V.3. LES LIMITES ET LES PERSPECTIVES
Au terme de tout travail de recherche, le
chercheur relève à la fois les points forts au sujet desquels il
marque sa satisfaction, et les points faibles pour lesquels il faudrait
envisager des perspectives d'amélioration. Les points faibles d'une
étude constituent les limites de l'étude qui, pour le cas
présent peuvent être situés d'une part au niveau de la
conception générale de l'étude, et d'autre part au niveau
de la conduite des enquêtes sur le terrain. Ces observations permettent
ainsi d'envisager plus clairement les modes de saisie et de mesure de la
compétence interculturelle.
V.3.1. La conception générale de
l'étude
Les limites de l'étude perçues
essentiellement au niveau de la conception générale de
l'étude comme des insuffisances qui en limitent la portée
relèvent de la considération essentiellement langagière de
l'interculturel, de la considération essentiellement littéraire
des données mesurées en terme d'interculturel dans l'instrument
de recherche et le relevé des composantes de l'interculturel dans trois
oeuvres littéraires seulement.
La notion d'interculturel dans cette étude a
été réduite essentiellement au fait langagier alors que le
culturel par essence est large, assez large même. Elle concerne à
la fois la littérature, les comportements langagiers, les us et
coutumes, les habitudes alimentaires, l'art et la religion, l'accoutrement,
l'habitat, etc. De même, la limitation du culturel au langagier a
orienté les recherches vers les oeuvres littéraires, moyen le
plus facile de les repérer et de les mesurer dans un temps très
limité. Enfin, l'exploitation des oeuvres littéraires a
été limitée à trois seulement, réduisant une
fois de plus l'étendue et la portée de l'étude.
V.3.2. La conduite des enquêtes
Pour ce qui est des investigations sur le
terrain, trois limites ont été perçues, à savoir la
difficulté pour les enseignants à percevoir la
nécessité même de la recherche, leur indisponibilité
réelle ou fausse pour répondre au questionnaire et enfin leur
susceptibilité. D'emblée, beaucoup d'enseignants ne savent pas
à quoi sert la recherche. Par conséquent, ils ne
s'intéressent pas à tout ce qui relève de ce domaine. Ce
désintérêt se manifeste concrètement par les
difficultés qu'on a à distribuer et à
récupérer l'instrument de recherche. Pour cela, ils donnent des
rendez-vous à vous pousser au découragement.
Par ailleurs, quand les enseignants ne sont pas
désintéressés et indisponibles, ils vous passent à
un interrogatoire serré pour savoir s'il n'y a pas un but caché
à votre étude, et surtout si ce n'est pas une sorte d'inspection
ou d'évaluation à laquelle ils sont soumis. Dès lors, les
rendez-vous sont aussi multipliés à l'infini à des fins de
découragement, révélant ainsi de la part des enseignants
un état d'esprit réfractaire à l'innovation
pédagogique et donc à l'amélioration de la qualité
de l'éducation.
V.3.3. Une meilleure saisie de la compétence
interculturelle
La saisie de l'interculturel à partir
des cultures dominantes par leur visibilité et en
particulier à partir de tous les phénomènes
spécifiques qui les caractérisent ou les constituent permettrait
de mieux l'apprécier à travers plusieurs modes de vie appartenant
à plusieurs peuples ou communautés humaines. Mais aussi, il
faudra tenir compte des cultures invisibles.
C'est dire qu'il faudrait pour plus
d'opérationnalité, saisir l'interculturel à partir des
éléments constitutifs des « cultures
anthropologiques » (Abdallah-Pretceille et
al ; 1996 : 27) que sont entre autres les us et coutumes, les
manières de s'habiller, les croyances, les manières de table, les
mets, l'art, la littérature. Il faudra aussi tenir compte de la
« culture
cultivée » (Oliviéri ;
1996 : 8) ou culture liée à la fois aux domaines de
connaissances nouveaux et aux valeurs humaines fondamentales et
« des cultures
médiatiques » (Banerjee et al ;
1996,70) ou cultures prises entre les exigences des diffusions internationales
et transnationales du village global et celles des cultures de
proximité. Il faudra enfin tenir compte des
« cultures managériales »
(Delamotte et al ; 1996,99) ou cultures de l'univers professionnel avec la
logique du « business is business » et des
« cultures invisibles » (Porcher
et al ; 1996, 123) ou cultures liées aux goûts
étranges, aux passions, aux tendances à
l'ésotérique, au rêve, au surnaturel et au spirituel.
Ainsi, au lieu de procéder essentiellement par
questionnaire, le chercheur devra définir dans le cadre d'une recherche
à la fois théorique et empirique, une grille qui permettra de
faire des observations qualitatives et
quantitatives sur les modes de vie des individus et des
collectivités. Ces modes de vie constitués en modèles sont
à la fois des « comportements
généralisés, standardisés et
régularisés qui servent de guide pour distinguer dans la
société ce qui est conduite admissible de ce qui ne l'est
pas » (Rocher, 1969 : 79-80). La grille
quantitative correspondrait à la tension des études
interculturelles « vers une phase
« objective » [...], leur développement »
(Ouellet, 1983 :55).
V.3.4. Une mesure plus réelle de la
compétence interculturelle
A priori, l'observation associée au
questionnaire reste le meilleur moyen de saisie de la réalité
culturelle ou interculturelle, car soit on en parle toujours un peu trop, soit
on n'en parle pas assez, soit on est incapable d'en parler. La grille
ci-dessous esquissée est une base de travail pouvant permettre
d'entrevoir à propos un début de solution.
Tableau n°16 : Esquisse d'une grille de
mesure de la culture
Degré de manifestation
Composantes culturelles
|
Constituants
|
0.
|
1.
|
2.
|
3.
|
4.
|
5.
|
Cultures anthropologiques
|
Us et coutumes
|
|
|
|
|
|
|
Croyances
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|
|
|
|
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Arts
|
|
|
|
|
|
|
Littérature
|
|
|
|
|
|
|
Mets
|
|
|
|
|
|
|
Accoutrement
|
|
|
|
|
|
|
Sentiments
|
|
|
|
|
|
|
Pensées
|
|
|
|
|
|
|
Cultures cultivées
|
Connaissances dans les nouveaux domaines
|
|
|
|
|
|
|
Valeurs humaines universelles
|
|
|
|
|
|
|
Cultures
médiatiques
|
Informations globales et transnationales
|
|
|
|
|
|
|
Cultures de proximité
|
|
|
|
|
|
|
Cultures
managériales
|
Style dictatorial
|
|
|
|
|
|
|
Style démocrate
|
|
|
|
|
|
|
Intérêt individuel
|
|
|
|
|
|
|
Intérêt collectif
|
|
|
|
|
|
|
Cultures invisibles
|
Etrangeté
|
|
|
|
|
|
|
Passions
|
|
|
|
|
|
|
Rêves
|
|
|
|
|
|
|
Spirituel
|
|
|
|
|
|
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Améliorée et associée à des
questionnaires et tests préalablement conçus, cette grille peut
bien permettre de mesurer et de calibrer les faits culturels et interculturels
pour aboutir à des propositions judicieuses devant améliorer les
situations éducatives les plus variées.
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