Ce contraste de l'effectivité de la lutte contre
l'impunité sera étudié à travers la présence
d'une lutte contre l'impunité textuelle, délivrant un message
d'effectivité à la communauté internationale, mais
représentant la face émergée de l'iceberg (A) Mais dont la
face cachée de l'iceberg au travers de la pratique des instances du TPIR
offre un bilan plus mitigé (B).
L'Article 1 du statut du Tribunal Pénal International
pour le Rwanda dispose que « le Tribunal Pénal International
pour le Rwanda est habilité à juger les personnes
présumées responsables de violations graves du droit
international humanitaire commises sur le territoire du Rwanda et les citoyens
rwandais présumés responsables de telles violations commises sur
le territoire d'Etats voisins entre le 1 er janvier et le 31
décembre 1994, conformément aux dispositions du présent
statut ». Il s'agit donc pour le TPIR d'agir dans la poursuite et le
jugement de présumés responsables de violations graves du droit
international humanitaire, en ayant un cadre d'action délimité
à la fois dans le temps, mais aussi dans l'espace.
Lutter contre l'impunité, c'est en réalité
poursuivre trois objectifs bien définis:
· En premier lieu, il s'agit de sanctionner les
responsables, ici les auteurs de violations graves du droit international
humanitaire de janvier à décembre 1994.
· Ensuite il s'agit de satisfaire le droit qu'ont les
victimes de savoir et d'obtenir réparation.
· Et enfin c'est permettre aux autorités de remplir
leur mandat en tant que puissance publique garante de l'ordre public.
C es trois objectifs déterminent le cadre dans lequel
les acteurs du tribunal doivent
exercer leurs missions. De plus, la lutte
contre l'impunité s'insère dans une dynamique
certaine de pouvoir agir pour une réconciliation
nationale et un rétablissement et maintien de la paix19.
La notion d'impunité recouvre d'une part
l'impunité juridique, puis l'impunité de fait, et enfin
l'impunité qui se traduit par l'application d'une peine non
proportionnelle à la gravité de l'infraction. L'impunité
juridique existe au travers de moyens juridiques d'adoption des mesures
d'amnistie, de clémence, de pardon ou encore de tout autre mesure qui
peut emp êcher d'enquêter et de poursuivre les auteurs d'un
crime.20L'impunité de fait s'illustre dès lors qu'une
enquête n'est pas conduite pour déterminer les faits, quand on nie
ou on couvre les faits ou les auteurs. Mais également lorsque les
instances habilitées ne poursuivent pas les responsables des actes
illégaux, à condition que cette attitude résulte d'une
intention délibérée, de mobiles politiques ou de
l'intimidation.21Et enfin l'impunité du fait de la non
proportionnalité de la peine à la gravité d'un crime
La jurisprudence du TPIR est une preuve incontestable de sa
contribution à la lutte contre l'impunité. Se rapporter à
l'ensemble des jugements rendus depuis sa création permet de relever un
certain nombre d'éléments attestant les avancées de la
justice pénale internationale.
À ce titre, il est bon de relever l'affaire AKAYESU,
premier jugement sur le Génocide, à
l'encontre d'une
autorité locale investie par le pouvoir central et donnant ainsi
à
l'entreprise criminelle la dimension d'une politique
gouvernementale. Cet arrêt
1 9 Résolution du conseil de sécurité,
portant création du Tribunal Pénal International pour le Rwanda:
« Convaincu que, dans les circonstances particulières
qui règnent au Rwanda, des poursuites contre les personnes
présumées responsables d'actes de génocide ou d'autres
violations graves du droit international humanitaire permettraient d'atteindre
cet objectif et contribueraient au processus de réconciliation nationale
ainsi qu'au rétablissement et au maintien de la paix » Annexe en
référence
20 NKURAYIJA, J.M.V., La répression du génocide
rwandais face à la Convention du 9 décembre 1948 pour la
prévention et la répression du crime de génocide,
mémoire, UNR, Butare, octobre 2004; p.71,
2 1 La Commission nationale consultative des droits de
l'homme et la commission internationale des juristes, rencontres
internationales sur l'impunité des auteurs des violations graves des
droits de l'homme, du 2 au 5 novembre 1992, ABRAX, Paris, 1992; p . 1 9 3 .
constitue la première pierre de l'édifice que
représente la lutte contre l'impunité, concernant plus
précisément les violences sexuelles.
