Section II : Régime de
l'incompétence judiciaire
Le nouveau code de l'arbitrage dans sa nouvelle
rédaction prend parti sur la nature de l'incompétence des
tribunaux étatiques en présence de la convention d'arbitrage.
Seule, en revanche la loi de la juridiction saisie est apte à
définir les modalités de mise en oeuvre de l'incompétence
de cette juridiction; notamment si elle peut ou non être soulevée
d'office par le juge et à quel moment, le cas échéant elle
doit l'être par les parties.
Aux termes de l'article 19 alinéa 2 et 52 du code de
l'arbitrage, il s'avère que deux éléments de la
qualification de l'incompétence des juridictions étatiques
méritent d'être signalés ; une évidence, le
caractère relatif de l'incompétence (Paragraphe
I). Cette qualification produit maints conséquences. Une des
conséquences c'est la renonciation à l'incompétence
créée par la convention d'arbitrage (Paragraphe
II).
Paragraphe I : Le
caractère relatif de l'incompétence judiciaire
Les législations après avoir fermement pris
parti pour le caractère absolu de l'incompétence des tribunaux
étatiques, Pays-bas et dans la plupart des pays de l'Est dont L'U.R.S.S
ainsi que la cour d'appel de Paris le 13 décembre 1950. Cette
dernière modifia sa jurisprudence et affirma ensuite le caractère
relatif de cette incompétence le 14 Mai1957 (69(*)).
Mais aujourd'hui les législations ont nettement
qualifié de relative l'incompétence résultant de la
convention d'arbitrage. En interdisant au juge de l'État de relever
d'office son incompétence. L'article 19 et 52 du code consacre
l'impossibilité pour les juridictions étatiques de relever
d'office l'incompétence résultant de l'existence d'une convention
d'arbitrag (A).L'étude de cette solution
nécessite d'aborder la question du moment d'exception
d'incompétence (B).
A)
Impossibilité pour les juridictions étatiques de soulever
d'office l'incompétence résultant de l'existence d'une convention
d'arbitrage
Le propre des incompétences relatives est de ne
pouvoir être relevées d'office par le juge, c'est en effet , comme
l'indique l'article 19 alinéa 2. Ce dernier est clair contrairement
à l'article 52 qui utilise une formulation implicite. La règle
posée par les articles suscités, doit être
approuvée. La quasi- totalité des législations avaient
pris partie en faveur de l'incompétence relative (70(*)). La doctrine
française s'était ralliée à cette solution
(71(*))
selon eux la qualification en faveur de l'incompétence absolue reposait
sur une discutable assimilation de la compétence arbitrale à la
compétence d'attribution. Entant que telle elle concerne l'ordre public
et ne peut être soulevée que par le tribunal. Cet argument doit
être écarté. D'une part, le parallélisme entre
incompétence en raison de la matière et incompétence
absolue est trompeur et inexact. D'autre part, l'assimilation de la
compétence arbitrale à la compétence d'attribution fait
abstraction de la nature mixte de l'arbitrage comme l'écrit Motulsky
« en assimilant purement et simplement la juridiction arbitrage
à un rouage de l'institution judiciaire, on supprime cet
élément moteur qu'est l'intervention de la volonté
privé »(72(*)).
En outre on peut juger que l'argument susvisé
(73(*))
est sans importance pour l'arbitrage puisque les matières
où les règles de compétence ont un caractère
d'ordre public sont des matières communicables, à l'occasion
desquelles il n'est pas permis de compromettre et où par
conséquent ne pourrait se poser un litige de compétence entre les
arbitres et les juridictions du droit commun. En effet, la thèse du
caractère absolu de l'incompétence n'est étayée par
aucune base solide.
Il assez surprenant de constater que la question du
caractère de l'incompétence a suscité des revirements
spectaculaires dans la jurisprudence et la doctrine. Tandis que pour le
législateur Tunisien avec le code de l'arbitrage, une seule attitude est
concevable aussi bien en matière d'arbitrage interne que international.
L'article 19 alinéa 2 prévoit expressément que
« dans les deux cas, la juridiction ne peut pas soulever d'office son
incompétence ». D'après ce texte on constate que le
législateur attribue à l'incompétence des juridictions un
caractère purement relatif, donc il ne revient pas à ces
juridictions de soulever d'office leur incompétence. En effet, cette
solution est logique elle découle du caractère conventionnelle de
l'arbitrage, la solution est unanimement admise en droit interne et ceci que le
tribunal arbitral soit déjà saisi ou qu'il ne le soit pas.
Une question que se pose pour l'arbitrage international, le
législateur n'a pas prévu expressément le caractère
relatif de l'incompétence. Cependant une lecture attentive de l'article
52 du code nous permet de déduire ce caractère «le tribunal
saisi d'un différend sur une question faisant l'objet d'une convention
d'arbitrage renverra les parties à l'arbitrage si l'une d'entre
elles le demande... »
Ce qui importe ici n'est pas tant de savoir si, dans une
législation interne, la convention d'arbitrage entraîne
l'incompétence absolue ou, ce qui paraît théoriquement plus
juste, l'incompétence relative des tribunaux étatiques; c'est
plutôt de savoir si une solution identique se justifie voir s'impose pour
l'arbitrage international car il faut bien admettre que la donnée est
différente, le «sacrifice» consenti par le tribunaux
étatiques apparaît moindre, a priori, dans le cas de l'arbitrage
interne qu'à l'égard d'un arbitrage «étranger»
ou «international»(74(*)).
En reprenant l'idée du caractère de
l'incompétence des juridictions étatiques à qui revient de
soulever l'exception d'incompétence?
Les tribunaux ne pourront pas se saisir d'office de la
question de leur incompétence en présence d'une convention. C'est
aux parties qu'il revient. C'est la raison pour laquelle il n'appartient pas au
juge saisi d'un litige à propos duquel une convention d'arbitrage a
été conclue de soulever d'office l'incompétence
susceptible d'en résulter. La solution qu'est très
généralement acceptée en droit Tunisien et en droit
comparé c'est que les parties ont les pouvoir de relever
l'incompétence judiciaire.
Donc en se référant à l'article 19
alinéa 1, régissant l'arbitrage interne, et l'article 52, relatif
à l'arbitrage international, l'exception d'incompétence ne peut
être demandée que par la partie diligente. Les
différentes conventions retiennent cette solution. Elle
résulterait déjà de l'article 4 du Protocole de
Genève 1923. Elle a été reprise par l'article II, § 3
de la convention de New York de 1958 «selon lequel les juridictions
renvoient les parties à l'arbitrage à la demande de l'une d'elles
». La même solution est édictée par la convention de
Genève 1961, l'article VI § 1 qui stipule «l'exception prise
de l'existence d'une convention d'arbitrage est présentée devant
le tribunal judiciaire saisi par une des parties à la convention
d'arbitrage doit être soulevée par le défendeur à
peine de forclusion». Elle se retrouve dans la plupart des
législations sur l'arbitrage, la loi type de CNUDCI, art. 8 §1. En
droit Français, l'article 1458 N.C.P.C, étendu à
l'arbitrage international, spécifie expressément en son
alinéa 3 l'interdiction pour les juridictions de relever d'office
l'incompétence. L'exigence dans le texte de soulever
l'incompétence par les parties ne peut pas s'élargir à
d'autres, tiers, quelque soit l'intérêt demandé
(75(*)).
* 69 C.A. Paris le 14 Mai
1957 , Rev .arb. 1959, p. 437 , note J.Robert
* 70 Voir l'article 1458
alinéa 3 du nouveau code de procédure civile Français.
* 71 GLASSON , TISSIER et
MOREL, « Traité de procédure
civile », Sirey, 3e éd.,t.V. n° 1816.
* 72 LOQUIN (E.),
art. précité , p. 11
* 73 La thèse de
l'incompétence absolue qui repose sur un postulat : la
compétence d'attribution serait absolue, la compétence
territoriale est relative .
* 74 LALIVE (P.) ,
« Problèmes relatifs à l'arbitrage international
commercial », R.C.A.D.I 1967, p. 588
* 75Discussions
parlementaires n° 34 , 21 avril 1993, p.15 ( en arabe) :
"ÇáäÕø
íÔíÑ Åáì
ØÑÇ ÇáäÒÇÚ
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ÇáÊÍßíã ÞØ
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áÛíÑåã ãåãÇ
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