La problématique de la rénovation des sciences sociales africaines;lecture et reprise de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale( Télécharger le fichier original )par Barnabé Milala Lungala Katshiela Université de Kinshasa et université catholique de Louvain - Thèse de doctorat 2009 |
A. L'apport de la sociologie compréhensive et de la sociologie du savoirPour Jürgen Habermas, ce programme consiste à dégager la structure transcendantale du monde vécu social intelligible, illustré sur fond de l'oeuvre théorique d'Alfred Schütz depuis les années 20. Ainsi, « la sociologie compréhensive revendique comme son domaine propre ce qui est présupposé, à l'arrière-plan des sciences sociales, empirico- analytique ».317(*) La mesure précise des sciences empiriques du processus social requiert d'abord l'étude du problème de la signification dans la vie quotidienne. L'hypothèse qu'il développe est bien la suivante : « La fondation phénoménologique de la sociologie compréhensive fait éclater le cadre d'une méthodologie générale des sciences empiriques ».318(*) Autrement dit, poursuit Habermas, « étant donné que l'observateur et le sujet observé participent de significations culturelles intégrées au système du langage que l'un et l'autre emploient dans la communication, les significations quotidiennes et le langage particulier dont fait usage le sociologue forment un élément de base de la mesure des actes sociaux ».319(*) Ainsi, cette sociologie « ne cherche nullement à exclure la mesure adéquate des faits sociaux ; elle veut au contraire la rendre possible ».320(*) Cicourel espère obtenir explicitement, en saisissant les structures du monde quotidien, un système de référence qui détermine toujours déjà implicitement la transformation de l'expérience communicationnelle en données mesurées. Arthur Schütz a beaucoup appris au contact de la tradition pragmatiste, notamment de Dewey, qui affirmait le fait que toute enquête commence et finit par la matrice socioculturelle »321(*). L'oeuvre de Schütz dont La construction du monde social a paru en 1932 ; allusion et contre partie de La Construction logique du monde de Carnap, elle ajoute à la visée de la sociologie du savoir une sociologie phénoménologique. La tradition de la sociologie du savoir bénéficie, à l'origine, de l'apport bien précèdent Cicourel et Schütz, de Max Scheler avec ses trois traités réunis en 1926 sous le titre (Les Formes de savoir et la société) qui est en fait un des fondateurs de la sociologie du savoir. Scheler a, selon Habermas, le mérite d'avoir pour la première fois introduit avec sérieux dans la discussion allemande des pensées issues du pragmatisme américain avec son livre. Nous partons du fait qu'il y a un type de savoir ordinaire qui se transmet par le langage ordinaire. Nous pouvons justement en profiter pour montrer les liens qui existent entre la philosophie du langage ordinaire et la sociologie du savoir compris comme analyse de la réalité quotidienne. Ces deux approches ont ceci de commun qu'elles semblent s'écarter des théorisations scientifiques souvent fort éloignées de la vie quotidienne. Le courant constructivo- analytique s'approprie ce programme d'une façon critique. Le programme de la construction de la réalité sociale de John Searle s'inscrit largement dans la ligne de la sociologie du savoir de Cicourel et d'Alfred Schütz.322(*) Un des postulats de cette sociologie du savoir est que « les concepts scientifiques doivent partir des schèmes interprétatifs des acteurs eux-mêmes. Les constructions conceptuelles puisent dans les réserves du savoir préalable qui, transmis par la tradition, guide et interprète la pratique quotidienne, et en même temps les reconstruisent. Les constructions scientifiques se situent au second degré ».323(*) Plusieurs points d'encrages sont envisageables ; nous allons d'emblée en relever la question fondamentale qui lie la sociologie de la connaissance particulièrement, branche de la sociologie qui nous intéresse de ce point de vue, et la philosophie de ce livre. Selon Peter Berger et Thomas Luckmann, nous allons ici tirer un extrait fort large : « la sociologie de la connaissance envisage la réalité humaine comme une réalité socialement construite. Comme la construction de la réalité a traditionnellement constitué un problème central de la philosophie, la perspective détient des implications philosophiques ».324(*) * 317 Jürgen HABERMAS, La logique des sciences sociales et autres essais, p.144. * 318 Ibidem, p.143. * 319 Ibidem, p.137. * 320 Ibidem, p.143. * 321 Ibidem, p.143. * 322 Ibidem, p.136. Quand nous suivons Jürgen Habermas, le programme de Cicourel est par ailleurs celui de savoir : « Quels sont les fondements appropriés de la mesure en sociologie ? ». * 323 Ibidem, p.141. * 324 Peter BERGER et Thomas LUCKMANN, op.cit., p.304. |
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