AKAYES U, ancien maire de la commune de Taba, est
accusé d'avoir autorisé des policiers et d'autres individus sous
ses ordres à violer et torturer des femmes, pour la plupart Tutsis, qui
lui avaient demandé protection. Il faut savoir qu'au départ le
tribunal n'avait pas porté à l'encontre d'Akayesu des accusations
de crimes de violences sexuelles. Cependant au cours des témoignages
produits au procès, il a été rapporté le rôle
déterminant joué par Akayesu dans la perpétration de ces
viols. Avec l'appui d'un rapport publié en 1996 par l'organisme Human
Rights Watch22, la Coalition pour les droits des femmes en situation
de conflit a présenté au TPIR un mémoire d'amicus
curiae dans lequel elle demandait au Tribunal de porter des accusations de
viol et d'autres crimes de violences sexuelles à l'encontre d'Akayesu.
Ainsi en 1997, le procureur va modifier son acte d'accusation pour y ajouter
des chefs d'accusation de violences sexuelles. Ceci démontre clairement
la volonté de sanctionner les responsables de crimes de violence
sexuelle dans le cadre de la qualification de génocide comme mesure
visant à entraver les naissances au sein du groupe Tutsi.
Traditionnellement, devant le TPIR, les crimes de violences
sexuelles sont poursuivis au titre de crimes contre l'humanité sous la
qualification de viols23, et au titre de violation grave de
l'article 3 commun aux Conventions de Genève et au Protocole Additionnel
II sous la qualification «d'atteintes à la dignité de la
personne notamment les traitements humiliants et dégradants, le viol, la
contrainte à la prostitution et tout attentat à la
pudeur.24 Mais les poursuites existent également parfois sous
la qualification «d'autres actes inhumains» en
référence à l'article 3 1.i) du Statut, ou encore
«tortures» comme crimes contre l'humanité, ou comme actes
constituant une violation grave de l'article 3 commun aux Conventions de
Genève et au Protocole additionnel II (article 4.1 a du statut).
Mais dans l'affaire AKAYESU, la chambre est allée plus
loin en déclarant que le viol constitue en l'espèce un crime de
génocide. En effet dans le jugement il est indiqué
2 2 Rapport Human Right Watch, «Shattered Lives
», 1996.
2 3 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour
le Rwanda. 2 4 Annexe 3, Statut du Tribunal Pénal International pour le
Rwanda.
que «la violence sexuelle faisait partie
intégrante du processus de destruction particulièrement
dirigé contre les femmes tutsies et ayant contribué de
manière spécifique à leur anéantissement et
à celui du groupe tutsi considéré comme tel
»25 . C ette violence sexuelle telle qu'infligée dans
l'affaire AKAYESU en particulier, constituait une étape dans ce
processus de destruction du groupe tutsi en tant que tel, rappelant ici l'une
des conditions d'existence d'un génocide. Il est notable qu'au travers
de ce jugement, le message véhiculé par le TPIR n'est pas
d'être une institution archaïque mais bien au contraire
ancrée dans son temps, évolutive, capable d'entendre et
d'intégrer de nouvelles incriminations. C'est de cette façon que
le TPIR sert au mieux sa mission de sanctionner les présumés
responsables de génocide et de violations graves du droit international
humanitaire en ouvrant le champ des poursuites à celui non encore
pleinement affirmé dans un cadre de justice pénale
internationale.
L'effectivité de cette lutte contre l'impunité
et d'ouverture plus large du champ des poursuites se retrouve dans l'affaire
Jean KAMBANDA,26 où c'est la première fois qu'un chef
de gouvernement a été arrêté, jugé et
condamné pour crimes graves par un tribunal pénal international.
Il s'agit donc d'une grande avancée au sein de la justice pénale
internationale, impulsée par l'action du Tribunal Pénal
International pour le Rwanda.
Ce jugement poursuit assurément un double objectif
dont le premier est de condamner un présumé responsable de
violations graves du droit international humanitaire, et le second
d'étayer un pilier solide et dissuasif, essentiel au sein de la justice
internationale : pouvoir condamner des responsables politiques.
