conflits de compétence judiciaire et arbitrale( Télécharger le fichier original )par Sana Soltani Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis - Mastére en droit privé 2005 |
1- Le droit Tunisien
2- Le droit comparéEn Algérie, le code de procédure civile ancien ne prévoyait pas de dispositions relative à la compétence de l'arbitre sauf à faire obligation aux arbitres de se déporter « s'il est formé inscription de faux même purement civile où s'il s'élève quelque incident criminel ( article 448 infine) »(166(*)) . Au Liban, en revanche, dans le cas où la clause compromissoire ne comporte aucune disposition donnant à l'arbitre le pouvoir de statuer sur sa propre compétence ou sur la validité ou la nullité de la convention d'arbitrage, l'arbitre n'aura pas compétence en la matière et il reviendra aux tribunaux ordinaires de statuer sur ce point. Telle est la position adoptée par la jurisprudence libanaise avant la promulgation de la loi de 1983(167(*)). En droit français, la solution législative est absente. La jurisprudence épuisait la question. En effet la cour de cassation opposait le pouvoir des arbitres pour vérifier leur compétence au regard des termes de la convention d'arbitrage à l'impossibilité pour eux de statuer sur la validité de la convention d'arbitrage que les avait investis (168(*)). Une position différente dans l'arrêt « Caulliez » qui avait paru, en jugeant que « toute juridiction même d'exception étant juge de sa propre compétence, les arbitres ont le pouvoir et le devoir de vérifier si eu égard aux termes de la clause compromissoire souscrite par les intéressés, ils sont compétents pour connaître du différend qui leur est soumis » (169(*)). Le revirement de jurisprudence était incertain car c'est la validité de la saisine des arbitres qui était en l'espèce discutée. La situation était, cependant, confuse alors que la chambre commerciale avait rendue un premier arrêt connu comme l'arrêt Courtier(170(*)) considère comme favorable au droit pour l'arbitre d'apprécier sa saisine, la solution ainsi consacrée a été reprise par référence à ses termes ou en termes comparables, par une jurisprudence unanime et sans fausse note l'adhésion. Contrairement aux décisions susvisées qui posent le problème en termes généraux, la question a rebondi en matière d'arbitrage international lorsque la jurisprudence a posé le principe de l'autonomie de la clause compromissoire. B) Le nouveau droit de l'arbitrageEn étudiant le principe de compétence - compétence devant l'arbitre, l'aspect qui nous intéresse est l'aspect positif puisque c'est l'aspect qui permet à l'arbitre saisi de se prononcer le premier sur sa compétence. Dans cet aspect positif le principe de compétence est l'objet d'un véritable consensus. Consensus qui se manifeste aussi bien dans les sources privées que dans les sources publiques de l'arbitrage. L'énumération n'est plus pour une simple énumération des solutions mais plutôt pour mieux qualifier le choix de notre code, ce choix n'est pas isolé, il est même affecté par la force du vent des orientations nouvelles. Concernant les sources privées, actuellement, la règle est largement admise dans le quasi- totalité des règlements d'arbitrage international et interne. Ainsi, le principe est consacré dans le règlement de la CCI article 8§3(1988), article 6§2 (1998). Le règlement de CNUDCI précise en son article 21§1que « le tribunal arbitral peut statuer sur les exceptions prises de son incompétence, y compris toute exception relative à l'existence ou la validité de la clause compromissoire ou de la convention distincte de l'arbitrage », l'article 14 de la L.C.I.A et l'article 15 de l'A.A.A.. Le règlement de médiation de conciliation et d'arbitrage(article12)(171(*)), le règlement de la commission économique pour l'Europe de l'ONU. Le principe est surtout consacré par des conventions internationales, même si la convention du New York de 1958 n'a pas évoqué la question de la compétence - compétence dans la mesure où elle n'évoque que les conditions de la reconnaissance et l'exécution des sentences dont le principe ne trouve pas sa raison d'être (172(*)). Ainsi était clairement affirmé le principe dans la convention de Genève de 1961 dans son article V§3 qui précise « sous réserve des contrôles judiciaires ultérieures prévues par la loi du for, l'arbitre dont la compétence est contestée, ne doit pas se dessaisir de l'affaire, il a le pouvoir de statuer sur sa propre compétence et sur l'existence ou la validité de la convention d'arbitrage ou du contrat dont cette convention fait parti ». Ce même principe est consacré par l'article 41 de la convention de Washington de 1965, pour le règlement des différends relatifs aux investissements entre États et ressortissants d'autres États, qui dispose que « le tribunal est juge de sa compétence ». La convention arabe d'Amman de 1987 dans l'article 24 affirme que « l'exception d'incompétence et les autres exceptions de forme doivent être soulevées avant la première audience. Le tribunal doit se prononcer sur ces points avant d'aborder la question de fond et sa décision sur ce sujet est considérée comme définitive ». Le même principe est l'objet d'un véritable consensus en droit comparé grâce surtout à la consécration du principe dans la loi type de la CNUDCI qui est repris soit intégralement ou avec quelques modifications par plusieurs législations. La règle a été énoncée avec autant de force par la quasi-totalité des législations tels que l'article 186 L.D.I.P et déjà l'article 8 §1du concordat, l'article 1697 C.J. Belge, l'article 1052 C.P.C néerlandais, l'article 23 §3 de la loi espagnole du 5 décembre 1988, l'article 21 de la loi portugaise du 29 août 1986, l'article 458 bis, 7 du C.P.C algérien dans sa rédaction de 1993. En droit libanais, ce principe est expressément consacré par l'article 785 N.C.P.C aux termes duquel « si devant l'arbitre l'une des parties conteste dans son principe ou son étendue le pouvoir à connaître de l'affaire de l'arbitre qui lui est soumise, il lui reviendra de statuer sur cette contestation ». L'article 1466 du nouveau code de procédure civile Française s'inscrit dans la même démarche. On devrait mentionner la Chine (173(*)) car elle est le seul pays dont une législation récente se trouve en contradiction évidente avec le principe de la compétence - compétence. En vertu de l'article 20 de la loi de la république populaire de chine sur l'arbitrage du 31 août 1994 applicable également en matière d'arbitrage « comportant un élément étranger ». Il appartient à la commission d'arbitrage ou au tribunal populaire de statuer sur la validité d'une convention d'arbitrage, quand celle - ci est mise en cause par une des parties ; c'est d'ailleurs le tribunal populaire qui est le seul compétent pour rendre une décision en cas de saisine parallèle. Le dernier règlement de CIETAC de 1994 - qui a précédé de quelques mois la loi - ne prévoit, lui, que la compétence de la commission d'arbitrage et non pas celle du tribunal arbitral populaire. En droit Tunisien, la solution est rassurante et s'applique aussi bien à l'arbitrage interne qu'à l'arbitrage international. Le principe est consacré en matière d'arbitrage interne « si devant le tribunal arbitral une question relative à sa propre compétence dans l'examen du litige est soulevée, il entre dans ses attributions de statuer sur la question ... ». Le principe est repris en matière d'arbitrage international dans l'article 61 Paragraphe1 « le tribunal arbitral statue sur sa propre compétence et sur toute opposition relative à l'existence ou à la validité de la convention d'arbitrage... ». L'article reprend la formulation même de la loi type et l'on estime que la formulation de l'article 26 est plus synthétique. La procédure qui est prévue dans l'article 26 est différente de celle prévue dans l'article 61. Le législateur Tunisien a eu le mérite de se prononcer dans l'un et dans l'autre cas parce que il y avait un débat concernant le principe même de la compétence - compétence. La jurisprudence tunisienne est massivement favorable à ce principe. Le tribunal de 1er instance de Tunis dans un jugement a repris l'article 61 C.A en justifiant sa décision (174(*)). Certains auteurs avaient estimé qu'il convient que les arbitres sursoient à statuer et renvoient la question aux juridictions étatiques. Cet estimation n'est que illusoire. Le fait qu'il y' a un consensus aussi large à propos du principe est déjà un révélateur de son importance. Ce principe n'est pratiquement plus discuté. Une sentence rendue en 1983 dans l'affaire n° 3987 y voit dans la question de compétence-compétence une « vieille question litigieuse de caractère théorique »(175(*)). Il s'ensuit qu'indépendamment de ce consensus, le principe aurait déjà acquis l'autorité de principe d'ordre public transnational. Cette affirmation du caractère n'est ni fortuite ni accidentelle (176(*)).
* 166 BEDJAOUI (M.), MEBROUKINE (A.), « Le nouveau droit de l'arbitrage international en Algérie », JDI,4,1993,p.885 et s * 167 El AHDAB (A.-H.), « La loi libanaise sur l'arbitrage, Etude », 1996, p.24 * 168 Cass. civ., 2 août 1842, JCP 1942, II, 4899, note Motulsky * 169 Cass. com., 22 février 1949, JCP 1949, éd. G, II, 4899, note Motulsky * 170 Cass. com., 6 octobre 1953, JCP1954, éd.G,I, 1194, note Motulsky * 171 Le présent règlement s'appliquera lorsque le centre de conciliation et d'arbitrage de Tunis aura été désigné. * 172 FOUCHARD (PH.), GAILLARD (E.) et GOLDMAN (B.), op.cit. , n° 654, p. 411 * 173 V. pour la situation en Chine, NEDJAR (D.), « L'arbitrage international en chine après la loi du 31août 1994 », Rev.arb. 1995,p.411. * 174 Tb. 1er Inst de Tunis, n° 18158, La comité d'org. des J.M 2001 c/ un investisseur Saoudien, 1 février 2002. La comité (défendeur) dans la procédure arbitrale a soulevé l'exception d'incompétence du tribunal arbitral constitué ; en considérant que la convention d'arbitrage est nulle parce qu'elle permet aux parties de payer directement les arbitres des frais et honoraires de l'arbitrage ce qui porte atteinte au principe de neutralité et d'indépendance. Cet exception a été rejetée par le tribunal arbitral pour son caractère artificiel ; la comité a introduit par la suite directement une instance devant le tribunal de 1re Instance de Tunis en demandant principalement l'annulation de la convention d'arbitrage. Le tribunal a rejeté la demande en justifiant sa décision par l'article 52 C.A et l'article 61 du même code. * 175 DERAINS (Y.), « Les tendances de la jurisprudence arbitrale internationale », JDI 1993, p.838 * 176 CHEDLY (L.), « Arbitrage commercial international et ordre public transnational », C.P.U.2002, p.187 |
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