Le contexte de création du TPIR peut permettre
d'expliquer ce poids du politique au sein de celui--ci. La résolution
portant création du TPIR émane du Conseil de
Sécurité, organe politique auquel il est légalement
soumis. En effet le Tribunal Pénal International pour le Rwanda a
l'obligation de lui adresser un rapport annuel, et d'en recevoir des «
ordres ». De plus, les juges du Tribunal malgré le fait qu'ils
soient élus par l'Assemblée Générale sont
présélectionnés par le Conseil de sécurité,
avec notamment le droit de véto pour les cinq membres permanents. Ceci
découle de la lecture de l'article 12, paragraphe 3 du statut du TPIR.
De même différents organes de l'Organisation des Nations Unies,
comme son Secrétaire général, interviennent dans la
nomination du procureur du TPIR et des différents postes du Tribunal. Le
cadrage de ce tribunal est donc empreint d'une note politique
particulièrement présente à tous les échelons de
son fonctionnement. Cependant il serait illusoire de penser qu'une instance
internationale, représentant la communauté internationale dans
son ensemble puisse fonctionner sans une once de politique. Le TPIR est le
fruit de la création d'États, apportant leur contribution dans la
construction d'une justice internationale mais en gardant l'empreinte de leurs
intérêts respectifs. Il existe une donnée juridique qui
permet de faire face à une influence politique trop oppressante,
à savoir l'impartialité. Or celle--ci est également
douteuse. En effet la mission du TPIR est d'identifier tous les criminels,
quelles que soient leurs fonctions, ou leur appartenance ethnique, afin qu'ils
répondent de leurs actes individuellement selon le principe de la
responsabilité pénale individuelle,. Or son action et son
désir de répression ne semblent s'attacher qu'à la
poursuite des génocidaires Hutus. Quand bien même des preuves, des
enquêtes ont bel et bien démontré que la poursuite de
tutsis pour violations graves du droit international humanitaire était
de la compétence du Tribunal.
Cependant il faut savoir distinguer l'action de l'organe
judiciaire et celle des membres qui la composent, professionnels du Droit,
doués d'une indépendance et d'une impartialité
réelles. Mais parfois l'ampleur des responsabilités et la
grandeur de l'institution elle--même peuvent impressionner et faire
reculer les plus téméraires d'entre eux. L'exemple de la gestion
du dossier de l'attentat contre l'avion du président Juvénal
Habyarimana en est un exemple.
Le 6 avril 1994, vers 20 heures 30, un attentat contre
l'avion du président provoque le décès de celui--ci, du
président burundais et de leurs suites. Dès le lendemain de cet
attentat, les massacres à grande échelle ont commencé,
constituant le début du génocide Rwandais. Malheureusement
aujourd'hui, aucun élément ne semble être disponible sur
cet attentat et ses auteurs. Ce silence n'est qu'officiel, car officieusement
des enquêtes, des rapports ont été réalisés
sur cet événement. L'importance de cet évènement a
été mit en lumière par le rapporteur spécial des
Nations--Unies, René DEGNI SEGUI et la Commission d'experts mise en
place en vertu de la Résolution 935 de 1994. Celui--ci indiquait: «
l'accident survenu le 6 Avril 1994 et qui a coûté la vie au
président de la République Rwandaise, Juvénal Habyarimana,
semble bien être la cause immédiate des événements
douloureux et dramatiques que connaît actuellement ce pays», et
d'ajouter que « l'attaque contre l'avion du président doit
être examinée par le rapporter spécial, dans la mesure
où il peut y avoir des liens entre ceux qui l'ont commandité et
les responsables des massacres ». Les différents rapports de
l'ONU à ce sujet précisent clairement que cet
événement est l'élément déclencheur du drame
rwandais, « l'étincelle qui a embrasé ce pays en 1994
». Le conseil de Sécurité de l'ONU se fonde sur ces
éléments pour adopter la résolution portant
création du TPIR.66 Se pose alors la question de savoir
quelle est l'attitude du TPIR face à cet événement,
déclencheur du génocide, pour lequel il a compétence?