En effet, à partir de cet arrêt, il est
incontestable que des dirigeants politiques pourraient être contraints de
répondre de leurs actes devant la justice pénale internationale.
Cette impulsion nécessaire et attendue sera reprise par la suite au sein
des différentes juridictions internationales. Ainsi la jurisprudence du
TPIR au travers de ce jugement, a été invoquée devant la
chambre des Lords dans l'affaire PINOCHET,
2 5 N° ICTR--96--4--T, le Procureur contre Jean--Paul
AKAYESU, 2 septembre 1998. 2 6 N° ICTR--97--23--S, Le Procureur c.
Jean KAMBANDA, 19 Octobre 2000.
concernant sa demande d'extradition, ou encore pour
l'inculpation et le transfert à La Haye de l'ancien dirigeant serbe
Slobodan MILOSEVIC.
C ep endant cette affaire suscite déjà une
remarque méritant une attention particulière afin de signaler
modestement la première épine de cette lutte contre
l'impunité exemplaire. En effet Jean Kambanda est également le
premier repenti de l'histoire de la justice internationale puisque l'ancien
Premier ministre a plaidé coupable de génocide. Coopérant
avec le procureur, l'accusé avait alors décidé de
témoigner à charge dans d'autres procès. Par la suite, il
a donc été reconnu coupable le 1er mai 1998 sur la
base de ses aveux, et sera condamné à la peine maximale, à
savoir la prison à vie. Mais suite à sa condamnation, Jean
Kambanda revient sur son aveu de culpabilité. En réalité,
il expliquera avoir adopté une stratégie d'aveu pensant obtenir
une réduction de peine, mais constatant l'échec de sa
stratégie par sa condamnation, il s'est rétracté.
La chambre d'appel rejettera sa demande et confirmera le
jugement et la sentence rendus en 1998. Il ne s'agit pas de rentrer dans des
considérations purement subjectives conduisant incidemment à
prendre position dans un sens ou dans l'autre. Mais il semble judicieux de
faire part d'interrogations et de remarques afin de saisir avec
objectivité le cadre dans lequel cette poursuite et ce jugement se sont
opérés. Ceci dans cette volonté de ne pas être
obnubilé par une sollicitude aveugle à l'égard d'une lutte
contre l'impunité se voulant exemplaire conduisant inexorablement
à une lutte contre l'impunité violant les principes du droit. Et
l'on peut se demander si les contours de l'aveu de J. Kambanda ne disqualifient
pas la juridiction pénale internationale. En tout cas pour certains
analystes, les aveux de celui--ci révèlent la vraie nature du
TPIR.27
Tout d'abord l'arrestation et la détention de Jean
Kambanda posent une première interrogation, dès lors que l'on
sait que celui--ci a été amené à Arusha et
isolé avec le canadien Pierre Duclos, policier canadien accusé
à plusieurs reprises devant les juridictions de son pays pour les faits
de «conditionnement» du même genre que ceux subis par
l'ex--Premier Ministre. Un doute est permis sur l'impartialité de cet
interrogatoire et sur la bonne conduite de celui--ci, d'autant que c'est dans
un lieu non
2 7 NGIRABATWARE Augustin, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,Editions Sources du Nil, collection le droit
à la parole, 2006, (pp 482--485).
offi ci el que Kambanda consignera un document le 29 Avril 1998
sans qu'il ait bénéficié d'un conseil juridique
remplissant les conditions d'indépendance et
d'impartialité.28
D e plus, dans son livre, Augustin Ngirabatware, expose une
analyse du document d'aveu de culpabilité de J.Kambanda, et il
relève de nombreuses incohérences et affirmations fausses,
permettant de douter de la véracité des propos de J.
