III.3.4 Points de rupture
Plusieurs faiblesses ont concouru au dysfonctionnement du
marché qui a permis à une hausse de 3 % du taux des
impayés de plus de 90 jours dans un sous-secteur du marché
hypothécaire américain conduisant à faire basculer un
système financier de 57 milliards de dollars dans la tourmente et
créer une onde de choc sur toute la planète.
· Le premier accroc est intervenu au moment
où les tranches de crédits hypothécaires à plus
haut risque ont été placées auprès d'investisseurs
très endettés.
Les fonds spéculatifs ne sont pas assujettis à
des normes de fonds propres (ils ne sont pas réglementés à
cet égard) et la pratique sectorielle de l'investissement
surendetté a autorisé une prise de risque excessive. La pratique
consistant à prendre des risques proportionnés au capital investi
a pour avantage prudentiel de limiter la prise de risque et de créer un
volant de sécurité entre les pertes et la faillite. Celle
consistant à prendre des risques dépassant les limites
prudentielles constitue une assise instable pour l'organisation de
marchés financiers et une faille dans la structure du
marché27.
· L'effondrement du marché tient aussi à
ce que des établissements financiers non réglementés
et sous-capitalisés fournissaient des liquidités aux
marchés de gré à gré de CDO à risque et
de dérivés de crédit.
Dès que ces marchés ont été
confrontés à des problèmes d'insolvabilité, ils
sont devenus illiquides et les transactions ont virtuellement cessé.
· Les initiateurs non réglementés et
sous-capitalisés de crédits hypothécaires ont
également contribué à la crise.
À l'instar des fonds spéculatifs, ils
opéraient avec des capitaux insuffisants et faisaient appel aux
financements à court terme pour financer les crédits
hypothécaires à risque
27 cf. Randall Dodd -- Finance et
développement- FMI, décembre 2007
qu'ils accordaient et ne comptaient détenir que
brièvement. Lorsqu'ils n'ont pu vendre ces crédits aux
sociétés de titrisation, bon nombre d'entre eux ont dû
déposer le bilan.
· L'opacité des marchés de gré
à gré a envenimé la situation.
L'inaptitude des participants au marché à
définir la nature des crédits hypothécaires à
risque et à les localiser a entraîné un renversement
soudain des critères d'évaluation des risques. Alors qu'ils
avaient auparavant affiché un optimisme excessif quant aux risques
présenté par ce marché. Les investisseurs, affolés
et déconcertés, ont brusquement paniqué et
surestimé les risques, évitant même les tranches
«senior» de premier ordre.
· Les marchés de gré à gré
ont également pâti d'un manque de liquidités. Au lieu
de se montrer résilients face à la plus grande volatilité
des prix, ces marchés ont interrompu les transactions quand les
contreparties ont perdu leur crédibilité et que les
acquéreurs ont disparu du marché.
Le rationnement actuel du crédit représente la
première crise de l'ère de la titrisation de masse, bien que les
turbulences suscitées par la quasi-faillite de LongTerm Capital
Management (LTCM), en 1998, puissent, elles aussi, raisonnablement
prétendre à ce titre. Certains en tirent la conclusion que les
coûts de la titrisation, c'est- à-dire les risques pesant sur la
stabilité financière, sont supérieurs aux
bénéfices. D'où l'idée que l'on devrait revenir
à l'âge d'or où les banques commerciales accordaient des
prêts aux ménages et aux entreprises et les gardaient inscrits
à leurs bilans, au lieu de les fractionner et de les découper
avant de s'en défaire. Mais cette formule ignore les
réalités économiques.
À la suite de la grande crise de la titrisation de
2007/2008, les partisans des réformes affirmeront certainement que les
régulateurs du système financier doivent réexaminer les
règles en vigueur. Il serait important que les autorités se
concentrer sur le système bancaire. En effet, la fonction des banques au
sein du système financier demeure unique car elles sont au coeur des
compartiments du système financier qui sont les plus dépendants
de l'information. Toute réévaluation devrait commencer par
le rôle de Bâle II et, au sein de Bâle II,
par le rôle des modèles internes et de la notation des
obligations. Nous proposerons dans la section suivante certaines perspectives
qui pourraient s'offrir pour éviter certains points de rupture.
|