La théorie de la correction symétrique des bilans( Télécharger le fichier original )par Mohamed Ben Mahmoud faculté de droit et des sciences politiques de TUNIS - mastère en droit des affaires 2005 |
Chapitre II : Le cadre comptable de la théorie de la correction symétriqueLa jurisprudence française a élaboré la théorie de la correction symétrique des bilans dans un cadre bien déterminé. Caractérisé par la mouvance et l'évolution d'une part, et par son aspect comptable d'autre part, le champ d'application de la théorie visait essentiellement la préservation des garanties du contribuable soumis à vérification et ceci par l'édiction des principes orthodoxes de la théorie. Il faut tout de même souligner que la théorie de la correction symétrique s'applique essentiellement dans le cadre des vérifications de la comptabilité83(*), spécialement lorsque le contrôle porte sur plusieurs exercices84(*). Par ailleurs, le champ d'élection de la correction symétrique ne peut être clarifié que par l'étude des énonciations comptables qui se trouvent dans « le bain de la théorie ». Pour se faire, il serait préférable de disséquer notre étude en deux idées : la première relative à la nature des écritures concernées élaborée dans la première section, et la seconde concerne la nature des erreurs rectifiables étudiée dans la deuxième section. Section 1 : Les écritures concernéesLa théorie de la correction symétrique repose sur l'existence d'un lien indissoluble entre les exercices fiscaux successifs. Quant à sa justification, elle est tirée de la « continuité » des bilans85(*). En effet, la situation nette comptable à la fin d'un exercice étant « l'image fidèle »86(*) de celle de l'exercice suivant. Il est, donc évident que les corrections symétriques portent sur des écritures de bilan et que leur application en soit limitée. Il ressort de cette constatation que les comptes de charges ou de produits, en l'occurrence, les comptes de résultat, sont obligatoirement exclus du cadre de la théorie de la symétrie des corrections. Après quelques hésitations, la jurisprudence française a consacré le principe de la limitation des corrections symétriques aux postes de bilan uniquement (paragraphe 1) et par conséquent, admettre l'exclusion des BNC et des impositions d'office de son champ d'application (paragraphe 2). Paragraphe 1 : La portée de la théorie des corrections symétriques : sa limitation aux écritures du bilanEn droit tunisien, on remarque d'emblée une similitude de disposition qui unit la doctrine administrative et le juge fiscal. Ils épousent le principe de la limitation des corrections symétriques aux écritures du bilan. L'Administration fiscale, dans sa prise de position87(*), semble limiter les corrections symétriques au bilan qui a une véritable valeur « historique ». D'ailleurs, conçu comme une mesure de « faveur » pour les contribuables, l'Administration, même si elle parle des « écritures des exercices » et des « résultats », ces derniers affectent, évidemment, les postes du bilan et se trouvent dans ses capitaux propres et passif. Par conséquent, la correction concernera obligatoirement les postes du bilan et non le compte de résultat. Par ailleurs, le juge fiscal prescrit une condition primordiale pour l'application de la théorie : la transcription de l'erreur comptable dans le bilan. Même si cette restriction n'est pas assez explicite88(*), elle a le mérite de présumer l'application du mécanisme de la correction dans un cadre bien déterminé, celui du bilan. Se basant sur une jurisprudence dynamique qui évolue dans le but de bien établir la théorie des corrections symétriques, le droit français concrétise parfaitement sa mouvance d'une part, et dessine le rôle capital du juge de l'impôt créateur de droit, d'autre part. Dans un premier temps, le Conseil d'Etat a appliqué la théorie de la correction symétrique aux charges et aux produits qui se rattachent aux comptes de résultat. Il a cherché à appliquer cette théorie à des écritures comptables qui n'influent pas l'actif net de l'entreprise. La Haute Assemblée a évoqué, à plusieurs reprises, les « écritures comptables » au lieu du bilan et les « résultats » au lieu de « l'actif net »89(*). Le commissaire du gouvernement FABRE a commenté la position du Conseil d'Etat, avec les termes suivants : « on constate un glissement de l'une à l'autre de deux variétés distinctes de remontées symétriques ; de la remontée d'une correction qu'appelle une écriture reconduite de bilan à bilan, à celle de parallélisme des corrections nécessaires au rétablissement d'une cohérence méthodique comptable au niveau du compte d'exploitation »90(*). Présentée de la sorte, cette jurisprudence, qui transposait la théorie des corrections symétriques à des écritures ne figurant pas au bilan, vidait la théorie de son véritable fondement : le bilan, qui suppose que les erreurs aient été reconduites d'un bilan à un autre. Or, en matière de compte de résultat, il n'est plus question d'actif et de passif du bilan mais on se réfère à des produits et des charges d'exploitation. Dans ces conditions, le mécanisme de la correction symétrique risque de s'enrayer. En effet, en