La problématique de la rénovation des sciences sociales africaines;lecture et reprise de la théorie searlienne de la construction de la réalité sociale( Télécharger le fichier original )par Barnabé Milala Lungala Katshiela Université de Kinshasa et université catholique de Louvain - Thèse de doctorat 2009 |
2.3.2.1. Du concept de la réalité sociale et approches théoriquesLa division des tâches de la sémiotique, peut nous servir de pierre de touche pour résumer les différentes dimensions de l'analyse de la réalité sociale. En effet, nous présentons justement un topo susceptible de situer cette approche si nous partons des structures sous-jacentes à toute énonciation ou à toute phrase pour qu'elle soit possible : - Etre intégrée à un rapport à la réalité extérieure perceptible ; - Etre intégrée à un rapport à la réalité intérieure des intentions d'un locuteur qui veut s'exprimer comme tel ; - Etre intégré à un rapport à la réalité normative de ce qui est socialement et culturellement reconnu.304(*) Disons-le tout de suite, que les trois réalités se construisent différemment. Les faits institutionnels relèvent proprement de la réalité sociale et normative. Seulement, dans la philosophie analytique, la fonction descriptive qu'ont des énonciations a été développée sous la forme d'analyse logico -sémantique. Cette dimension est fort dominante dans la philosophie du langage idéal. Nous pouvons dire qu'elle est incarnée comme démarche chez Ludwig Wittgenstein de Tractatus Logico- philosophicus. Nous pouvons ainsi d'emblée dire que John Searle s'était depuis appesantit fort sérieusement dans les années 1969, sur une approche triple : logico-sémantique et pragmatique à partir de son livre intitulé Les actes de la parole, essai de philosophie du langage, qui contient en creux les concepts fondateurs de son livre intitulé La construction de la réalité sociale , de telle sorte que notre thèse aura à examiner le passage difficile des présupposés théoriques du langage logiquement formalisé au langage ordinaire. Rappelons, au demeurant, que la sémantique formelle n'étudie pas des phrases en général, mais des phrases prises dans leur fonction de traduire des expériences ou des faits : l'analyse porte avant tout sur la logique de l'emploi de prédicats et d'expressions permettant d'identifier des objets.305(*)A la dimension sémantico -logique, il faut ajouter la dimension pragmatique qui, elle s'occupe de la signification contextuelle du langage. D'un point de vue logico -sémantique, par exemple, la question de la référence qui est par ailleurs amplement disputée remonterait en philosophie selon Habermas « au moins à Frege (il faudrait en fait remonter au Théétète de Platon, et même plus loin) ».306(*) Outre la dimension logico -sémantique et pragmatique, nous évoquerons la dimension expressive de l'Intentionnalité qui vise de savoir si cette intention coïncide avec celle que visait le locuteur. Cette dimension autrement appelée Intentionnelle est devenue paradigmatique et dominante aujourd'hui chez Searle, comme un des lieux de la théorie de la construction sociale. Nous pouvons dire que cette dimension Intentionnelle, dans les années 1960 et 1970, n'avait jusqu'alors atteint qu'un faible degré de maturité.307(*) A propos, la philosophie du langage a jeté un discrédit sur les choses mentales, ipso facto au paradigme internaliste. Cependant, comme le dit Maesschalck, « le contexte philosophique actuel appelle à reconsidérer la philosophie de la conscience d'un regard nouveau »308(*). Tout cela parce que « les philosophies cognitivistes redécouvrent le paradigme de la conscience et tentent d'exploiter l'auto -constitution du soi en tant que système neuropsychique de traitement de l'information ».309(*)Searle tente de ramener le statut des états mentaux au même niveau que les actes de langage en les situant hors du mentalisme. Nous analysons différemment le retourment mentaliste que donne la philosophie de Searle, c'est-à-dire le maintien des présupposés déjà transformés dans la philosophie analytique : le dépassement du solipsisme mentaliste « les pensées (le langage) dépassent les limites de la conscience individuelle et conservent un contenu strictement identique, même si elles sont appréhendées par différents sujets, en des lieux et à des moments différents ».310(*) Ce langage internalisé est toujours un acte. L'interprétation ici n'est ni intérieure, ni privée ni mentalement incontrôlable, elle est communautaire (pragmatique), publique et contrôlable. En effet, « la pensée déborde les limites d'une conscience individuelle empirique et fait que le contenu de la pensée est indépendant du flux des expériences vécues par un individu.».311(*) D'où la primauté de sa notion de l'Intentionnalité collective au point de départ de l'activité sociale, et celle de la réalité. * 304 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, Puf, 2005, p.363. * 305 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales, p.365. * 306 John SEARLE, Les actes de langage, essai de philosophie du langage, Hermann, Paris,1972, p.120. * 307 Jürgen HABERMAS, Logique des sciences sociales et autres essais, p.365. * 308 Marc MAESSCHALCK, Normes et contextes, les fondements d'une pragmatique contextuelle, Georg Olms Verlag Hildesheim, Zürich, New York, 2001, p.166. * 309 Ibidem, p.166. * 310 Voir Jürgen HABERMAS, Droit et démocratie, Entre faits et normes, Gallimard, Paris, 1997, p.29. * 311 Ibidem. |
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