Le TPIR sait et mesure l'importance de cet
événement dans le déclenchement du génocide
Rwandais, que ce soit au travers des actes d'accusations élaborés
contre les personnes poursuivies, dont le parquet réaffirme le
caractère déterminant, ou encore des témoignages d'experts
lors de jugements, qui ont une position identique à celles des
spécialistes de l'ONU. Cette concordance poussait même le
procureur Carla Del Ponte à avoir ces propos : « s'il
s'avérait que c'est le FPR qui a abattu l'avion, l'histoire du
génocide devra être réécrite. Bien que cette
situation n'atténue en rien la responsabilité des
extrémistes Hutus dans la mort de centaines de milliers de personnes,
elle ferait apparaître le FPR sous un jour nouveau. Le FPR a
été jusque là considéré en Occident comme
victime et comme celui qui a mis fin au génocide.
»67 La profondeur de ces mots traduit toute la
6 6 Silence sur un attentat, le scandale du génocide
Rwandais, groupe d'experts internationaux, sous la direction de Charles
ONANA, op.cit., p73--82
6 7 Carla Del Ponte, interview au journal Aktuelt 17
mars 2000.
complexité et l'enjeu de cet événement,
à savoir l'impact que pourrait avoir la détermination des auteurs
de l'attentat sur les charges qui pèsent sur les accusés, et plus
particulièrement sur la question de « planification de
génocide ».
C ette conscience de l'importance de cet
événement et le silence entourant sa vérité est
visible dans la place accordée au non aux différents rapports et
enquêtes. Un ancien enquêteur du bureau du procureur, Monsieur
Hourigan, a rédigé en 1997 un rapport68 concluant que
des militaires du FPR ont participé à la planification et
à l'exécution de cet attentat, et que ces trois militaires se
sont ouverts à eux, et ont donné des élément
précis sur la manière dont les choses se seraient passées.
Ce rapport a par la suite été communiqué à l'ancien
procureur du TPIR, Madame Louise Arbour. Dans un premier temps, elle appuyait
ce rapport, pour rapidement conclure que cet événement ne
relevait pas de la compétence du TPIR, et ne devait dont pas faire
l'objet d'une enquête. Le 7 Février 1997, Me Tiphaine
Dickson, avocate dans le procès Rutaganda, plaide devant le TPIR une
requête visant à ordonner au procureur de rendre publics tous les
éléments de preuve qu'il détenait concernant l'attentat du
6 avril 1994, et l'Accusation de répondre : « Notre
responsabilité n'est pas de mener une enquête sur
l'écrasement de l'avion, ce n'est pas notre tâche ». En
décembre 1999, le procureur Carla Del Ponte ajoutait: « Si le
tribunal ne s'en occupe pas, c'est parce qu'il n'y a pas de juridiction en la
matière. Il est bien vrai que c'est l'épisode qui a tout
déclenché ». Or le tribunal dispose d'une
compétence temporaire (incluant l'attentat du président
HABYARIMANA) et matérielle (compétence du tribunal pour tout ce
qui attrait à la préparation du génocide) lui permettant
de poursuivre les auteurs de cet attentat.
Carla Del Ponte rappelait également qu'en 1998 le juge
français Jean--Louis Bruguière a ouvert une enquête
relative à l'attentat contre l'avion. Et celui--ci, après avoir
interrogé de nombreux témoins dans divers pays, avait recueilli
assez de preuves pour justifier un mandat d'arrêt international à
l'encontre de l'actuel Président Paul Kagame. Son enquête
concluait à la responsabilité des extrémistes hutus dans
l'attentat perpétré en Avril
68 Mémorandum interne, rédigé par Michael
Hourigan alors enquêteur auprès du Bureau des services de
contrôle interne des Nations--Unies, 1 er Aout 1997..
1 994 contre l'avion du président Habyarimana. Cette
enquête fut diversement accueillie et troubla par la suite, les relations
diplomatiques entre le Rwanda et la France. 69
L' es sentiel ici, est de comprendre qu'il existe encore
aujourd'hui, suffisamment d'éléments à la disposition du
TPIR, pour que celui--ci enclenche une procédure judiciaire, afin de
connaître les circonstances exactes de cet événement
déclencheur du génocide, et poursuivre ainsi ces instigateurs.
C ette incohérence juridique démontre bien la
partialité et la dépendance des actions du TPIR dépassant
un cadre purement juridique. En 2000, face à ce silence, à cette
attitude d'aveuglement de la part du TPIR, des voix se sont
élevées contre ces manoeuvres diplomatiques. Le procureur est
amené à faire part de son intention d'inculper des membres du FPR
pour des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre commis entre
le 1er janvier et le 31 décembre 1994. Mais dans un rapport
officiel présenté le 24 juillet 2002 auprès du Conseil de
Sécurité de l'ONU, le procureur en chef Carla Del Ponte indique
que le gouvernement rwandais bloquait les procès du TPIR à Arusha
puisque le parquet s'était enfin résolu à inculper des
responsables du FPR au pouvoir à Kigali. En effet, dès son
intention de poursuivre des membres du FPR, le régime du
Président Paul Kagame exerçait des pressions telles qu'en 2003
avec l'appui des USA il obtient l'éviction pure et simple de Carla Del
Ponte comme Procureur du TPIR et son remplacement par le gambien Hassan Bubacar
Jallow dont la position est sans doute plus conforme à celle attendue
par le gouvernement de Kigali.
Cette immixtion du politique et plus particulièrement
du gouvernement Rwandais est chose courante au sein du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda. Cette proximité est telle qu'elle met en
péril la nécessaire indépendance et impartialité du
Tribunal. En effet suite au propos de Carla Del Ponte concernant son intention
de poursuivre des tutsis pour violations graves du droit international
humanitaire, le gouvernement rwandais a rendu pratiquement impossible le
déplacement des témoins convoqués à Arusha pour
témoigner. Ceci constitue d'ailleurs une violation flagrante des droits
de la défense et de la coopération exigée des états
signataires de la résolution
69 Annexe 5, L'enquête du juge Bruguière n'est pas
un vulgaire « Pétard mouillé ».
p ortant création du TPIR. Cette immixtion politique
entrave des garanties judiciaires, mais le TPIR ne peut pourtant pas la
dénoncer. Ce qu'une instance internationale indépendante et
impartiale, aurait fait sans aucune difficulté. Il est donc
compréhensible que le TPIR soit davantage à la recherche d'une
confiance auprès du gouvernement de Kigali, plutôt qu'à la
recherche d'une vérité et d'une justice dérangeante pour
ce gouvernement. Plus encore, un accusé, J.B . Barayagwiza a
été libéré le 3 novembre 1999 par la Chambre
d'Appel du TPIR. En réaction, le gouvernement de Kigali suspendait sa
coopération, précisant que sa reprise ne serait possible que si
le tribunal s'engageait à revenir sur la décision concernant
Barayagwiza70. Pareillement le gouvernement Rwandais a refusé
d'octroyer le visa d'entrée au Rwanda à Mme Carla Del Ponte.
71 Afin d'assurer un fonctionnement tant bien que mal des
poursuites, le procureur et la Chambre d'Appel furent obligés de
s'exécuter. Une requête en révision de la décision
d'élargissement fut déposée le 19 novembre 1999, et
l'audience eut lieu le 22 Février 2000.
Le gouvernement rwandais marque son emprise sur l'audience
par cette menace: « si les juges ne revenaient pas sur leur
décision, le tribunal cesserait de fonctionner ».72
Jean--Bosco Barayagwiza fut maintenu en prison.
Le choix entre le droit et la justice d'un côté
et la politique de l'autre est clairement opéré par la Chambre
d'Appel, à savoir celui de renforcer les relations de coopération
avec le TPIR, après qu'elles se soient distendues suite à
l'affaire Barayagwiza.
Le gouvernement de Kigali a publié en novembre 2002 un
communiqué d'une teneur agressive à l'encontre du procureur en
chef du TPIR Carla Del Ponte, à la suite de sa rencontre à La
Haye avec un groupe de leaders de l'opposition rwandaise en exil.
Enfin il est à retenir qu'un siège a
été octroyé à un représentant du
gouvernement
Rwandais afin d'assurer les relations entre Kigali et le TPIR.
Ceci n'est en rien une
7 0 Communiqué du Gouvernement rwandais diffusé
par Radio Rwanda le 6 novembre 1999
7 1 NGIRABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice, op.cit.p 48 0 -- 5 0 0
7 2 Transcription de l'audience du 22 février 2000 ,
de l'affaire N° ICTR--99--52--T, Le procureur contre Ferdinand NAHIMANA,
Jean--Bosco BARAYAGWIZA, Hassan NGEZE, 3 décembre 2003.
émanation juridique mais bien diplomatique et non
prévue par le statut du TPIR. Or, le TPIR n'est ni une entité
étatique, ni une organisation inter--étatique, mais bien une
entité judiciaire, qui n'a nul besoin d'accepter un représentant
officiel d'un pays, qui plus est celui du Rwanda, partie au conflit.
Procéder ainsi, c'est bafouer l'une des garanties essentielles d'un
procès équitable: montrer une collusion avec l'une des parties au
conflit, une partialité rendue publique, sans état d'âme.
Augustin Ngirabatware peut souligner que la représentation émane
d'un gouvernement dirigé par une équipe dont certains membres
sont justiciables devant la juridiction internationale. La crainte des avocats
de la Défense quant à l'équité des procès et
la sécurité des détenus est amplement légitime
devant cette volonté du représentant rwandais occupant une
fonction au TPIR « d'opérer à l'intérieur du Tribunal
».
D ans ce climat, nous pouvons comprendre la crainte des
détenus, des conseils de Défense, mais aussi des
défenseurs des droits de l'homme devant des propos tenus par
différents procureurs du TPIR, donnant leur soutien et accord à
la volonté du gouvernement rwandais de voir se tenir des audiences au
Rwanda.
Il suffira ici de rappeler les motivations diverses qui ont
conduit à installer le siège du TPIR à Arusha en Tanzanie.
Il était notamment défendu la volonté de préserver
l'indépendance et la neutralité du tribunal et de ses juges et
d'assurer la sécurité des magistrats, celle des accusés et
de leurs Conseils. La conduite des procès au Rwanda accroîtrait
encore davantage cette immixtion du politique dans la tenue des affaires
judiciaires. Le gouvernement rwandais a accentué sa volonté
d'ingérence en réclamant notamment d'être autorisé
à participer au choix des enquêteurs de la Défense. Ce qui
fut refusé par le greffier du TPIR.
C ette crainte est justifiée au regard de la pratique
de la justice Rwandaise actuellement en vigueur concernant le génocide
Rwandais. Tout d'abord plusieurs milliers de personnes sont actuellement
emprisonnées dans les prisons du Rwanda, dans des conditions
déplorables. De nombreux rapports d'organisations non gouvernementales
font état de violations de standards attendus concernant les conditions
de détention de détenus. D'après le témoignage d'un
co--conseil d'une équipe de défense, s'étant rendu sur
place, il y existe des personnes détenues depuis plus de 15 ans sans
aucun dossier, subissant des conditions de vie déplorable
générées par une surpopulation carcérale
dérais onnable . Cet état de fait s'appuie sur
une procédure juridique particulièrement dangereuse et bafouant
le principe de la présomption d'innocence.
En effet pour être libéré, le FPR exige des
détenus de se déclarer coupables. Les innocents refusant ce
procédé d'auto culpabilisation se trouvent alors
pénalisés.
Face à l'ampleur de la tâche devant le nombre
croissant d'arrestations et de détenus, le gouvernement de Kigali a mis
en place les tribunaux GACACA. La terminologie de ces GACACA n'est qu'une
façade, protégeant la réalité du but poursuivi par
l'instauration de ces tribunaux. Les propos de Kenneth ne pouvant être
lus ainsi: « Les tribunaux Gacaca sont devenus un des outils de
répression...que le gouvernement rwandais a établi au niveau
communautaire pour juger les auteurs présumés du
génocide... Comme beaucoup de Rwandais s'en sont rendus compte,
être en désaccord avec le gouvernement ou faire des
déclarations impopulaires peut facilement être qualifié
d'idéologie du génocide, punissable par des peines allant de 10
à 25 ans. Cela laisse peu d'espace politique pour la dissidence.
»73 De l'avis de nombreux experts, ces tribunaux sont bien
au deçà des standards internationaux des droits de l'Homme.
74 Dès lors qu'à la lecture de la loi instaurant les
GACACA, il est à comprendre que la loi autorise les juridictions Gacaca
à connaître des accusations de crimes de guerre, crimes contre
l'humanité, et de génocide, à l'exception de ceux commis
par les membres du FPR et de son armée. Actuellement seuls sont
jugés les membres de la communauté hutu suspectés
d'implication dans le crime de génocide envers les Tutsis. Dans ce
contexte, les propos de Charles Ndereyehe lors d'une conférence
internationale sur le TPIR, à La Haye le 15 novembre 2009 prennent tout
leur sens : « Comme il fallait s'y attendre, les juridictions Gacaca n'ont
pas été mises en place pour désengorger les prisons, mais
pour servir d'épurateur au régime du FPR».
L'ensemble des défenseurs des droits de l'homme et
leurs associations, les ONG, des
membres du TPIR sont fermement
opposés en ce contexte de fin de mandat du TPIR au
transfert
d'affaires du TPIR aux juridictions rwandaises, suspectées par leur
manque
7 3 Kenneth Roth, La puissance de l'horreur au Rwanda, Los
Angeles Times, 11 Avril 2009 74 Amnesty International, Rwanda: Genocide
suspects must not be transferred until fair trial conditions met, 2
novembre 2007.
d'indép endance et d'impartialité. Opposition
d'autant plus vivace, que ce transfert est également
décrié par des associations locales rwandaises75
Il est patent que l'action de la justice internationale, au
travers du TPIR est entravée par une pression politique de la part du
gouvernement rwandais, ne laissant pas les juges et procureurs maîtres de
leurs actions. Le souci d'une justice saine et équitable se trouve
entravé par ce refus de mettre à jour une version des faits
pouvant mettre en branle la stature politique actuelle du Président en
exercice au Rwanda. Dès le processus de création du TPIR, le
politique occupe une place centrale. Il s'agit de préserver une version
officielle du génocide rwandais afin de ne pas brusquer les
intérêts de chaque État, partie au processus de
réconciliation du peuple rwandais, pour ainsi mettre dans l'ombre
d'éventuelles négligences (fautes?) dans la gestion du drame
rwandais, quand il était encore possible d'y mettre un frein.
C ependant comme l'énonce Bernard Lugan: « La
véritable histoire du génocide du Rwanda s'écrit devant le
TPIR lors des longs procès qui s'y déroulent. Jour après
jour, c'est une tout autre vision du drame qui apparaît, avec une totale
remise en cause des postulats énoncés il y a une décennie.
Et pourtant, l'acte d'accusation demeure figé sur ces certitudes
anciennes ( ...).Les accusés subissent donc une procédure violant
leurs droits, puisqu'ils sont poursuivis selon un acte d'accusation
obsolète ». 76Or, il est attendu d'une justice
internationale souhaitant oeuvrer pour la réconciliation des peuples,
d'être attentive et évolutive face aux événements
qu'elle doit juger. Son impartialité, et son indépendance face
à des intérêts politiques ou non d'une des parties aux
conflits, est gage de son exemplarité et de sa confiance. Le doute
profitant à l'accusation en matière pénale, le doute
raisonnable sur l'histoire du génocide telle qu'elle est
véhiculée par l'actuel gouvernement rwandais, doit pousser le
TPIR a s'émanciper du joug politique afin de retrouver toute sa stature
et sa crédibilité dans un contexte de fin de mandat de
celui--ci.
La politique répressive unilatérale
actuellement poursuivie par le TPIR , avec cette chape de plomb d'un
gouvernement rwandais oppressant, conduit le Tribunal à mettre en
péril les garanties essentielles d'un procès équitable,
auquel tout accusé,
7 5 Annexe 6, Rapport Réseau International pour la
promotion et la Défense des Droits de l'Homme au Rwanda,
7 6 LUGAN Bernard, Rwanda, Contre enquête sur le
génocide, Editions Privat, 2007, p255
même du pire crime peut prétendre. Cette
attitude conduit ainsi à discréditer sa mission première
de juger les présumés responsables de génocide et
violations graves du droit international humanitaire et d'oeuvrer ainsi
à la réconciliation des peuples et au maintien de la paix.