Kambanda.29De même que son analyse fait entrevoir une
séparation difficile entre la responsab ilité individuelle et la
responsabilité collective. Ce mélange perceptible des types de
responsabilité jette un doute sur le respect des droits de la
défense. Et de ce fait, il est permis de considérer que les
propos d'Augustin Ngirabatware reflètent une réalité
certaine, à savoir que c'est bien dans cet esprit que les procès
sont conduits et les sentences prononcées à Arusha:
«pour respecter le principe de la responsabilité individuelle
des anciens membres du gouvernement et faire semblant de dire le droit
pénal, le procureur cherche à individualiser les crimes tout en
restant dans l'esprit de l'accord en question ».30
Sa condamnation a été diversement accueillie,
l'accord entre l'ancien Premier ministre et le bureau du procureur resté
secret dans une enveloppe a été décrié par les
milieux de ceux qui sont généralement accusés d'être
les responsables du «Génocide des Tutsis ». Par contre, dans
les milieux du FPR, le gouvernement de Kigali, le Conseil de
Sécurité des Nations--Unies et certaines organisations de
Défense des Droits de l'Homme, la satisfaction était
présente. Satisfaction d'autant plus grande, décrite ainsi par
Augustin Ngirabatware, que «le programme d'anéantissement de
tout le leadership hutu suivait son cours comme prévu et que
l'accréditation de leurs thèses sur les événements
du Rwanda devenait totale au sein de la communauté internationale et
qu'ainsi donc le fruit du marché passé entre l'accusation et le
coupable, auxyeux de l'actuel
2 8 KAMBANDA Jean, « Lettre de J. Kambanda au greffier du
TPIR» avec pour objet «Commission de Me Olivier Michael, La Haye, le
11 septembre 1998.
2 9 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,ibid., p 4 84--4 88) .
3 0 30 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,Op.cit., p
4 8 8
pouvoir de Kigali et de ses sponsors, les absolvait
entièrement d'une responsabilité quelconque dans le
génocide de 1994 ».31
M ême si ce jugement reste une grande première
en droit pénal international, son impact reste assombri par le contexte
flou dans lequel s'est opérée cette condamnation, qui pousse
à soulever les difficultés et pièges d'une lutte contre
l'impunité qui se veut trop exemplaire et rapide, bafouant les garanties
essentielles d'un procès équitable.
Le jugement rendu le 3 décembre 2003 dans l'Affaire
«des médias du génocide» a lui aussi laissé des
empreintes dans la jurisprudence internationale. Il s'agit au travers de la
condamnation de Ferdinand NAHIMANA, Hassan NGEZE et Jean--Bosco BARAYAGWIZA de
s'intéresser au rôle des journalistes lors du génocide
rwandais de 1994. En l'espèce la chambre va préciser que les
journalistes au lieu d'utiliser les médias pour promouvoir les droits de
l'homme, les ont utilisés pour attaquer et détruire les droits
humains les plus élémentaires.32
Le TPIR est également le créateur de
décisions jurisprudentielles nouvelles, faisant ainsi de la lutte contre
l'impunité un éventail crédible dans la conduite des
poursuites. Ainsi c'est également par la jurisprudence du Tribunal
Pénal International pour le Rwanda qu'une première est
réalisé au sein de la justice pénale internationale:
l'inculpati on, l'arrestation et le jugement d'une femme. En effet l'ancienne
ministre de la famille et de la promotion féminine, Pauline
NYIRAMASUHUKO a été poursuivie pour génocide et viol en
tant que crime contre l'humanité.33Et enfin, le TPIR est
également la première juridiction internationale à avoir
appréhendé un artiste, en l'occurrence le
3 1 NGIRABATWARE AUGUSTIN, Rwanda, le faîte du
mensonge et de l'injustice ,Op.cit., p 485--490
3 2 N° ICTR--99--52--T, Le procureur contre Ferdinand
NAHIMANA, Jean--Bosco BARAYAGWIZA, Hassan NGEZE, 3 décembre 2003.
3 3 N° ICTR--97--21--I, Le Procureur contre Pauline
NYIRAMASUHUJO, acte d'accusation amendé selon le décision de la
Chambre de Première Instance II du 10 Aout 1999.
musi ci en Simon BIKINDI, sur la base du message
véhiculé par ses chansons pendant le génocide. 34
Cependant il s'agit là d'un regard primaire et s'en
satisfaire, c'est omettre la face cachée de l'iceberg. En effet la lutte
contre l'impunité à travers ses exemples de jugements ne peut
être saluée à l'unanimité et doit faire l'objet de
pondérations. Sinon c' est prendre le risque d'occulter une
réalité dérangeante au sein d'une institution
internationale, en fragilisant le souhait second mais non moins important
qu'est la réconciliation nationale. Lutter contre l'impunité,
c'est sanctionner les responsables de violations graves du droit international
humanitaire. Or il est acquis que lors des événements de 1994, un
génocide a été perpétré à l'encontre
des Tutsis, et il est donc attendu que le TPIR inculpe et condamne les
génocidaires. Il est clair au vu de l'exposé de certains
jugements que c'est bien cette mission que le TPIR remplit avec audace et
innovation. Cependant ce n'est pas tomber dans le révisionnisme, ni la
négation que de soulever les faits réels permettant de dire qu'il
y a également eu la perpétration de violations graves du droit
international humanitaire par les Tutsis (FPR) à l'encontre de la
population Hutu.35 Et il est légitime de se questionner sur
les raisons de l'absence de poursuite, d'inquiétude, de jugement
à l'encontre de ces responsables identifiés. Est--il alors
possible d'oeuvrer avec détermination dans une lutte contre
l'impunité ayant pour ligne de mire la réconciliation des
peuples, si le devoir de justice n'est rempli qu'à l'égard d'un
groupe ethnique : les Tutsis?
La création des Tribunaux Pénaux Internationaux
représente le credo de la lutte contre l'impunité, puisque leur
rôle consiste avant tout à juger les individus accusés de
violations graves du droit international humanitaire. Cependant à la fin
de leurs mandats respectifs, les tribunaux pénaux internationaux
n'auront jugé qu'une centaine d'individus à peine, autrement dit
une fraction minimes des personnes impliquées dans les crimes commis
Cette réalité de la justice internationale confrontée,
selon les termes du juge Goldstone, aux «enquêtes criminelles les
plus importantes jamais engagées dans l'Histoire -- le nombre de
suspects potentiels est considérable, les témoins se
3 4N ° ICTR--01--72--T, Le Procureur contre Simon BIKINDI,
2 décembre 2008.
3 5 D E S FORGES Alison, pour Human Rights Watch,
Fédération Internationale des ligues des droits de
l'Homme,Aucun témoin ne doit survivre, Op.cit., p 805--850.
comptent par dizaines de milliers et les victimes par
millions» -- apporte une dimension politique toute nouvelle à la
lutte contre l'impunité.
Et l'ensemble des arrêts étudiés ainsi
que ce constat réel d'impunité de certains acteurs du
génocide rwandais, démontre l'existence d'un choix, d'un parti
pris de la part du Tribunal Pénal International pour le Rwanda. La
notion de choix implique nécessairement une subjectivité qui ne
peut, ni ne doit, être attendue dans le cadre d'une justice
internationale, au risque de conduire celle--ci dans une spirale dangereuse.
Danger appréhendé en ces termes par Luc Côté :
«ainsi sur la scène internationale, la lutte contre
l'impunité devient-elle sélective et sera désormais
confrontée à des choix difficiles aux dimensions politiques
incontournables, notamment par rapport au processus de paix dont la justice
internationale est parfois l'instrument ».36 Le choix de
ne pas surplomber avec un recul nécessaire le poids des actes,
l'objectivité des faits perpétrés, mais de s'asseoir
à même un plateau, condu it inexorablement à faire pencher
la balance d'un côté et perdre ainsi de vue la signification
première d'une justice impartiale et indépendante.
C e manque d'impartialité et d'indépendance
empêche d'agir dans l'optique d'une Justice saine et du droit. L'objectif
initial de lutte contre l'impunité est perverti et aboutit
malheureusement à une lutte pour l'impunité d'un groupe
ethnique.
M ais n'était--ce pas une tâche d'autant plus
périlleuse pour le Tribunal Pénal international pour le Rwanda,
de lutter contre l'impunité dès lors que sa création et le
mandat qui lui a été dévolue, était d'oeuvrer
à travers la justice rendue , pour une réconciliation des peuples
? Les objectifs de justice et de paix peuvent--ils être portés par
une même institution internationale?
3 6C ôté Luc, Justice Internationale et
lutte contre l'impunité: dix ans de Tribunaux Pénaux
Internationaux, dans «Faire la paix: concepts et pratiques de la
consolidation de la paix », Presses de l'Université Laval,
Québec, 2005, p.87--114.