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Compétence interculturelle et efficacité de l'action didactique en classe de langue

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par Albert Etienne Temkeng
Chaire UNESCO pour l'Afrique centrale en Sciences de l'éducation, Université Mariem Ngouabi, ENS de Yaoundé - DEA des Sciences de l'éducation 1987
  

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II.2.3. La pédagogie interculturelle d'Abdelwaheb Allouche

Introduisant le 30 octobre 1929 une série d'articles sur la crise du français à Genève, Robert de Traz (Bronckart, 1984 :6) constate, parlant du langage des enfants, qu' « ils parlent un effroyable charabia, mêlé d'argot genevois, d'argot parisien, de termes impropres, de termes fabriqués par eux-mêmes ». Pour lui comme pour Abdelwaheb Allouche (1984), les difficultés d'expression des enfants couvent deux faits fondamentalement liés. D'une part, il s'agit du malaise de l'enseignement du français qui doit prendre en compte une trop grande diversité de finalités à la fois vagues et parfois contradictoires parmi lesquelles l'acquisition de la grammaire traditionnelle, le maintien et la reproduction d'une langue littéraire stabilisée, le développement du raisonnement logique et l'unification des parlers vers un seul système orthographique, et d'autre part, le désarroi des locuteurs face à une langue fermée sur les modèles édictés par la société française.

Ainsi, tout en se demandant « Et si la grammaire était inutile ? », De Traz (Bronckart, 1984 : 14) constate que « dans sa forme traditionnelle en effet, la grammaire ne peut constituer un bon instrument au service de la pensée, ni dans ses aspects cognitifs, ni dans ses aspects culturels ». Et pour cause, elle animerait « l'utopie de la langue française, une, éternelle, idéale et donc soustraite aux lois du changement » (Bronckart, 1984 : 9). C'est donc au terme d'une étude menée sur les enfants d'immigrés maghrébins à Paris et dans le but de définir une démarche de conciliation prenant effectivement en compte les différences culturelles des élèves étrangers qui ne doivent plus être considérés comme des corps étrangers souvent refoulés de la société française que Abdelwaheb Allouche propose la pédagogie interculturelle.

Pour poser « La problématique de l'enseignement des langues et des cultures d'origine aux enfants d'immigrés maghrébins : l'exemple de la banlieue parisienne », Abdelwaheb Allouche part du constat selon lequel

pour que l'idéologie de l'égalité des chances joue sans l'ombre d'un doute, l'école a fait comme si la seule famille est le système scolaire et que le chronomètre s'est mis à marcher lorsque l'enfant a porté son tablier ou a pris le chemin de l'école. Les influences extrascolaires et l'identité première - surtout la langue maternelle - sont mises au vestiaire car elles sont considérées comme sources d'interférence (1984 : 45) .

Conçue dans l'optique d'un processus qui « essaie de prendre en considération les situations linguistiques provoquées par la transplantation, et de valoriser les cultures d'origine des enfants immigrés » (p. 43), la pédagogie interculturelle remet en cause l'une des missions fondamentales de l'école, la finalité constituée de ses visées uniformisantes. Orientée vers « la conciliation recherchée avec la socialisation première de l'enfant par la réappropriation de la langue maternelle et la valorisation identitaire» (p.46), cette visée axe son action dans deux directions :

- l'apprentissage des langues d'origine dans le cadre d'un cours intégré à l'enseignement habituel,

- une animation socioculturelle basée sur la découverte ou la redécouverte des pays d'origine des immigrés (Abdelwaheb Allouche, 1984 :44).

Telle que décrite, la pédagogie interculturelle, parce que appliquée ou réservée aux seuls immigrés portugais et arabes, valorise essentiellement les langues d'origine ou maternelles qui jouent d'après l'expression de Bouton (Abdelwaheb Allouche, 1984 : 49) le rôle de « lieu géométrique »[...] de toute les conduites verbales, [ permettant] de corriger les erreurs en rendant transparentes les interférences ». A partir de là, l'enfant peut facilement distinguer les codes à travers une pédagogie de la différence et se corriger immédiatement lorsqu'il y a confusion dans les codes ou des codes.

Par ailleurs, l'animation culturelle dans l'optique de la pédagogie interculturelle n'est pas constituée d'enseignements systématiques en salles de classe. De même, elle n'est pas réservée essentiellement aux seuls enfants d'immigrés. Et Abdelwaheb Allouche le précise d'ailleurs clairement quand il indique que

contrairement à l'enseignement des langues d'origine qui ne s'adresse qu'aux enfants des migrants, les activités d'animation ont le mérite de valoriser les cultures différentes aux yeux de tous les enfants. Elles consistent à leur offrir des possibilités d'expression verbale et corporelle. Les classes éclatent en ateliers de contes, théâtre, marionnettes. Il ne s'agit pas d'apporter de nouvelles connaissances, mais de mieux se connaître mutuellement par un travail de simulation (1984 :49).

Au total, la pédagogie interculturelle d'Abdelwaheb Allouche propose une piste de travail appréciable en ceci qu `elle permet non seulement de rapprocher les communautés entre elles, mais aussi et surtout en ce qu'elle crée le dialogue entre les populations afin qu'elles s'acceptent les unes les autres. Mais il faut noter qu'elle est réservée, peu connue et sa réussite reste encore tributaire de la volonté des municipalités. D'où la nécessité de prospecter en direction de la sémio-didactique.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote