IV. PERPECTIVES D'AVENIR
Des deux épisodes relatives à LTCM et la crise
des prêts hypothécaires à risque « subprime
», c'est cette dernière qui est la plus susceptible d'induire
des changements de grande ampleur dans la structure et la réglementation
des marchés des valeurs mobilières. Là où
l'effondrement de LTCM avait favorisé une évaluation permanente
du caractère approprié de la surveillance prudentielle du secteur
des hedge funds et de ses contreparties, la crise des prêts
subprime entraîne un réexamen approfondi des fondements
mêmes de la titrisation. Les commentateurs remettent désormais en
question l'efficacité du modèle «
originate-and-distribute » (octroi puis cession de
crédits).
Ils prennent acte des doutes qui commencent à planer
sur le bien-fondé d'un accord de Bâle révisé, qui
s'appuie sur des modèles internes et des notations de crédit
discutables pour juger de l'adéquation des fonds propres d'une banque.
La tâche n'a rien de facile, dans le cadre de propositions
concrètes de sortie de crise en ce qui concerne cette technologie
financière. On peut donc comprendre que les instances de
réglementation financière en soient encore à se poser les
questions pertinentes plutôt qu'à proposer des réponses
convaincantes. Par conséquent, les points qui suivent constituent
nécessairement moins des recommandations que des questions relatives aux
stratégies à adopter. Les questions sans réponse ne
peuvent clore le débat, mais ont au moins le mérite de le
nourrir28.
IV.1 Questions à propos du modèle «
originate - and - distribute »
Au cours des vingt dernières années, les grandes
banques ont affiné leurs stratégies de titrisation du
crédit. Elles octroient des prêts ou les achètent à
des
28 BARRY EICIENGREEN, Professeur d'Économie et
de Sciences politiques, University of California, BerKeley
courtiers spécialisés et les transfèrent
dans un véhicule ad hoc, qui les restructure en CDO
(collateralised debt obligations) eux-mêmes vendus à
d'autres investisseurs. Selon certains commentateurs, ce modèle
économique a tout simplement planté le décor de la crise
financière. D'après eux, avec la titrisation, celui qui octroie
le prêt est moins incité à évaluer la qualité
du crédit, contrairement au bon « vieux temps ».
Ainsi, si la titrisation répartit le risque, elle a
aussi tendance à l'accroître (si bien que le risque à
répartir, qui doit en définitive être supporté par
quelqu'un, est plus important). En principe, même les banques qui
transfèrent les prêts hors de leur bilan doivent en payer le prix,
sous la forme d'une atteinte à leur réputation si elles ne
surveillent pas correctement ces prêts ou si elles en surestiment
systématiquement la qualité. Il est toutefois évident que
le souci de la réputation de la banque ne suffit pas à garantir
une surveillance adéquate, comme le reconnaît BernanKe (2007a).
Face à ce type d'observations, certains
préconisent d'obliger ceux qui octroient des prêts à
détenir une proportion minimum des titres dans leur propre bilan. On
pourrait par exemple contraindre les banques à détenir 20 % de
chaque CDO (ou 20 % de chaque tranche de CDO). Par construction, une telle
réforme marquerait un pas en arrière en direction de la banque
à l'ancienne, dans laquelle les établissements de crédit
disposeraient d'une moindre marge pour diversifier leurs risques. Il ne
protégeait pas les banques contre un retournement du marché de
l'immobilier résidentiel, ce qui les rendait plus prudentes dans
l'attribution des crédits hypothécaires et en
renchérissait le prix. Des réformes dans ce sens
résoudraient ainsi les problèmes sur les marchés de
titres, mais au prix d'un risque accru pour le système bancaire et d'un
surcoût pour les consommateurs. On peut donc se demander si cette forme
de réglementation serait efficace.
|