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Compétence interculturelle et efficacité de l'action didactique en classe de langue

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par Albert Etienne Temkeng
Chaire UNESCO pour l'Afrique centrale en Sciences de l'éducation, Université Mariem Ngouabi, ENS de Yaoundé - DEA des Sciences de l'éducation 1987
  

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II.2.2. L'approche communicative

Conçue dans la lignée de l'évolution de la didactique des langues, l'approche communicative a permis de reconsidérer la définition des méthodologies, méthodes et démarches dans le domaine afin de tenir compte de l'environnement pluriel qui caractérise le monde actuel et de la culture multiforme qui en découle. Ainsi, dans le cadre des révisions épistémologiques, Puren (1988 : 17) écrit :

les méthodes constituent des données relativement permanentes parce qu'elles se situent au niveau des objectifs techniques inhérents à tout enseignement des LVE [langues vivantes étrangères](faire accéder au sens, faire saisir les régularités, faire répéter, faire imiter, faire réutiliser...).

Les méthodologies en revanche sont des formations historiques relativement différentes les unes des autres, parce qu'elles se situent à un niveau supérieur où sont pris en compte des éléments sujets à des variations historiques déterminantes tels que :

- les objectifs généraux, parmi lesquels dans le cas de l'enseignement scolaire, priorité peut être donnée à l'objectif pratique, ou au contraire aux objectifs culturels et formatifs ;

- les contenus linguistiques et culturels, où l'on peut par exemple privilégier la langue parlée ou la langue écrite, la culture artistique ou la culture au sens anthropologique... ;

- les théories de référence, en particulier les descriptions linguistique et culturelle, la psychologie de l'apprentissage, la pédagogie générale,qui évoluent au cours de l'histoire ;

- et les situations d'enseignement : les rythmes scolaires, le nombre d'années de cours, d'heures d'enseignement par semaine, d'élèves par classe et l'homogénéité de leur niveau, leur âge, leurs besoins et leurs motivations, la formation des professeurs, etc, qui peuvent varier considérablement d'une époque à l'autre.

Une approche profonde des éléments ci-dessus cités montre d'une part l'importance de la maîtrise de la langue en tant que structure ou ensemble de structures et d'autre part l'intervention du culturel à tous les niveaux. Véhiculé dans les apprentissages en terme d'objectifs culturels et perçu tant dans les contenus à caractères artistique ou anthropologique que dans les descriptions linguistiques, psychologiques et pédagogiques, le culturel permet de relever et de cerner la dimension totale et efficiente du langage humain.

Développée dès 1975, l'approche communicative est une réaction contre le caractère rigide et irréaliste de la méthodologie audiovisuelle. Trop systématique, elle laissait peu de place à l'initiative de l'apprenant dont le rôle était tout simplement d'acquérir les notions qui lui étaient enseignées et par conséquent de produire des énoncés justes et atomisés. De même, les dialogues proposés aux apprenants étaient bien loin de la réalité et de la communication normale, « le type de situation présenté [étant] toujours le même : 2 à 4 personnes qui parlent à leur tour sans chevauchement, sans hésitation, sans reprise, sans bruits de fond, sans ratés » (Porcher, 1981 : 25). Ce faisant, le texte utilisé était réductif par le fait même de l'absence du naturel qui caractérise les interactions langagières entre les hommes, effaçant par la même occasion leur contenu socioculturel.

* Les apports de l'approche communicative

La spécificité de l'approche communicative est ainsi d'avoir recentré la didactique des langues sur la communication. Dès lors, l'objectif de l'enseignement linguistique devient faire acquérir la compétence de communication, concept créé par Dell Hymes (1972). Cité par Bérard (1991 :17), il définit cette compétence comme étant l'ensemble constitué de la connaissance des normes grammaticales (compétence linguistique) et de la maîtrise de leurs normes d'emploi (règles d'usage), définition que certains didacticiens trouvent trop réductionniste.

Pour Canale et Swain (1980), cette compétence a trois composantes à savoir la compétence grammaticale (CL), la compétence sociolinguistique (CS) et la compétence stratégique (CST). La compétence sociolinguistique intègre une composante socioculturelle conçue comme étant « la connaissance des règles sociales dans un groupe donné » et une composante discursive qui est « la maîtrise des différentes formes de discours ». Enfin, la compétence stratégique est entendue comme l'ensemble des stratégies de communication qui permettent de combler les ratés des échanges entre interlocuteurs en restaurant le naturel qui caractérise les interactions langagières normales.

Sophie Moirand (1982 :20) quant à elle, identifie quatre éléments qui constituent la compétence de communication :

· une composante linguistique...

· une composante discursive, c'est-à-dire la connaissance et l'appropriation des différents types de discours et de leur organisation en fonction des paramètres de la situation de communication dans laquelle ils sont produits et interprétés ;

· une composante référentielle, c'est-à-dire la connaissance des domaines d'expérience et des objets du monde et de leur relation ;

· une composante socioculturelle, c'est-à-dire la connaissance et l'appropriation des règles sociales et des normes d'interaction entre les individus et les institutions, la connaissance de l'histoire culturelle et des relations entre les objets sociaux. 

