La théorie de la correction symétrique des bilans( Télécharger le fichier original )par Mohamed Ben Mahmoud faculté de droit et des sciences politiques de TUNIS - mastère en droit des affaires 2005 |
B/. La prescription : limite du droit de repriseLa prescription du droit de reprise213(*), étant le délai à l'expiration duquel l'Administration perd le droit de réclamer à un contribuable une dette fiscale214(*), constitue une garantie accordée au contribuable contre des remises en cause illimitées, inopportunes ou encore malvenues de ses situations fiscales. De ce fait, le législateur est intervenu pour limiter cette action dans le temps215(*), de telle sorte que l'Administration ne puisse exercer son droit de reprise que dans les délais fixés par la législation. A l'expiration de ces délais, il est interdit à l'Administration d'établir des impositions ; la prescription est « acquise au contribuable », 216(*) elle équivaut au paiement de l'impôt.
a- Les délais de repriseLes délais de reprise217(*)prévus par la législation antérieure ont été étendus par le CDPF. En effet, le délai de reprise des omissions partielles218(*), qui était de trois ans dans l'ancienne législation219(*), est, désormais, devenu quatre ans dans l'article 19 du CDPF220(*). L'évolution du droit français en la matière a été vers la réduction des délais de reprise de l'Administration. A cet égard, l'article 18 de la loi du 11 Juillet 1986 a fixé à trois ans les délais de reprise en matière d'impôt sur le revenu221(*). Le point de départ du délai de prescription a passé de l'ambiguïté à la précision. En ce sens, les omissions constatées dans l'assiette, les taux ou la liquidation des impôts déclarés peuvent être réparés jusqu'à la fin de la quatrième année suivant celle au cours de laquelle sont réalisés les bénéfices, le revenu, le chiffre d'affaire, l'encaissement des sommes ou toutes autres opérations donnant lieu à l'exigibilité de l'impôt. Le droit fiscal n'a pas retenu ce principe pour absolu. Si la prescription a, en principe, pour effet d'éteindre l'obligation fiscale, et donc d'empêcher l'Administration d'exercer son droit de reprise sur les années couvertes par la prescription, il existe des cas où la prescription n'est pas opposable à l'Administration fiscale. b- L'inopposabilité de la prescription à l'exercice du droit de vérificationLes délais de prescription ne concernent que le droit de reprise. Ils sont inopposables à l'exercice du droit de vérification dont dispose l'Administration222(*). C'est ce que M. SCHMIDT désigne par le « droit à la connaissance de l'Administration sur le passé prescrit de l'entreprise » 223(*). Vue la nécessité de déterminer l'impôt sur des bases réelles224(*), l'article 26 du CDFF225(*), considère que l'expiration des délais de prescription, prévus par les articles 19 et 20 du même code, n'empêche pas l'Administration de vérifier les périodes prescrites lorsqu'elles ont une incidence sur les résultats d'une opération ultérieure non couverte par la prescription. Il en est ainsi de la vérification du report des déficits226(*) ou des amortissements réputés différés en périodes déficitaires227(*) sur le résultat d'un exercice non prescrit. C'est, aussi, le cas lorsque le contrôle tend à vérifier le report, sur un exercice non prescrit, d'un crédit d'impôt228(*) provenant d'une période prescrite229(*). L'utilisation du terme « notamment » dans l'article 26 montre qu'il ne s'agit pas là d'une énumération limitative mais de simples exemples illustratifs. Par conséquent, l'Administration est en droit de recourir à cette disposition pour vérifier le bien fondé d'une provision provenant d'un exercice prescrit. Toutefois, il faut remarquer que cette possibilité n'était pas prévue par la charte du contribuable. Face à ce pouvoir exorbitant de l'Administration, l'initiative dont bénéficie le contribuable doit constituer un véritable contrepoids et concrétiser la garantie de demander l'application de la théorie de la correction symétrique des bilans. Ce constat est- il vérifiable en pratique ? * 213 A cet égard, les règles relatives à la prescription sont liées au bien-fondé de l'imposition et non à la régularité de la procédure d'imposition, dans la mesure où elles portent sur l'exigibilité de la dette fiscale. Ces règles ne constituent pas une question d'ordre public. Par voie de conséquence, le juge ne peut pas s'en saisir d'office. Voir : CASIMIR (J-P), « Le code annoté des procédures fiscales », Paris, GRF, 1998, p.281. Le T.A a décidé que « la prescription n'est pas d'ordre public et qu'elle ne peu, par conséquent, être invoquée pour la première fois en cassation », T.A, arrêt du 2-11-1998(inédit), T.A, arrêt du 18-10-1999 (inédit). * 214« L'objet de la prescription est de cristalliser des rapports juridiques incertains », in DOUET (F), « Contribution à l'étude de la sécurité fiscale en droit fiscal interne français », Paris, LGDJ, 1997, p.27. * 215 DRIRA (T), « La vérification fiscale », mémoire de D.E.A., faculté de droit de Sfax, 2002-2003, p.57. Voir sur cette question : LTIFI (H), « La protection du contribuable en matière de contrôle fiscal », mémoire de D.E.A., faculté des sciences juridiques politiques et sociales de Tunis, 1998, p.19 à 33. * 216 ABOUDA (A), « CDPF : contrôle, contentieux et sanctions », op.cit., p.67. * 217 « L'édiction de courts délais de reprise est une implication de la sécurité fiscale. Ce postulat vise à ce que la situation du contribuable ne soit pas instable indéfiniment », in MRABET (M-F), « La vérification et la sécurité fiscale du contribuable », op.cit, p. 21. * 218 Dans le cadre de la correction symétrique on exige qu'il y ait déclaration. * 219 Voir : TA. Cass. 13 juillet 1998, Société SAKKA/ D.G.I. (inédit). * 220 Ainsi par exemple, en matière d'impôt sur le revenu, la déclaration des revenus de 2001 peut être rectifiée (ou redressée par l'Administration) jusqu'au 31/12/2004 inclusivement. A l'expiration du délai, aucun redressement ne peut donc être poursuivi et la prescription est acquise au contribuable. * 221 Article L.169 du LPF. * 222 La prescription ne confère à son titulaire qu'une immunité relative puisqu'elle « n'a d'autre effet que de figer les résultats des exercices qu'elle atteint ; elle ne confère, en revanche, aucune immunité pour l'avenir aux mentions comptables non fondées trouvant leur origine dans ces exercice prescrits mais reconduites depuis lors », C.E., 12 février 1975, concl. FABRE, req. 87752, D.F., 1975, n°11, comm. 398. Voir : C.E., 6-3-1981, R.J.F. n°5. CAA Bordeaux, 28 décembre 1993, req.93-297. Et Tr. 1ère inst. Tunis, affaire n°219 du 4-7-2002 ;( Houasse) * 223 SCHMIDT (J), « Les principes fondamentaux du droit fiscal », Paris, Dalloz, 1992, p.80. * 224 BEN DEYA (R), « Les garanties du contribuable lors de la vérification fiscale », mémoire, faculté des sciences juridiques, politiques et sociales, 2003-2004, p.54. * 225 Cette possibilité n'est pas une nouveauté du CDPF, elle a été prévue dans la charte du contribuable. Voir la Charte du contribuable- chapitre 1 : Déclenchement de la vérification. * 226 Pour les déficits, voir l'art 8 al 3 du CIRPP et de l'IS. * 227 Art 12-2 et 48 I du CIRPP et de l'IS. * 228 Art 54 I-2 du CIRPP et de l'IS * 229 Art 26 du CDPF dispose que « Nonobstant les délais prévus par les articles 19 et 20 du présent code, le contrôle peut porter sur des période s prescrites ayant une incidence sur l'assiette ou le montant de l'impôt dû au titre des périodes non prescrites, et ce, notamment par l'imputation de déficits reportés, amortissements différés ou de crédit d'impôt. » |
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