La notation en matière de titrisation peut se
définir comme une analyse du risque de crédit sur un portefeuille
d'actifs localisé dans un SPV ou du rehaussement de crédit mis en
place lors de l'opération12. Dans ce cadre, l'agence de
notation intervient, en principe, à la demande d'un arrangeur, pour le
compte de son client, le cédant. Le processus de notation peut
être interrompu par l'émetteur à tout moment. L'agence ne
prend donc jamais l'initiative de la notation. Il existe trois principales
agences de notation dans le monde, à savoir Fitch, Moody's et Standard
and Poor's. Ces agences sont chargées d'évaluer le risque de
solvabilité (risque de défaut) des
12 A ,A, des Marchés financiers, ,
A
Autorité ues marenes etuues et analyses du 31 janvier
2006
entreprises, des États ou d'une opération
(emprunt ou emprunt obligataire). Leurs méthodologies diffèrent
dans leur principe et dans leur contenu.
Schématiquement, les notes s'établissent de A
à D avec des échelons intermédiaires. Ainsi, la meilleure
note est AAA, ensuite AA, A chez Standard and Poor's ou Aa, A... chez Moody's.
Le tableau suivant nous propose une revue des différentes notes pour
l'endettement long terme dans ces différentes agences :
Tableau 3 : Différentes notes des agences de notation
Source : abcbourse
Il existe des notations intermédiaires. Les notes
peuvent, en effet, être affectées d'un «+» ou
«-» ou encore d'un «1 ou 2». Cela permet des
classifications plus fines des différents emprunteurs. Ainsi, Moody's a
une méthode basée sur la perte attendue ("expected loss") alors
que Standard & Poor's et Fitch ont une méthode basée sur la
probabilité de défaut. Dans les deux cas, les risques de pertes
sont fonction de la taille de la tranche et de sa subordination13.
Selon la BRI (Banque des règlements Internationale), les trois grands
paramètres de notation des instruments structurés sont
13
"Financement structuré : complexité, risque et
recours aux notations", rapport trimestriel BRI, juin 2005, p. 67s.
les estimations de probabilité de défaut sur
les signatures composant le portefeuille14, les taux de recouvrement
et la corrélation des défauts (risque que le défaut d'une
signature impacte les autres).
La méthodologie de l'agence repose donc sur une
modélisation de la détermination des risques de pertes des actifs
qui seront cédés au véhicule de titrisation. Cette
détermination se fera selon des méthodes différentes, au
sein d'une même agence. Ainsi, elle se fera en fonction de la
granularité du portefeuille- lorsque celui-ci est composé de
nombreuses signatures - (méthode Monte Carlo plutôt que binomiale)
et du type de financement structuré (ABS ou CDO).
L'un des points fondamentaux de l'analyse de l'agence,
essentiellement en ce qui concerne les CDO, est la corrélation
estimée entre les signatures composant le portefeuille, en particulier
la corrélation intersectorielle. En effet, les trois agences utilisent
un modèle prenant en compte une hypothèse de corrélation
intra-secteur, c'est- à-dire un pourcentage représentant la
probabilité que le défaut d'une signature impacte les autres
signatures du même secteur industriel. En revanche, les hypothèses
de corrélation intersectorielle ne sont pas retenues par toutes les
agences.
Concernant la corrélation intra secteur, Fitch et
Moody's retiennent une répartition géographique, à
l'inverse de Standard & Poor's, soit 34 pays regroupés en 10 classes
pour Fitch et 4 zones géographiques pour Moody's. Les trois agences
retiennent une répartition en fonction notamment des secteurs
industriels, mais elles n'ont pas la même répartition de secteurs.
Fitch compte 25 secteurs, Moody's en compte 34 et Standard & Poor's en
compte 39 (secteurs "corporatifs"). Le niveau de corrélation intra
sectorielle retenu par Standard & Poor's varie de 0 à 30%, celui de
Moody's varie de 10 à 20% et celui de Fitch varie de 7 à 44%.
Concernant la corrélation inter sectorielle, Standard & Poor's
retient un taux de corrélation variant de 0 à 10%, Moody's
retient un taux fixe de 3% et Fitch un taux variant de 7 à 30%.
14
Les agences publient des matrices de défaut indiquant le
risque de défaut estimé en fonction de la maturité et de
la
notation du titre.
Ce point a fait l'objet de changements importants de
méthodologie des agences au cours des dernières années.
Ainsi, Moody's a modifié ces paramètres en mars 2004 et Standard
& Poor's a publié une nouvelle méthodologie le 19
décembre 2005, date avant laquelle cette agence retenait un taux de
corrélation inter sectoriel nul et un taux de corrélation intra
sectorielle fixe de 30%. Ce changement de méthodologie porte
également sur une nouvelle matrice de défaut, spécifique
aux CDO15. Ce qui permet à la fois de prendre en compte des
probabilités de défaut qui, sur une base statistique, sont plus
élevées pour les CDO que pour les notes d'entreprises et, d'autre
part, de lier la probabilité de défaut des ABS à la
maturité de la tranche16.
Par ailleurs, une bonne partie des opérations
structurées font l'objet de deux notations, pour au moins une
tranche17. Selon les arrangeurs, cette notation multiple est une
demande des investisseurs, en particulier pour certains produits et notamment
pour les transactions innovantes. Toutefois, les méthodes de notation
des agences demeurent relativement hétérogènes. Leur
connaissance par les arrangeurs, en particulier sur les niveaux de
corrélation intra sectorielle et inter sectorielle, associée
à celle des répartitions et des matrices de défaut
adoptées par les agences, leur permettent de choisir une agence en
particulier et de structurer des montages, notamment de CDO, en fonction de la
notation anticipée.
Si l'intervention en parallèle de deux agences peut
rendre plus complexes la structuration et la finalisation de la transaction,
elle peut également conduire à des notations divergentes (ou
"Split rating"). Pour les CDO, la double notation est rare en raison des
différences de méthodologie des agences dans ce domaine. Ainsi,
les arrangeurs choisissent une seule agence.
On remarque toutefois que seules les tranches "mezzanine" et
"senior" sont notées par les agences, à l'inverse de la tranche
"equity". L'absence de notation de
15
Cette agence dispose donc d'une matrice de défaut
applicable, respectivement, aux émissions de dette d'entreprises, aux
CDO, aux ABS et aux PME.
16 Avant cette date, la matrice de défaut des ABS (hors
CDO) était identique à celle des notes d'entreprises et une
maturité fixe était retenue.
17 62% des opérations entrant dans le
périmètre de l'étude de l'AM F
cette tranche s'explique par le fait qu'elle est souvent
conservée par le cédant lui-même ou par l'arrangeur.
Il importe de noter finalement que sur les titrisations, le
processus de notation fait partie intégrante de la structuration du
produit. L'intervention de l'agence se situe plus en amont et la notation est
non pas un résultat mais une cible à atteindre, l'agence
indiquant les paramètres devant être pris en compte pour obtenir
la notation souhaitée. L'agence a en particulier une incidence indirecte
sur la configuration des tranches pour permettre la notation la plus
élevée possible de l'émission "senior".
Cependant, la crise du marché des crédits
immobiliers à risque de l'été 2007 a vu une remise en
cause du rôle de dispersion du risque des CDO et celui des agences de
notation. Politiques et investisseurs reprochent, en effet, aux trois
principales agences de n'avoir que mollement tiré la sonnette d'alarme
avant la crise.