La définition de Moirand est plus complète. Elle reconnaît par ailleurs que la compétence stratégique ne se réalise qu'au moment de l'actualisation des autres compétences à travers les phénomènes de compensation qui relèvent de « stratégies individuelles de communication ».

Un autre apport de l'approche communicative est constitué des actes de parole qui relèvent des recherches d'Austin (1970) et Searle (1972) sur l'approche pragmatique du langage, approche qui considère le langage comme action, comme moyen d'action sur l'autre. Pour Austin (1970), ces actes dont la catégorisation part de la réflexion sur les verbes performatifs (l'énonciation réalise l'action qu'ils expriment : je te baptise, je te déclare, ...) par opposition aux verbes constatifs, sont :

- les actes locutoires, caractérisés par l'articulation et la combinaison de sons, et la liaison syntaxique des mots ;

- les actes illocutoires, actes dont l'énonciation constitue en elle même un acte qui transforme les rapports entre les interlocuteurs ;

- les actes perlocutoires, actes dont l'énonciation produit des effets plus ou moins lointains sur les interlocuteurs (convaincre, rassurer, étonner, embarrasser, contrarier, impressionner, ...).

Pour Searle, les actes de langage peuvent être classés en cinq grands types :

- les représentatifs (assertion, information, description d'un état de fait, ...) ;

- les directifs (ordre, requête, question, permission, l'obligation de l'interlocuteur de réaliser une action future, ...) ;

- les commissifs (promesse, offre, obligation contractée par le locuteur...,) ;

- les expressifs (félicitations, excuses, salutations : exprimer un état psychologique) ;

- les déclaratifs (déclaration, condamnation, baptême,...pour leur effectivité). 

Le dernier apport de l'approche communicative (Moirand, 1982) est la prise en compte des sciences du langage, c'est-à-dire de la sociolinguistique (Labov, 1976 ; Hymes, 1964 ; Berstein, 1975), de la sémantique (Fillmore, 1975) et de la pragmatique (Austin, 1970 ; Searle, 1972) dans l'analyse du discours à partir de documents authentiques et à des fins d'hétérogénéité théorique des outils descriptifs de référence.

* Les principes méthodologiques

Partant de l'analyse des besoins langagiers pour définir les contenus d'enseignement, l'approche communicative retient les principes ci-dessous cités :

- Enseigner la compétence de communication ( compétence linguistique ou connaissance minimale de la langue comme système et observation des marques linguistiques (Charaudeau, 1980 :7) ; compétence sociolinguistique ou maîtrise des règles sociales pour une utilisation adéquate des énoncés en situation ; compétence discursive ou maîtrise des différents types de discours (récit, lettre, poème,...) ; compétence référentielle ou connaissance d'éléments de l'environnement et enfin compétence stratégique). Charaudeau intègre la dernière dans la compétence discursive dont le rôle est de combler les manques au niveau des autres compétences.

- Travailler les composantes de la compétence de communication de manière simultanée ;

- Travailler sur le discours pour prendre en compte plusieurs niveaux d'analyse et plusieurs composantes de la compétence de communication ;

- Privilégier le sens dans la mise en relation du sens et de la syntaxe ;

- Enseigner la langue dans sa dimension sociale à travers la prise en compte de toute la richesse des variétés qui la constituent dans son fonctionnement effectif.

Voilà les principes qui, participant d'un mouvement de centration de l'apprentissage sur l'apprenant et procédant par une progression cumulative (acquisition progressive des structures avec rajout de structures les unes sur les autres), ou en spirale (avec des avancées et des retours sur des structures déjà présentées), définissent la démarche méthodologique de l'approche communicative.

* La méthodologie

Elle est constituée d'étapes suivantes :

- La compréhension (négociation);

- L'acquisition de la pratique de la langue par la communication, la phonétique, la grammaire, le lexique ;

- L'expression guidée ;

- L'expression libre (évaluation / négociation).

Les deuxième et troisième étapes de cette méthodologie pourraient permettre d'apprécier la compétence culturelle et interculturelle des interlocuteurs et des apprenants. Pourtant, une telle démarche ne correspondrait pas de manière systématique à l'enseignement de la langue française en francophonie africaine. Et c'est la raison pour laquelle Coste (1980 :244) relève qu' 

en gros, le constat sera que dans ses développements récents, la didactique s'est révélée plus sensible à ce que pouvait lui apporter l'étude des actes de parole qu'au parti à tirer de l'analyse du discours.

De ce constat, il dégage la dichotomie qui montre que

- l'approche communicative correspond à un public de débutants, donne la priorité à l'oral et traite l'aspect communicatif de la langue à travers les actes de parole ;

- Pour un public d'apprenants avancés, le travail sera surtout centré sur l'écrit, et on aura recours à l'analyse de discours (Bérard, 1991 : 30).

Voilà les raisons fondamentales qui orientent les recherches en didactique des langues (linguistique appliquée d'avant) vers les problématiques interculturelles.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite