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Compétence interculturelle et efficacité de l'action didactique en classe de langue

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par Albert Etienne Temkeng
Chaire UNESCO pour l'Afrique centrale en Sciences de l'éducation, Université Mariem Ngouabi, ENS de Yaoundé - DEA des Sciences de l'éducation 1987
  

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II.2.5. La démarche interculturelle d'Amor Séoud

Axée sur l'analyse et l'exploitation du texte littéraire en particulier et du discours en général, la démarche interculturelle est une réflexion que Séoud (1997) présente dans son ouvrage intitulé Pour une didactique du texte littéraire et qu'il partage avec plusieurs didacticiens parmi lesquels Collès (1992) et Charaudeau (1987). Cette démarche qu'il nomme par ailleurs pédagogie interculturelle s'inscrit dans l'optique d'une méthodologie éclectique dont la nécessité se justifie par le fait que (1997:137)

le plaisir n'est pas le seul enjeu de la reconnaissance-découverte de soi en lecture : la conscience d'une identité aussi. C'est pourquoi il importe d'inscrire dans notre perspective didactique, aussi bien en F.L.E. qu'en FLM, un passage par ce qui s'appelle aujourd'hui l'interculturel. Mais on se doute bien que, en réalité, il s'agira là rien moins que d'un passage obligé.

La démarche interculturelle est ainsi un passage obligé pour la didactique du texte littéraire ou du discours à cause de la dimension anthropologique des textes. Cette dernière constitue une voie d'accès privilégié aux modèles culturels. Une telle démarche concerne à la fois le fond et la forme des textes et évoque la fonction sociale de la littérature, fonction qui figure sa dimension représentative des références culturelles d'une communauté et partant son important rôle intégratif et identitaire. Par ailleurs, Séoud pense que la complexité des problèmes identitaires au lieu d'entamer l'intérêt didactique qui leur est porté aujourd'hui, permet plutôt d'établir un lien étroit entre l'école et la vie, un lien qui se joue dans la réalité. C'est pour cette raison qu'

il faut avoir déjà conscience que l'interculturel est un passage obligé parce qu'aussi, à y regarder de plus près, tout rapport avec le texte est dans son essence interculturel, en F.L.E. mais également en F.L.M, compte tenu évidemment de la « pluralité » culturelle, de la multiplicité des croisements culturels, caractéristiques de la civilisation d'aujourd'hui et même, par-delà cette pluralité et cette multiplicité (Séoud, 1997 :137).

D'aucuns pourraient ainsi croire que la démarche interculturelle relève essentiellement de l'actualité au regard des exigences vitales que crée en nous la mondialisation et ses contingences. Que non ! Elle est une nécessité millénaire, car le rapport de l'homme au texte existe et a existé depuis l'aube des temps, dès que l'homme a commencé à communiquer avec ses semblables. Dans ce sens et parce qu'elle aide à cerner l'altérité, c'est-à-dire les manières par lesquelles les interlocuteurs expriment leurs pensées, leurs émotions, bref leur vision du monde, l'analyse textuelle

est par définition interculturelle, puisque même si l'on reste dans une culture de départ, elle nous invite à rendre visible une mémoire et une identité, enfouies sous l'éphémère identité du présent (Bertrand , 1993 :53) .

La démarche interculturelle fait de l'Autre un miroir pour soi et de soi un miroir pour l'Autre. En effet, grâce à sa position d'extériorité (Bakhtine, 1984) que Todorov (1989) traduit par exotopie, seul l'Autre peut nous voir dans notre totalité, seul l'Autre peut nous permettre de nous voir dans notre totalité. De la même façon, c'est cette position qui permet de voir l'Autre dans sa totalité. Ainsi, la culture étrangère a besoin de la culture maternelle pour s'élucider et vice-versa. Et Bakhtine (1984 : 140) de préciser que

dans le domaine de la culture, l'exotopie est le moteur le plus puissant de la compréhension. Une culture étrangère ne se révèle dans sa complétude et dans sa profondeur qu'au regard d'une autre culture (et elle ne se livre pas dans toute sa plénitude car d'autres cultures viendront qui verront et comprendront davantage encore). Un sens se révèle dans sa profondeur pour avoir rencontré et s'être frotté à un autre sens, à un sens étranger : entre les deux s'instaure comme un dialogue qui a raison du caractère clos et univoque, inhérent au sens et à la culture pris isolément.

Cette démarche théorique montre à suffisance qu'une situation sociale de métissage culturel ou une situation sociale multiculturelle entraîne automatiquement une méthodologie interculturelle. Et Séoud conclut qu' « ainsi la question, sociale, du multiculturel, entraîne la question, pédagogique de l'interculturel» (1997 :149). Cette méthodologie, au regard de la civilisation mondiale, mondialisée ou transfrontalière qu `elle implique, permet bien d'aborder les nouvelles écritures africaines quel que soit leur degré de polyculturalité, de multiculturalité, de métissage culturel ou de pluralité culturelle.

Pratiquement, la pédagogie interculturelle de Séoud a trois étapes :

- la comparaison à travers un croisement de regards et une combinaison de possibles multipliés à souhait,

- la distanciation ou décentrement ou encore décentration à travers une attitude objective qui implique critique pour la découverte des valeurs de cultures autres,

- la compréhension empathique qui permet de comprendre l'autre en se mettant au besoin à sa place.

Telles sont les grandes lignes de la pédagogie interculturelle, démarche

rendue possible grâce à la confrontation, à la comparaison avec d'autres sujets, d'autres cultures. Ainsi l'éducation interculturelle est faite de va-et-vient entre l'autre et soi, d'un « jeu alterné ou cumulé d'identification ou de distanciation », [...] , d'un jeu, finalement,où le « je » est un autre, tout en étant mieux que jamais soi-même (Séoud,1997 :148).

Tout en étant définie pour enseigner la littérature, la démarche interculturelle semble négliger un tout petit peu le texte en lui-même, bien que Séoud parle d'une pédagogie axée à la fois sur la forme et le fond du texte. Comment confronter les faits sans accorder au préalable une place à la lecture et à l'analyse formelle et profonde des textes ? La focalisation sur la comparaison des données culturelles qui sont pour la plupart du domaine du symbolique, avec croisements de regards, ne peut se faire de manière objective que si elle prend appui sur les faits de langue, ces derniers constituant sinon la voie royale, du moins un des moyens primordiaux par lesquels la culture est véhiculée. La découverte objective des propriétés culturelles ne saurait d'emblée être le fruit de l'impressionnisme. De même, la place et les aptitudes de l'enseignant ne sont pas clairement définies. Autant de lacunes qui pourraient être corrigées par d'autres démarches parmi lesquelles la méthodologie interculturelle de Rittau.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote