conflits de compétence judiciaire et arbitrale( Télécharger le fichier original )par Sana Soltani Faculté de droit et des sciences politiques de Tunis - Mastére en droit privé 2005 |
1- La position de droit Tunisien
2- La division de droit comparéC'est au demeurant la solution de l'incompétence relative qu'est adoptée par les conventions internationales de Genève et de New York (article IV et article II § 3), la convention européenne de 1961 est plus précise dans la mesure où elle stipule que l'exception d'incompétence doit être soulevée «par le défendeur à peine de forclusion avant ou au moment de présenter ses défenses au fond selon que la loi du tribunal saisi considère l'exception d'incompétence comme une question de procédure au fond » (78(*)). En la circonstance, c'est un renvoi pur et simple aux droits nationaux il en va de même pour la loi uniforme qui se contente d'affirmer le principe d'incompétence relative. On peut regretter au plan international qu'on n'ait pas d'avantage tenté d'imposer le fait que l'exception soit proposée comme en droit Belge avant tous moyens de défense et ce afin d'éviter là ou la loi le permet, des manoeuvres dilatoires « d'un plaideur qui tâte ses juges avant de les choisir définitivement » (79(*)). Paragraphe II : Renonciation à l'incompétence créée par la convention d'arbitrageL'arbitrage reposant, par définition sur la volonté des parties de faire régler des différends par cette voie privée, il leur est toujours possible d'y renoncer d'un commun accord pour recourir aux juridictions étatiques. L'origine conventionnelle de la juridiction arbitrale implique en effet , que celle-ci est dominée par la volonté des parties qui peut défaire ce qu'elle a fait. En apparence, si l'incompétence créée par l'existence d'une clause compromissoire est d'ordre public, il semble que la renonciation ne soit pas possible. On voit mal en effet comment les parties pourraient conventionnellement porter atteinte à une règle d'ordre public. C'est d'ailleurs en affirmant la possibilité de renonciation qu'on a précisément abandonné la qualification d'ordre public qu'elle attribuait à l'incompétence du tribunal. Peut- on admettre alors la renonciation à une incompétence absolue? Bien qu'on se prononce pour l'affirmative, cela nous semble douteux (80(*)). La solution n'allait pas sans contradiction car il est difficile d'admettre que l'on puisse renoncer à une compétence absolue. Il en résulte que si, après avoir conclu une clause compromissoire les parties décident d'un commun accord de porter leur litige devant un tribunal judiciaire, ce dernier peut connaître de l'affaire. La compétence des tribunaux judiciaires reste donc possible lorsque les deux parties renoncent à invoquer la convention arbitrale et à décliner la compétence judiciaire. Pourvu que l'accord de volonté se manifeste clairement peu importe la forme qu'il revêt. Seule l'incompétence relative rend compte de cette origine conventionnelle; c'est pourquoi elle rallie tous les suffrages de la doctrine, qui reproche à la thèse inverse d'accentuer le caractère juridictionnel de l'arbitrage au point de l'incorporer dans l'ordre des juridictions, sans se soucier de cet élément moteur qu'est l'intervention de la volonté privée. La renonciation peut se faire d'un commun accord ou tacitement dés lors que l'incompétence n'est pas soulevée avant une certaine phase de la procédure. On découvre une renonciation tacite dans l'inertie du défendeur qui refuse de désigner son arbitre mais pour certains (81(*)) l'obstruction du défendeur ne permet pas de revenir devant les tribunaux ordinaires et si l'on admet il y a un excès et un illogisme. Il y a renonciation à la clause compromissoire ou au compromis lorsque l'une des parties ayant saisi une juridiction ordinaire, l'autre ne soulève pas l'exception tirée de cette clause ou, du moins, renonce à l'exception qu'elle a d'abord soulevé et conclut au fond . Il semble encore que l'acceptation du recours à la médiation judiciaire n'emporte pas renonciation à une clause compromissoire, la cour de cassation française a justement retenu que l'accord de la partie pour la mise en oeuvre d'une médiation judiciaire n'emportait pas, à défaut de manifestation de volonté non équivoque en ce sens, renonciation à l'arbitrage et acceptation de la compétence de la juridiction étatique (82(*)). La forme tacite de renonciation peut se faire en cas de silence des parties à la soulever c'est d'ailleurs l'orientation du Protocole de Genève de 1923 posa dans son article 44. Cette solution fut reprise aussi par la convention de New York. Il restait à préciser le moment à partir duquel les parties seraient considérées comme ayant tacitement renoncé à soulever l'incompétence. Les rédacteurs de la convention européenne se sont efforcés de le faire. Sur ce point en effet, les divergences entre législations nationales étaient assez sensibles, la plupart de celles-ci exigeaient que le déclinatoire de compétence soit soulevé avant toute autre exception de défense ou avant le dépôt des conclusions sur le fond; certaines au contraire étaient plus libérales (Bulgarie, Allemagne de L'est, France avant la reforme de 1958, Pays-Bas, et même semble- t-il en République fédérale d'Allemagne et Tchécoslovaquie). Mais la solution de §1 de l'article 6 de la convention européenne était jugé comme une solution particulièrement timide (83(*)) dans la mesure où elle ne pose pas donc une règle unique mais renvoie aux droits nationaux pour qualifier l'exception d'incompétence. Il était préféré que la renonciation à la convention arbitrale résulterait du seul fait que le défendeur n'ait pas soulevé l'exception d'incompétence avant le dépôt de ses conclusions sur le fond, c'est à dire in limine litis. Seule cette solution offre la sécurité désirable aux parties, qui ne risquent plus de voire l'adversaire soulever une exception à un stade très avancé de la procédure. La renonciation à l'exception d'incompétence est - elle irrévocable ? Comme toute renonciation, la renonciation à l'exception d'incompétence est irrévocable. En conséquence, le demandeur principal qui a saisi le tribunal étatique d'une demande au fond qui aurait dû être soumise à l'arbitrage n'est plus fondé à opposer la clause compromissoire pour faire écarter la demande reconventionnelle de l'autre partie. Encore, cette renonciation s'étend non seulement à la demande présentée, mais aussi aux demandes reconventionnelles rattachées au même contrat. On y ajoutera également les demandes additionnelles, et cela en application du principe de l'accessoire. Mais la renonciation est totale ou partiale ? Plus généralement, la jurisprudence admet que la renonciation vaut pour l'ensemble des effets de la clause compromissoire. Autrement dit, la compétence des tribunaux étatiques renaît pour l'ensemble des litiges susceptibles de naître relativement au contrat contenant la clause compromissoire, et non pas seulement à propos des points litigieux effectivement portés devant le juge étatique. Cette jurisprudence peut être contestée. Elle a certes le mérite d'éviter la scission du contentieux d'un même contrat entre les instances judiciaires et arbitrales. Dés lors, il n'est pas certain que soit bien fondée la décision rendue par la cour de cassation française le 9 octobre 1990 qui considère qu'en « renonçant à la procédure en désignation d'expert devant l'institution d'arbitrage, au profit du juge des référés, les parties ont entendu renoncer à l'ensemble de la procédure arbitrale »(84(*)). Selon M.Fady Nammour il a été jugé que si un contrat contenant une clause compromissoire licite donnait lieu à plusieurs litiges successifs le fait que le défendeur ait renoncé à l'arbitrage lors d'un premier procès porté par son adversaire devant la juridiction étatique n'impliquait pas que cette renonciation s'étendre aux autres procès nés du même contrat pour lesquels le défendeur garde donc le droit d'invoquer l'incompétence du tribunal en soulevant l'exception tirée de la clause compromissoire (85(*)). De qui émane la renonciation ? Il importe que la renonciation à la compétence des arbitres émane des deux parties, tel est le cas dés lors que le demandeur, nonobstant la convention d'arbitrage, saisit les tribunaux de l'État et que le défendeur s'abstient d'évoquer l'exception. Son abstention doit être interprété comme un acquiescement à la première renonciation. De même on admettra la même solution dés lors que le défendeur après avoir soulevé l'exception d'incompétence renonce expressément à celle-ci et conclut sur le fond. En Tunisie, le législateur semble - t - il silencieux sur la question mais une interprétation à l'article 19 al. 2 et 52 du code nous permet de trouver une explication apte à donner une solution loin d'être majoritaire. Le droit Tunisien admet le caractère relatif de l'exception d'incompétence « Dans les deux cas, la juridiction ne peut soulever d'office son incompétence». On regrette ce silence par une combinaison entre les deux articles 19 al. 2 et 52 qui permettent de dire pour le caractère relatif de l'exception qui produit une importante conséquence d'y renoncer à la compétence arbitrale au profit de la compétence étatique. L'incompétence judiciaire est rendue nécessaire, soit par l'origine contractuelle de l'arbitrage, soit par le statut de droit privé des arbitres. Pour l'une ou l'autre de ces raisons, le principe de la compétence des tribunaux étatiques pour trancher les différends, auquel permet de déroger une convention arbitrale, va réapparaître. Il y a donc des restrictions sensibles à l'incompétence judiciaire reconnue par le droit qui constituent les tempéraments apportés au principe du dessaisissement des tribunaux judiciaires ( chapitre II ).
* 78Art. VI, § . 1er. * 79FOUCHARD (PH.), op. cit. , p. 128. * 80Curieusement, la jurisprudence française énonçait cette règle alors même qu'elle prenait pourtant parti en faveur du caractère absolu de l'incompétence des tribunaux étatiques. C'est ainsi que la cour de cassation avait jugé le 5 janvier 1959 que « même si les règles régissant la compétence d'attribution des tribunaux ont un caractère absolu, les parties peuvent toujours d'un commun d'accord renoncer à la clause compromissoire ». * 81 HÉBRAUD, obs., Rev.tr.dr.civ., 1954, p. 353 * 82 Cass. 1er civ., 28 Janvier 2003 : Juris-Data n°2003-017440 * 83 FOUCHARD (PH.), op. cit., p. 129. * 84 V. arrêt cité, supra note 16. * 85C.A. Amiens , 1ére ch., 5 Mars 1986, Juris -Data n° 042058. |
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