La théorie de la correction symétrique des bilans( Télécharger le fichier original )par Mohamed Ben Mahmoud faculté de droit et des sciences politiques de TUNIS - mastère en droit des affaires 2005 |
Paragraphe 2 : Les exceptions à l'intangibilitéL'intangibilité ne semble pas cependant avoir pour le service chargé du contrôle un caractère absolu. En ce sens, par exception à la règle du butoir que constitue le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit, le Conseil d'Etat considère que la correction symétrique des bilans peut affecter des exercices prescrits, lorsqu'il ont été déficitaires et que leurs déficits ont été reportés sur les bénéfices d'exercice non prescrit 266(*)(paragraphe 1). De même, l'intangibilité ne paraît pas susceptible d'effacer les insuffisances de déclaration résultant d'écritures volontairement irrégulières267(*) (paragraphe 2). A/. Le report déficitaireL'administration fiscale en Tunisie a admis, à travers ses prises de position268(*), l'application de la correction symétrique en cas de report déficitaire. En effet, cette application permet de remonter à tous les exercices qui dégagent des pertes reportables, même s'il s'agit d'exercices prescrits. Cependant, cette application ne peut donner lieu à aucune imposition au titre des exercices prescrits269(*). Par ailleurs, dans le cadre de la détermination de l'assiette de l'IS, le déficit270(*) subit pendant un exercice par une entreprise qui peut justifier la tenue d'une comptabilité régulière est considérée comme une charge de l'exercice suivant et déduit du bénéfice réalisé pendant le dit exercice. L'application de la théorie de la correction symétrique aux entreprises bénéficiaires du report déficitaire, implique lorsque l'Administration rectifie un bilan de clôture suite à un redressement, la rectification symétrique du bilan d'ouverture du contribuable. Cette rectification n'est possible qu'à la condition que le déficit ait fait l'objet d'un report sur un exercice non prescrit. Prenons à titre d'exemple271(*) le cas d'une société qui a réalisé les résultats suivants : - l'exercice de 2005 (premier exercice non prescrit) bénéfice de 10.000D. - l'exercice de 2004 (exercice prescrit) déficit d'un montant de 3000D. La société a procédé à l'inclusion dans les bénéfices de l'exercice 2005 des créances encaissées durant cet exercice mais acquises en 2004 (pour un montant de 2.000). Le résultat imposable après imputation de déficit de 2004 est donc 10.000-3.000 = 7.000D. Après application de la correction symétrique l'actif net de clôture de 2004 est augmenté de 3.000D (l'actif net d'ouverture étant intangible). Le déficit est donc limité à 1000D. L'actif net d'ouverture de 2005 est augmenté de 2000D: la différence des actifs nets de 2005 est réduite de 2000D soit 8.000D. Le résultat imposable après imputation du déficit (rectifié) de 2004 est égal à 8000-1000 = 7000D. D'après cet exemple nous pourrons déduire que toute rectification affectant la vérité des bilans a une incidence directe sur le montant du résultat imposable. En effet, lorsqu'un contribuable déclare un résultat déficitaire et qui par erreur a omis de comptabiliser certains produits, le résultat déclaré sera rectifié. Cette rectification peut aboutir soit à une minoration du montant du déficit déclaré soit à l'apparition d'un bénéfice. Supposons que dans l'exemple précédent, le montant des créances litigieuses est de 4000D, les conséquences de la correction symétrique seraient les suivantes : - Le déficit de 2004 serait supprimé et un bénéfice de 1000D lui serait substitué. - Le bénéfice de 2005 est réduit de 4000D soit le bénéfice imposable de 2005 est donc de 6000D (puisqu'il n'y a pas de report déficitaire). Il y a lieu de se demander si le contribuable qui, à l'issue d'une vérification, prétend avoir omis de comptabiliser certaines charges déductibles remontant à un exercice prescrit, peut demander que ces charges soient déduites des résultats du premier exercice vérifié non atteint par la prescription. L'Administration accepte mal la résurrection des charges couvertes par la prescription272(*). Il s'agit dans ce cas d'une décision de gestion opposable à l'Administration et au contribuable. Cette attitude de l'Administration fiscale s'explique par la crainte de voir augmenter le montant du déficit et par conséquent, minorer l'assiette imposable des exercices ultérieurs273(*). On peut, dés lors, comprendre que la correction d'erreurs effectuées au cours des exercices prescrits est impossible pour le contribuable. Par contre, l'Administration peut y procéder dés qu'il y a report déficitaire sur le premier exercice non prescrit274(*). De ce fait, la correction symétrique destinée à l'origine à éviter l'apparition de bénéfices fictifs a pu permettre d'imposer des recettes qui avaient leur origine dans des exercices prescrits. Cette application quelque peu défectueuse de la théorie de correction symétrique des bilans risque de rendre, le plus souvent, la gestion fiscale du déficit aléatoire. De plus, la plupart du temps, les rectifications apportées par l'Administration consistent en un rehaussement des résultats de l'exercice déclaré déficitaire. L'actif net de clôture de cet exercice sera le plus souvent augmenté. Une telle situation qui joue parfaitement au profit de l'Administration ramène les entreprises à renoncer à leur droit du report déficitaire afin d'exclure toute possibilité de vérification ouverte à l'Administration pour contester et remettre en cause l'existence du déficit allégué. * 266 C.E., 27 juillet 1979, n°11717 plén. : R.J.F. 11/79, n°639. Voir : LOUIT (C), « Décisions de gestion et erreurs comptables correction symétrique des bilans », op.cit, p.29. En ce sens, le conseil d'Etat a jugé que « la règle de la correction symétrique ne peut permettre la rectification des résultats d'un exercice prescrit sauf dans le cas où ceux-ci ont été déficitaires et où le contribuable ayant imputé le déficit sur les bénéfices imposables d'un exercice ultérieur non prescrit, a ainsi mis l'Administration à même de vérifier nonobstant la prescription l'existence et le montant réel dudit déficit », C.E., 28 janvier 1976 R.J.F., n°3, 1976, p.95 * 267 « Le bilan d'ouverture du premier exercice non prescrit ne peut pas être opposé à l'Administration, lorsque la surestimation de l'actif net résulte non d'une erreur, mais d'une décision délibérément irrégulière. Il demeure, néanmoins, opposable au contribuable », in Direction générale des impôts en France, « Précis de fiscalité », Inédit, 2003, n°1377. * 268 Prise de position DGELF 1085 du 13 mai 2000, Prise de position DGCF 661 du 10 juin 2000, Prise de position DGCF 662 du 10 juin 2000, Prise de position DGCF 664 du 10 juin 2000. * 269« Il est à signaler que la règle des corrections symétriques des bilans s'applique non seulement aux écritures des exercices non prescrits, mais également à celles des exercices prescrits dans la mesure où les résultats de ces derniers ont été déficitaires et où ces déficits ont été imputés sur les bénéfices imposables d'un exercice non prescrit. Dans ce cas, la remontée des corrections s'opère jusqu'au premier exercice dont les déficits sont reportés sur les résultats des exercices non prescrits mais ne donne lieu à aucune imposition au titre des exercices prescrits », Prise de position (30) du 10 janvier 2000, op.cit. p.39. * 270 « Le déficit fiscal est à distinguer du déficit comptable : alors que le déficit fiscal ne tient compte que des charges déductibles au sens de la législation fiscale, le déficit comptable tient compte de la totalité des charges supportées par l'entreprise indépendamment de leur caractères déductible ou non du point de vue fiscal », in FENDRI (K), KESSENTINI (M), KRAIM (S), « Autonomie et dépendance entre le droit fiscal et le nouveau droit comptable », op.cit, p.80. * 271 Exemple inspiré de FAKHFAKH (N), « Le déficit fiscal », mémoire de D.E.A., faculté de droit de Sfax, 1998-1999, p. 141. * 272 C.E., 20 Octobre 1982, req. n°22203, D.F., 1983, n°6, com. 204, arrêt cité par COZIAN (M), « Les grands principes de la fiscalité des entreprises », op.cit, p.175. * 273 FAKHFAKH (N), « Le déficit fiscal », mémoire de D.E.A., faculté de droit de Sfax, 1998-1999, p. 137. * 274 AULANIER-FURDERER (O), « La gestion fiscale des déficits de la société », Thèse, Université de Bourgogne, 1987, p.49. |
|