4.2. L'objet de la mémoire collective
Nous avions vu plus haut que les représentations des
lieux de mémoire étaient à géographies variables
parmi les Africains et Afro-descendants. Or, tout comme l'identité et
ces lieux de mémoire, le contenu même de la mémoire
collective est aussi à dimensions variables ; il se traduit tantôt
par des éléments culturels :
The reason I did it, because I wanted Jamaicans in
Montreal to tell the rest, in particular, the French-Canadians that we are also
a people with a history. And Jamaica Day, it's like an Open House. We bring our
crafts, crafts like that, we bring our music, we bring our food, and we ask
people, Come and eat with us, in a park, so you'll see we have a history
(ANG02).
... tantôt par des faits historiques :
...nous savons tous, il y a eu un moment d'esclavage au
Québec, c'est aussi important de le rappeler. Faut bien se souvenir que
celui qui a été le principal historien n'était pas noir ;
c'est Marcel Trudel, le grand historien de l'esclavage au Québec qui a
tenu à rappeler l'existence de l'esclavage au Québec. Donc nous
rappelons la présence de Noirs au Québec et de communautés
dès les débuts de la conquête...(HTI03).
Mais au-delà de toutes ces divergences, la
volonté de trouver des bases communes aux différentes
trajectoires historiques des Africains, des Caribéens, et des
Afro-descendants était aussi perceptible. Cette rhétorique
opère en retraçant l'histoire à gros traits, en
réduisant la place des histoires nationales, en aplanissant les conflits
et les polémiques internes, et en mettant l'accent sur les aspects
unificateurs et glorieux. Cette logique permet de constituer une
histoire des Noirs et de la mieux articuler dans la revendication :
Where is the African history, where is the Black history?
A great people are the African people, who were building the pyramids, and who
understand geography, who understand science, who understand medicine, who
understand architecture. Where is that for their kid to read? I have a problem
for that in the schools there, and I fight for that. To put in the schools
books and photographs of great leaders, and photographs of great things that
have been done in Africa. You don't see that in the schools in Montreal and in
Quebec and in Canada (ANG02).
La volonté d'être et de se maintenir comme groupe
passe donc par le maintien d'une mémoire, d'une partie de l'histoire que
l'on s'approprie, que l'on entretient et que l'on essaie de rendre visible et
vivante, à travers des manifestations culturelles, artistiques, etc.,
mais surtout à travers l'éducation des générations
suivantes. Ce sentiment de responsabilité devant l'avenir est un facteur
d'identité, de perpétuation du groupe, et la mémoire
collective en est le support. Mais les obstacles qui se présentent dans
l'accomplissement de cette responsabilité sont nombreux, et ont fait
l'objet de réflexion chez les leaders africains et afro-descendants.
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