cas d'erreur commise dans le cadre d'un compte de résultat, celle-ci sera retransmise dans le résultat de l'exercice mais elle n'altère pas le bilan d'ouverture de l'exercice suivant. Dans ces hypothèses, on ne va pas rectifier « symétriquement » les bilans de clôture et d'ouverture, mais ce qui est tout à fait différent, c'est qu'on va faire « passer » des charges ou des produits d'un exercice à l'autre. Ce passage se heurtera à un obstacle infranchissable constitué par les résultats (inutile, alors, de parler du bilan) du premier exercice non prescrit. Les résultats pratiques d'une telle systématisation prête le flanc à la critique. En effet, il est certain que la spécificité des exercices n'est guère respectée dans le cadre de la correction symétrique de simples produits et charges. On peut citer, encore une fois, les conclusions de M. FABRE « ...la solution donnée par votre décision du 2 décembre 1977... consiste à « parachuter » dans le compte d'exploitation du premier exercice non prescrit une dépense ou une recette fictive au regard de cet exercice, pour la seule raison qu'elle n'a pas, en son temps, affecté comme elle aurait dû le bénéfice imposable d'un exercice dont l'ancienneté ne connaît pas de limite, et à la condition- qui oriente, en fait, le mécanisme dans un sens unique- que l'exploitant l'ait tardivement comptabilisée, en méconnaissance délibérée du principe de spécificité des exercices... »91(*). Par ailleurs, M. PLAGNET en conclusion à son article sur la théorie des corrections symétriques notait à ce propos que : « malgré les vives critiques qu'elle a subies, son maintient paraît, tout compte fait, souhaitable. Mais il conviendrait de la clarifier ; il semble souhaitable de s'en tenir aux corrections symétriques des bilans en abandonnant des extensions beaucoup plus hasardeuses »92(*). Le Conseil d'Etat a été sensible à ces critiques, il est, donc, revenu sur cette jurisprudence. L'application de la théorie des corrections symétriques est, désormais, limitée aux écritures du bilan. Ce retour au cadre originaire a été consacré par un arrêt du 5 juin 198193(*). Dès lors, un contribuable ne peut demander à bénéficier de la théorie de la correction symétrique, en raison de la réintégration d'une charge non déduite au cours d'un exercice prescrit, que s'il apporte des précisions permettant d'apprécier comment la non comptabilisation de cette charge a entraîné une surestimation de l'actif net ressortant du bilan au 31 décembre de l'exercice prescrit. Le requérant doit également démontrer l'incidence de cette surestimation sur la variation de l'actif net au cours du premier exercice non prescrit94(*) . Ainsi, malgré son égarement à une certaine époque, la jurisprudence française a vite retrouvé « son chemin naturel »95(*). * 83 « La vérification de la comptabilité consiste à confronter les énonciations d'une déclaration aux données de la comptabilité à partir de laquelle les bases d'imposition déclarées ont été déterminées et au delà à rechercher si la comptabilité est elle même régulière, probante et sincère. Le droit de vérification permet aux agents de procéder sur place, à un examen critique systématique des écritures et documents comptables », in GEST (G), TIXIER (G), « Manuel de droit fiscal », L.G.D.J., 1986, p.239. Voir : DE BISSY (A), « Droit fiscal des affaires », Paris, Dalloz, 1992, p.220 ; C.E, 6 octobre 2000, SARL TRACE, R.J.F, n°12- 2000, p.960. * 84 M. DERBEL (F) a eu milles fois raisons d'indiquer que « La comptabilité de l'entreprise constitue l'épine dorsale des travaux de vérification », in DERBEL (F), « Comptabilité et vérification fiscale », op.cit., p.35. * 85 DAVID (C), FOUQUET (O), RACINE (P-F) et PLAGNET (B), « Grands arrêts de la jurisprudence fiscale », op.cit, p.312. * 86 AMEDEE-MANESME (G), « Principes et pratiques du droit fiscal des affaires », op.cit. p.151. * 87 « Prise de position (30) du 10 janvier 2000 », op.cit. p.39. * 88 Le jugement du TPI, req. n°628, du 23 novembre 2004, (inédit) souligne l'ambiguïté de la consécration en les termes suivants « ... une erreur comptable transcrite dans le bilan ». Voir : Annexe. * 89 LOUIT (C), « BIC : décisions de gestion et erreurs comptables. Correction symétrique des bilans », J-CL fiscal, fasc. 226-10, 2003, p.31. * 90 D.F.1980, n°27, comm. 1495, concl. FABRE (P), comm. 1495. * 91 FABRE (P), conclusions précitées. * 92 PLAGNET (B), « Les corrections symétriques des écritures comptables », op. cit, p.539. * 93 D.F., 1981, n°50, comm. 2226, concl. Verny (J-F). * 94 C.E., 3 mai 1993, req n°79576, Sabate: R.J.F., juin 1993, n° 881, p.520. * 95 « Le domaine naturel de la théorie des corrections symétriques est celui des postes du bilan. La définition du bénéfice imposable, au sens de l'article 38-2 du C.G.I., n'est autre, en effet, que la variation constatée entre deux bilans successifs, tandis que, par ailleurs, la solidarité des exercices provient de ce que le bilan de clôture d'un exercice devient le bilan d'ouverture de l'exercice suivant. », in COZIAN (M), « Les grands principes de la fiscalité des entreprises », op.cit, p.172. |
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