernant l'ouverture et la conduite du procès, l'article 21 concernant la protection des victimes et témoins et l'article 22.2 sur la motivation du jugement et enfin les articles 24 et 25 du

8 5 N °IT--94 -- 1 -- R, Le procureur contre Dusko TADIC, jugement du 15 juillet 1999, paragraphe 48.

8 6 Cour Européenne des Droits de l'Homme, 23 octobre 1993, série A, n° 274, JCP 1994, I, n°3742, note F. Sudre.

8 7 N° ICTR--97--19, Le procureur contre J. BARAYAGWIZA, 3 novembre 1999.

Statut du TPIR pour l'appel et la révision88. Ici il est intéressant de relater l'acte d'appel présenté par Kayishema89, qui s'articule autour de cinq points, pour soulever l'iniquité de son procès. Tout d'abord la question de l'indépendance du tribunal, puis l'égalité des armes, la présomption d'innocence, le principe du contradictoire, et les délais de communication de pièces. La chambre d'appel va apporter des précisions sur l'interprétation qui doit être faite de ces différents droits, notamment sur la question de l'indépendance du tribunal. Ainsi elle considère que l'impartialité du juge se base sur un critère subjectif, l'indépendance du tribunal est basée quant à elle sur un critère objectif « en tant qu'organe judiciaire dont la compétence est définie par la résolution 955 du Conseil de Sécurité, il agit en toute indépendance par rapport aux organes des Nations Unies ». Ensuite dans l'affaire Rutaganda90, la chambre de première instance a, exceptionnellement, autorisé la défense à ajouter trois nouveaux témoins à sa liste initiale, au motif qu'il en allait de l'intérêt de la justice.

Enfin, dans l'affaire Kayishema et Ruzindana91, les juges ont affirmé que «le principe du droit au procès équitable fait partie du droit international coutumier. Il est confirmé par plusieurs instruments internationaux, notamment l'article 3 commun aux Conventions de Genève... ». Ou encore dans le jugement Akeyesu, la chambre de première instance du TPIR faisait déjà référence aux droits de l'accusé «tels que reconnus par l'article 14 du Pacte International des Nations Unies relatif aux droits civils et politiques ». L'illustrati on de la jurisprudence démontre les sources diverses et variées sur lequel s'appuie le TPIR pour mettre en pratique la textualité des droits inscrits dans son statut et dans son règlement de procédures et de preuves.

C ependant il est à noter que cette place accordée aux droits de la défense ne constitue qu'un bref passage au sein du corpus du statut du TPIR et de son règlement de preuves et de procédures. En effet l'ensemble des autres dispositions est presque exclusivement consacré aux structures du greffe, des juges et du procureur, sans aucune prévision de structuration symétrique du contre--pouvoir de la défense. Car il faut savoir que la Défense est un organe indépendant, qui ne fait l'objet d'aucune disposition concernant

8 8 Annexe 3 : Statut du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

8 9 N° ICTR--95--1--A, Le procureur contre KAYISHEMA et RUZINDANA, 1 er Juin 2001.

9 0 N° ICTR--96--3--T, Le procureur contre RUTAGANDA, 6 décembre 1999.

9 1 N° ICTR--95--1--A, Le procureur contre KAYISHEMA et RUZINDANA, 1 er Juin 2001.

son fonctionnement, ses structures, son budget au sein du statut du TPIR. Un déséquilibre organique, renforcé par deux possibilités de sanctions «abus de procédure », ou « entrave à la procédure» ou «actes contraires à l'intérêt de la justice », largement utilisé par les juges au cours des procès. D'autant plus que ces possibilités de sanction sont laissés à l'appréciation arbitraire du juge et échappent pour l'essentiel au contrôle d'une juridiction d'appel. Ainsi lors de la tenue des procès, cette possibilité de sanctions ouverte aux juges et l'utilisation qu'ils en ont fait, est incompatible avec le droit absolu pour une défense d'user de tous les moyens de fait et de droit dès lors qu'ils ne sont pas déloyaux et respectant la morale. Dans la pratique cette possibilité de sanction est utilisée en dépassant les limites de sa création. Sa pratique s'apparente à un moyen d'évincer le droit absolu de la défense de soulever et soutenir librement toutes contestation de fait et de droit.

Le statut du TPIR assure entre autres des garanties fondamentales tels que la légalité du tribunal, les droits de la défense ou encore la règle de non bis in idem. C oncernant la légalité du tribunal, il est intéressant de faire un lien avec la décision du TPIY dans l'affaire Tadic, afin de savoir si le TPIY était un tribunal établi par la loi au sens de l'article 6--1 de la CEDH et 14--1 du PIDCP. Pour répondre à cette question, la chambre d'appel s'est penchée sur le critère organique, en énonçant que l'expression « établi par la loi» pouvait viser, en droit international, la création d'un tribunal par un organe non parlementaire mais «doté du pouvoir de prendre des décisions contraignantes ». Tel était le cas du Conseil de sécurité de l'ONU dont la résolution portant création du TPIR, constitue une mesure contribuant au rétablissement et au maintien de la paix au Rwanda. Un autre appui de la chambre d'appel réside dans un critère fonctionnel où les juges énoncent que pour être un «tribunal établi par la loi », la j uri diction doit « offrir toutes les garanties d'équité, de justice et d'impartialité, en toute conformité avec les instruments internationalement reconnus relatifs aux droits de l'homme ». La chambre d'appel concluait alors que ces garanties sont assurées devant le TPIY.

Un raisonnement par analogie serait la voix la plus facile concernant le TPIR, d'autant plus qu'à la lecture du statut du TPIR et de son règlement de procédure et de preuve, cela semble être le cas. Mais une toute autre lecture peut contrecarrer une telle pensée. En effet c'est au regard de leur effectivité que ces droits font difficulté. Certains des

droits de la défense peuvent effectivement entrer au conflit, du point de vue de la communication des pièces (avec le droit des témoins), garder l'anonymat (avec les intérêts d'un Etat à ne pas divulguer certains secrets). Étant entendu que devant les tribunaux pénaux internationaux, le système est fortement accusatoire, il est à craindre un déséquilibre entre l'accusation et la défense, la première disposant de moyens particulièrement plus importants.

S'agissant de la répression des crimes internationaux, les garanties de protection de la Défense paraissent plus aisément réalisables devant des juridictions constituées dans l'ordre International que par celles des États concernés par l'infraction. Le risque pour les tribunaux internes est d'avoir de sérieuses difficultés à remplir la condition d'impartialité. En effet « dès lors que les autorités étatiques sont dans de nombreux cas impliqués dans le conflit, les juridictions ordinaires se trouvent dans l'impossibilité soit d'assurer la répression, soit de garantir effectivement les droits de la défense; de fait leur indépendance semble également compromise, du moins tant que le conflit n'est pas effectivement résorbé ». Or à la lumière des développements précédents, une grande interrogation peut être soulevée concernant le TPIR. Certes, celui--ci, n'est pas le fruit direct d'une création étatique impliquée dans le conflit mais bien d'une instance internationale, à savoir le Conseil de sécurité de l'ONU, non partie au génocide Rwandais de 1994. Seulement au vu de certains éléments l'indépendance de cette institution n'est pas avérée et semble être sous le joug politique du gouvernement rwandais qui manie avec subtilité les rênes de cette institution judiciaire. De ce fait l'impossibilité de garantir effectivement les droits de la défense peut être craint au sein du Tribunal Pénal International pour le Rwanda.

Aucune spécificité du droit international pénal et de la procédure internationale pénale ne dispense les États et les organes des Nations Unies de respecter ce que l'on appelle communément « les droits de la défense » lorsqu'ils décident de créer une juridiction. Le Conseil de sécurité dans les résolutions 808 (1993) et 955 (1994) pose clairement que la traduction en justice des responsables des crimes en ex--Yougoslavie et au Rwanda s'impose comme un moyen de restauration et de maintien de la paix. Par cette mappemonde protectrice, il est à comprendre l'importance que l'institution se doit de présenter les caractères essentiels de la justice et de protection des droits

fondamentaux. En d'autres termes, créer un processus juridictionnel, sanctionnant la responsabilité des individus, suppose les droits de la défense. Sinon les décisions prises suivent le schéma d'une décision administrative, où les droits de la Défense n'ont que très peu de place. Dès lors la logique protectrice des droits fondamentaux va nécessairement contenir la logique répressive du droit pénal international.

Cette force textuelle de protection des droits, appuyée de jurisprudences diverses, agit comme un trompe l'oeil au regard d'une pratique mettant en doute l'effectivité de ces droits venant d'une mappemonde protectrice et évolutive, désireuse de protéger toujours plus les droits fondamentaux des droits de l'homme. La volonté de l'organe judiciaire qu'est le TPIR d'agir avec équité est perceptible au travers de jugements rendus, de décisions relatives à certaines requêtes. Mais cette volonté se débat dans les sables mouvants de politisation oppressante fragilisant les bases de sa construction.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo