2- Litiges nés des
conventions distinctes
La question qui se pose à cet égard: La
portée de la clause compromissoire au delà du strict contentieux
né du contrat qui la contient ?
Comme le souligne M. Oppetit (62(*)) il s'agit
ordinairement de situation appartenant au phénomène des groupes
de contrats mettant en cause une pluralité de contrats conclus entre les
mêmes parties par succession dans le temps (contrat cadre) ou dans un
même moment (pour des nécessités de gestion). Peut-on donc
admettre une compétence arbitrale extensive au motif de la
connexité ou l'indivisibilité liant les différentes
opérations ? A priori, l'indivisibilité existant entre les
différents contrats, dont certains d'entre eux contiennent une
convention d'arbitrage, ou contiennent des conventions d'arbitrage
différentes, ne permet pas d'étendre l'arbitrage prévu
dans un contrat aux litiges nés de contrats distincts. Le droit
Français comme son homologue Tunisien, à la différence de
certains droits, est hostile à la consolidation des procédures
arbitrales .
Mais la jurisprudence française a affirmé avec
force le principe de l'effet relatif des conventions qui interdit
d'étendre la clause d'arbitrage à des contrats pour lesquels elle
n'a pas été stipulée (63(*)).
L'interprétation large de la convention d'arbitrage a
une portée générale lorsque par exemple, le recours
à l'arbitrage est prévu pour toutes contestations qui pourraient
s'élever pendant la durée de la société ou lors de
sa liquidation .
La juridiction suprême attribue aux arbitres le pouvoir
de statuer sur une demande de dissolution.
Quant aux demandes additionnelles ou reconventionnelles, en
principe l'objet du litige et les prétentions des parties sont
fixés dès l'origine par le compromis. Toute demande
postérieure, doit être en principe déclarée
irrecevable, et se trouve de la compétence des tribunaux ordinaires.
Mais si certains auteurs insistent sur ce point. D'autres admettent que les
arbitres doivent cependant pouvoir connaître des demandes incidentes qui
sont l'accessoire de la demande principale. La même situation aurait
dû se trouver à la suite d'un arrêt rendu par la cour
d'appel de Tunis le 4 Mai 1999 (64(*)). L'accessoire peut être
défini soit comme ce qui «s'ajoute au principale en raison de
structure parce qu'il est produit par lui », tel est, par exemple ,le
cas d'une demande additionnelle ayant pour objet le paiement des
intérêts ou de celle qui a pour fin le paiement des frais de
transport résultant de la vente de marchandises, soit «comme ce qui
participe au même but que le principal » par exemple,
impossibilité à l'arbitrage de juger une demande sans trancher
sur l'autre. Seules les demandes nouvelles qui se présentent comme un
accessoire de la demande principale pourront être reçues par
l'arbitre. S'il est vrai que la composante contractuelle de l'arbitrage impose
dans ce cas une immutabilité renforcée du litige. Il ne faut pas
oublier que le tribunal arbitral constitue une véritable juridiction
pour son bon fonctionnement sa saisine doit pouvoir être étendue
comme celle de toute juridiction.
Il faut sans doute aller plus loin. Comme toute convention,
le compromis est une création continue, et pendant le cours même
de l'arbitrage vont survenir des accords complémentaires, soit pour
modifier les prétentions ou les demandes des parties. Toutes ces
extensions sont admissibles, sous la seule condition cependant que la preuve en
soit constatable par écrit.
Dans ce sens, MM. Redfern et Hunter signalent
qu' « elles feront entrer ces nouvelles demandes dans les
limites du pouvoir juridictionnel du tribunal arbitral »
(65(*)).
Le règlement de la CCI leur reconnaît
expressément cette faculté « les parties peuvent
formuler devant l'arbitre de nouvelles demandes, reconventionnelle ou non,
à condition que ces demandes restent dans les limites fixées par
l'acte de mission visé à l'article 13 ou qu'elle fassent l'objet
d'un addendum à ce document que sera signé par les
parties et communiqué à la cour internationale
d'arbitrage ».
Ce qu'est certain que le tribunal étatique ne peut
connaître ni des demandes reconventionnelles ni de demandes
additionnelles voire même des défenses au fond qui seraient
comprises dans le domaine de l'arbitrage .
B)
L'interprétation restrictive de l'objet de l'arbitrage eu égard
à l'incompétence des tribunaux étatiques
L'exigence d'une interprétation restrictive de l'objet
du litige peut être déduite des dispositions de l'article 17 du
code de l'arbitrage « la convention d'arbitrage doit, à peine
de nullité, indiquer l'objet du litige». Déduisons que
l'objet du litige est déterminé dès le début,
dès la conclusion de la convention d'arbitrage et avant la saisine des
arbitres.
Le droit des différents pays et les conventions
internationales sur l'arbitrage attachent la plus grande importance à ce
qu'un tribunal arbitral n'excède pas les limites de son pouvoir
juridictionnel . En droit Tunisien, même en droit Français parmi
les cas susceptibles d'ouvrir un recours en annulation contre une sentence
rendue en matière d'arbitrage figure celui où l'arbitre a
statué sans se conformer à la mission qui lui avait
été conférée.
Cette rigueur est imposée par la nature contractuelle
de l'arbitrage, les arbitres ne bénéficient pas d'une
délégation permanente du pouvoir de juger et leur
compétence est spéciale à un litige donné et
limité à ce que les litigants ont décidé de
soustraire à la compétence judiciaire. C'est ce qu'a
été déclaré par la cour d'appel de Tunis le 10
février 1998 (66(*)), la cour de cassation Tunisienne à
plusieurs reprises (67(*)) surtout dans arrêt du 28 janvier
2004 (68(*))
.
Pour des considérations purement juridique, l'arbitrage
qui sera issue d'un compromis consacre une immutabilité renforcée
du litige puisque l'existence d'un compromis limite considérablement la
réception de la notion de « lien suffisant ». Le
compromis fixe définitivement à la fois la cause de la demande et
l'objet du litige.
La dualité des solutions, entre l'interprétation
large ou l'interprétation stricte à l'objet du litige,
n'empêche pas à considérer que la convention d'arbitrage
comme convention autonome se suffisant à elle même à
évincer les juridictions d'État. La convention d'arbitrage
réalisé une éviction beaucoup plus large de la
compétence judiciaire.
* 62 OPPETIT(B.),
« L'arbitrage et les tiers », journée du
comité française de l'arbitrage, 5 mai 1998, présentation
générale, Rev. arb. 1988, p. 435.
* 63 Cass. 1er
civ. , 1er Juillet 1992, Bull. civ., I , n°232
* 64 C .appel,n°40, 4
Mai 1999 :
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Dans le même sens s'est prononcée la cour
d'appel dans un arrêt n° 77, 9 oct. 2001(inédit).
* 65REDFERM (A.) , HUNTER
(M.), « Droit et pratique commercial
international », 2e éd., Paris, L.G.D.J, 1994,
p. 222
* 66 C.A de Tunis,
arrêt n° 25, 10 février 1998, RJL mai 1999, p.221; C.A de
Tunis, n° 5470, 18 février 2004 (inédit).
* 67 C. cass.
Tun.6ech. com., n°64326 du 8 juillet 1998 (inédit).
C. cass. Tun., n° 68287, 6 Novembre 1998, RJL mai
1999, p.211
* 68 C. Cass. Tun., n°
26474, 28 janvier 2004 (inédit).
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