d). La compétence culturelle
La compétence culturelle est, d'après
Abdallah-Pretceille (1996 :32), « la connaissance des
différences culturelles (dimension ethnographique), [...] une analyse en
termes de structures et d'états ». A ce
titre, elle est une simple connaissance des faits et des
caractéristiques des cultures sans un effort de compréhension de
leur manipulation réelle en situation de communication. Mais, critiquant
cette première définition, sa génitrice pense que
« entendue comme connaissance de l'Autre, la compétence
culturelle, quelle que soit la finesse des savoirs, reste extérieure
à l'acte de communication ». D'où la
nécessité d'évoluer pour une conception plus pratique.
C'est ainsi que pour Porcher (1988 :92),
la compétence culturelle est la
capacité de percevoir les systèmes de classement à l'aide
desquels fonctionne une communauté sociale et, par
conséquent, la capacité pour un étranger
d'anticiper, dans une situation donnée, ce qui va
se passer ( c'est-à-dire aussi quels comportements il convient
d'avoir pour entretenir une relation adéquate avec les protagonistes en
situation).
Par rapport à Abdallah-Pretceille, Porcher
évolue sensiblement. Pour lui, la compétence culturelle n'est
plus statique, mais elle est envisagée en terme plutôt
évolutif, mouvant. Sa conception de la compétence culturelle
(1988 : 92) est ainsi
une approche en termes de savoir-faire,
c'est-à-dire la capacité pour un individu donné de
s'orienter dans la culture de l'Autre à partir d'une
démarche compréhensive et non plus seulement
descriptive.
Pourtant et malgré cette évolution,
l'inquiétude face aux mutations culturelles de plus en plus nombreuses
et accélérées demeure lancinante et préoccupante.
C'est la raison pour laquelle bien que l'approche de Porcher (1988) soit celle
de « la culture en acte par opposition à la
culture objet », Abdallah-Pretceille (1996) pense que la
valeur théorique d'une telle définition ne permet pas de sortir
de l'impasse au plan pédagogique. D'où la nécessité
d'envisager une approche interculturelle.
e). La compétence interculturelle
La compétence interculturelle peut être
conçue comme étant la capacité du locuteur-auditeur
à saisir, à comprendre, à expliquer et à exploiter
positivement les données pluriculturelles ou multiculturelles dans une
situation de communication donnée. Une telle définition, pense
Abdallah-Pretceille (1996 : 29), n'implique pas une simple connaissance
descriptive des cultures ou une simple connaissance des faits de civilisation,
« mais une maîtrise de la situation de communication dans
sa globalité, dans sa complexité et dans ses multiples dimensions
(linguistique, sociologique, psychologique...et culturelle) ».
La compétence interculturelle déborde la
compétence culturelle en ceci que
entre la connaissance des
différences culturelles (dimension ethnographique) et la
compréhension de la variation culturelle (dimension
anthropologique), il n'y a pas qu'une simple différence de formulation
mais le passage d'une analyse en termes de structures et d'états
à celle de processus, de situations mouvantes, complexes,
imprévisibles et aléatoires compte tenu
de l'hétérogénéisation culturelle croissante
au sein même de ce que l'on appelle traditionnellement les cultures
(Abdallah-Pretceille,1996 :32).
La compétence interculturelle devrait
dès lors permettre au locuteur-auditeur d'acquérir une
capacité de perception et d'anticipation plus complexe. Cette
capacité ne doit pas être perçue, saisie et mise en
évidence essentiellement dans des situations classiques de
communication, mais aussi lors des situations d'enseignement où les
interactions didactiques impliquent que l'enseignant communique non seulement
avec l'apprenant, mais aussi et surtout avec le texte - objet de l'enseignement
- et les données culturelles qui en constituent le tissu. En effet, il
s'agit pour le locuteur/enseignant de pouvoir réagir efficacement par
rapport aux systèmes de classement à l'aide desquels
fonctionnent, non pas une communauté, mais des communautés
sociales et de pouvoir anticiper dans les situations de communication les plus
complexes et les plus diversifiées, que ce soit par rapport au texte ou
par rapport aux capacités d'appréhension des apprenants. Et c'est
ici que la compétence interculturelle sinon déborde, du moins se
rapproche de la compétence de communication telle que définie par
Hymes.
Cité par Galisson et Coste (1976 : 106), Hymes
désigne sous l'expression de compétence
de communication la connaissance (pratique et non
nécessairement explicitée) des règles psychologiques,
culturelles et sociales qui commandent l'utilisation de la parole dans un
cadre social.(...) [Elle] suppose la maîtrise de codes et de
variantes sociolinguistiques et des critères de passage d'un code ou
d'une variante à d'autres : elle implique aussi un savoir
pragmatique quant aux conventions énonciatives qui sont d'usage
dans la communauté considérée.
Ainsi, la compréhension anthropologique des faits
culturels prend le pas sur leur connaissance ethnographique. L'étude de
faits statiques devient une analyse en termes de phénomènes qui
évoluent et d'interactions langagières entre les hommes. Il faut
donc comprendre que dans cette étude, le phénomène
culturel est à la fois langagier et linguistique. Il est langagier parce
que toute production textuelle est une communication qui vise un destinataire
prêt à écouter et à interpréter. Ce fait
langagier se veut par ailleurs social parce qu'il implique plusieurs instances
de parole. Enfin, le fait culturel est linguistique parce qu'il se transmet
par et à travers le code fait de sons et de sens qu'est la langue.
Il faudrait dès lors pouvoir distinguer dans le langage
ce qui relève de la culture sociale et ce qui relève de la
culture individuelle du locuteur, qu'il s'agisse de « culture
cultivée » ou de « culture
médiatisée ». C'est dire qu'il faudrait distinguer ce
qui relève du fond culturel collectif (us et coutumes) de ce qui
relève de la créativité ou de la fantaisie personnelle du
sujet parlant. Mais au-delà de toutes ces analyses, il faut
reconnaître avec Lê Thành Khôi (1983 :1) qu'en
société, l'interculturel est identifiable à travers
« le processus d'interaction verbal ou non verbal entre membres
de cultures différentes » .
Et Camilleri et Vinsonneau (1996 :36) de conclure
dès lors que « maintenant, c'est le contact des cultures
qui devient objet de science en tant que tel, la réflexion se polarisant
sur les phénomènes qui en résultent au plan de la
relation» . Ce contact indiscutable est fondamentalement
identifiable dans les interactions langagières verbales dont l'analyse
repose sur la connaissance implicite et explicite de la culture qui se veut
pluridimensionnelle. L'explicite rejoint dès lors la compétence
de communication, c'est-à-dire l'usage pragmatique, effectif et
efficient qui est fait des composants culturels en contexte de communication
quotidienne et pourquoi pas en contexte d'enseignement/apprentissage.
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