II.2.4. La sémio-didactique de
Gourmelin-Berchoud
Proposée dans le cadre d'une
pédagogie d'intégration culturelle pour la didactique des
langues, la sémio-didactique de Gourmelin-Berchoud
(1996 :152) se situe à contre courant des
préoccupations des tenants de l'utilisation mécanique des
méthodes d'enseignement des langues. Egalement opposée aux
préoccupations des spécialistes des démarches
pédagogiques ethno/ego-centristes naturelles, la sémio-didactique
est
une didactique qui se forge à partir de la
découverte de l'ensemble signifiant qu'est le contexte culturel et
institutionnel dans lequel elle intervient. [...] Cette sémio-didactique
se forge, ou plutôt elle est forgée par l'enseignant et ses
élèves. Plaçons-nous dans l'ici-maintenant d'une classe de
façon à faire que ce contexte soit un, ait l'unité qui lui
fait défaut de par (selon les cas) la variété des
origines des élèves ou le brouillage culturel résultant
des interactions entre culture(s) d'origine et culture mondialisée issue
de l'Occident.
Ainsi définie, la
sémio-didactique considère l'enseignant,
fortement impliqué dans la démarche méthodologique qui
n'est pas une démarche mécanique, comme un
analyste-concepteur-adaptateur dont le rôle est d'analyser la situation
d'enseignement/apprentissage, les savoirs à acquérir et les
éventuels difficultés des apprenants afin de concevoir les
contenus d'enseignement pour leur adapter les méthodes et manuels
appropriés. Le processus d'apprentissage de la langue
étrangère qui s'origine au contact de l'enseignant avec les
apprenants, leurs milieux culturels et institutionnels, devient, comme le
pensent Bautier et Hébrard (1980) cités par Gourmelin- Berchoud
(1996 : 153), « pour une part, rejouer son rapport au monde
et au langage, ré-expérimenter ses stratégies
relationnelles et cognitives originelles».
Au total, la démarche sémio-didactique
s'établit en trois phases ou temps :
- le temps de la reconnaissance des identités
respectives,
- le temps de la négociation explicite et
implicite du cadre et des positions respectives,
- le temps de l'appréciation des contraintes et
enjeux et de l'accommodation au contexte.
Le premier temps est celui qui permet de
négocier et de reconnaître les identités individuelles et
collectives décrites à travers la peinture de lieux, la
symbolisation de l'espace, de petites histoires racontées, les us et
coutumes, bref la culture dite, mimée et jouée à laquelle
on donne une ampleur plus réelle. Le deuxième
temps est celui qui permet de déterminer ou de limiter l'espace
scolaire, l'espace matériel et immatériel de la
négociation qui est un espace interculturel, et le réseau de
positions, de significations et des ressentis. Enfin, le
troisième temps est celui qui permet d'apprécier les
contraintes liées aux fractures et complexités de la
réalité sociale dans le groupe classe et à celles de
l'institution, ainsi que les enjeux socio-politico-économiques et
intellectuels personnels et collectifs de l'apprentissage. Avec l'association
réussie de ces trois temps agencées dans la singularité
de chaque classe de langue, Gourmelin-Berchoud (1996:158) pense que
« s'envole l'illusion de la classe-type et l'espoir d'une
didactique univoque », donnant ainsi
aux « interactants » langagiers la
capacité à « assumer la complexité du
vivant ».
Le fait que la sémio-didactique de
Gourmelin-Berchoud embrasse et interroge le signe dans toute sa
complexité et ceci en rapport avec les identités de toutes les
composantes du groupe classe est largement positif pour matérialiser
l'aspect sémiologique de la démarche. Pourtant, on ne saurait
afficher un triomphalisme exagéré, les raisons de cette
hésitation provenant du fait que même si les procédures
adoptées créent l'espoir d'une méthode totale, elles
rendent en même temps les leçons un peu trop abstraites. En effet,
la reconnaissance des identités ne peut en aucun cas se faire tous les
jours ou au début de toutes les leçons, et encore moins toute
l'année. Prioritairement, elle pourrait être une phase de
leçon pour débutants, mais difficilement pour des apprenants
ayant un niveau avancé, ce qui rend difficile sa
systématisation.
Par ailleurs, aucune insistance n'est faite sur les contenus
d'enseignement, ce qui rend les leçons à la fois superficielles
et autrement aléatoires. Toutes ces lacunes peuvent peut-être se
justifier par le fait que Gourmelin-Berchoud n'a dessiné que des pistes
pour une démarche à affiner et à parfaire plus tard.
Peut-être que de telles lacunes pourraient être comblées
dans la démarche plus systématique que propose Amor
Séoud.
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