II.2.6. La méthodologie interculturelle de
Rittau
Dans le cadre d'une thèse de doctorat
soutenue en sciences de langage à l'Université de Strasbourg 2,
Rittau (2001) explore les multiples manifestations de la diversité
culturelle et analyse leur impact sur l'acquisition d'une compétence
interculturelle par l'apprenant. Ce faisant, elle axe son étude sur les
contenus de l'approche culturelle de l'enseignement universitaire,
privilégiant à cet effet dix-sept rubriques appartenant au
socioculturel à savoir le repas, le vin et la bière,
l'aménagement intérieur, les rues, l'emballage, la
publicité, la voiture, la télévision, le journal, le
livre, la peinture, la musique, le symbole, la région, le paysage,
l'Europe, l'eau.
A partir d'une méthodologie
interculturelle et donc sémiologique à
angles de vue multiples, les différentes rubriques sont
analysées de trois points de vue : littéraire par
l'intermédiaire de courts extraits, visuel (représentation
photographique) et actuel à base de publications récentes et
articles pris dans les médias. Toutes les présentations sont
réalisées en double face allemande et française. Rittau a
appliqué son étude au champ franco-allemand et a ainsi le
mérite de l'avoir menée sur les trois plans
fondamentaux que sont le littéraire, le visuel et
l'actualité. C'est sûrement sur la base de tels travaux que
Marmoz a fait le point de la recherche interculturelle.
II.2.7. La recherche interculturelle d'après
Marmoz
Dans l'ouvrage L'interculturel en
questions. L'autre, la culture et l'éducation, dont il coordonne la
publication avec Derrij, ouvrage qu'ils conçoivent à la fois
comme étant une suite au Colloque de l'AFIRSE (Rabat 1997) qui portait
sur le thème « Education : Identité,
altération et relations interculturelles » et une
introduction à celui de Natal (2001) dont le thème était
« Hétérogénéité, culture et
éducation », Marmoz (2001: 41) livre sa pensée
dans un article intitulé «La recherche
interculturelle : exploitation, pédagogie ou
coopération ?».
Dans un premier temps, l'ouvrage met en exergue l'importance
de la puissance des uns et des autres et la complexité des relations
culturelles qu'on ne saurait réduire à la langue de communication
ou aux réalités pédagogiques en faisant fi de leur
dimension politique. Puis, il définit les grandes lignes de la recherche
interculturelle dont les champs de prédilection sont clairs : les
cultures et leurs frontières, leurs lignes d'évolution,
l'importation/exportation de biens marchands, les idées et pratiques de
traduction, la reconnaissance, les rencontres entre porteurs de codes
culturels, ...
Au regard de la synthèse des études
menées dans le cadre du Conseil de l'Europe en vue de définir une
citoyenneté européenne et des résultats des travaux
menés dans le cadre de la coopération interuniversitaire
France-Portugal et France-Brésil au niveau des programmes
d'échanges, Marmoz conclut que l'interculturel est un
marché, ceci à cause des principes régulateurs de
son fonctionnement. Il cite à propos Abdallah-Pretceille (1996 :26)
qui dit que « l'interculturel, c'est la circulation, le partage,
l'enrichissement par les différences » ,
c'est-à-dire un cadre d'échange caractérisé
par des rapports de force et de domination. Cette idée, Ladmirail et
Lipiansky la renforcent quand ils disent que ce marché,
« volontariste dans un monde
inégalitaire », régulé par le respect et le
droit à la différence, « définit moins un
champ comparatif [...] qu'un champ interactif, où l'on s'interroge sur
les relations qui s'instaurent entre groupes culturellement
identifiés » (1989 :10), un lieu naturel
d'échanges où le commerce, mieux la communication entre
partenaires est évidente. Et Camilleri et Vinsonneau de conclure que
« l'interculturel désigne alors une attitude
générale : veiller à ce que la différence
culturelle, partout où elle se rencontre, ouvre à la
communication au lieu de se convertir en barrière »
(1996 :78)
Ensuite, Marmoz (2001) établit dès lors que pour
que la communication, l'échange, l'interaction, la compréhension
comme fins du langage et du partage interculturel soient réels et
opérationnels, ils doivent se définir par trois pistes qui
constituent simultanément les lignes forces de l'interrogation de la
quête ou de la recherche interculturelle à savoir la
pédagogie, l'exploitation et la co-opération.
La pédagogie dans le cadre de la
recherche interculturelle est faite du désir de se former et de celui de
former l'autre, désir conçu comme un a priori pédagogique
en dehors de toute neutralisation ou péjoration évidentes de la
différence. En effet, il s'agit d'une rationalisation de
l'hétérogénéité culturelle qui, dans un
contexte de pluralisme culturel, favorise la formation et l'assimilation des
minorités à la culture dominante (Furter, 1983). Seulement,
les contradictions, les déchirements et autres réactions qui
caractérisent une société dont
l'hétéroculture est une situation de dualisme culturel
fondé sur deux sources antagonistes que sont les cultures autochtone ou
allochtone sont à déplorer. Face à cette situation et
à l'échec, des mécanismes intégrateurs en vue
d'assimiler la nouveauté comme la tentative de
« nationalisation culturelle » (Poirier, 1978) sont
développés. Bien à propos, l'africanisation des
anthroponymes et des toponymes est citée en exemple. Cette
nationalisation pourrait aussi expliquer pour une part le français
langue africaine dont une justification toute aussi culturelle ou
interculturelle est l'impossibilité pour le français de permettre
une traduction fidèle de certaines réalités africaines.
Pour ce qui est de l'exploitation de l'autre
en situation d'hétéroculture ou de métissage culturel,
elle relève du fait que l'interculturel étant un
marché, les partenaires sont à tout moment en
situation de négociation et de transaction. Par conséquent, la
connaissance de l'autre et l'altérité deviennent des
prétextes pour obtenir de lui ce qu'on n'a pas et de valoriser ce qu'on
a et qu'il n'a pas. Une telle négociation, aussi complexe qu'elle soit,
ne peut fonctionner à merveille que si certains préalables sont
remplis. Et Abdallah-Pretceille et Porcher (1996 :26) de préciser
que
la capacité de négociation suppose que
l'on considère l'Autre comme un partenaire, c'est-à-dire comme un
égal, un prestataire de services. La transaction est devenue la conduite
quotidienne ordinaire, qui va de soi.
Malheureusement, l'égalité n'étant que
pure fiction, la culture dominante prendra toujours le pas sur la culture
dominée, ce qui crée évidemment une situation
d'exploitation. Car, comme le dit si bien Demorgon,
l'idéalisme de la différence enrichissante
n'est que l'envers du réalisme de la différence qui me distingue
avantageusement de l'autre. L'envers en apparence seulement. En effet, dans
le premier cas, la différence propre à l'autre
m'intéresse, mais c'est pour me l'ajouter et me revaloriser
grâce à cet acquis. Dans le second cas, la différence
qui m'est propre me valorise contre l'autre dans la mesure où
elle est quelque chose qui lui manque. Ainsi, en fait, dans les deux cas, je
suis gagnant, c'est toujours ma supériorité qui s'affirme
(1989 :82).
Enfin, la co-opération dans le domaine
interculturel signifie que les cultures sont considérées sur le
même pied d'égalité. Par conséquent,
co-opération devient construction ensemble, travail en partenariat dans
de projets communs où les identités propres des peuples sont
respectées et sauvegardées, même si les transformations et
les mutations sont inévitables. Tels sont les grands axes de la
pensée de Marmoz qui s'intéresse à la recherche
interculturelle en général, sans insistance particulière
sur les pratiques didactiques en salle de classe. Seuls les grands projets de
coopération et d'échange interuniversitaires entre pays ont
retenu son attention. Pourtant, en guise de conclusion à l'ouvrage
collectif qui contient sa pensée qui est ci-dessus
résumée (Marmoz et Derrij, 2001), Mialaret propose une
démarche pédagogique de l'interculturel.
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