Quel questionnement philosophique sur les conflits en Afrique ?( Télécharger le fichier original )par Emmanuel MOUTI NDONGO Grand seminaire - Fin cycle de philosophie 2006 |
III.8.2. Surpasser la conscience ethnico-tribaleNos analyses précédentes nous ont rendu à l'évidence de l'hostilité que se vouent les ethnies africaines. L'attachement à la tribu et au lien de sang s'est exacerbé. Chaque culture croit à sa suprématie. Ceci crée l'isolement et l'exclusion que nous dénonçons60(*). L'homme d'Afrique devrait s'éduquer à un échange et à l'accueil interethnique. Ceci est un « facteur de rapprochement entre les êtres, en visée d'égalité, de fraternité, de compréhension mutuelle et donc comme instrument de lutte contre le repli sur soi, le rejet de l'autre »61(*). Cette atténuation de la conscience tribale chez l'Africain brise l'autarcie et fait tomber les murs de l'enfermement ethnique. Ce rapprochement valorise l'homme indépendamment de son extraction tribale. C'est à cela que l'Afrique est conviée pour apparaître indivise, massifiée, « solidaire dans l'égalité des chances et où les communications interpersonnelles et inter sociétales auront une place de choix »62(*). L'exaspération de la conscience ethnico tribale a conduit le tissu social africain dans les lacunes que sont « le régionalisme et le népotisme dans lesquelles l'individu à cause de la pression sociale et mû par l'intérêt individualiste régional, se sent une responsabilité extrême pour sa région et s'emploie à la développer de façon préférentielle »63(*). Ces tares conduisent au rejet des autres, à la négation de l'humanité qui est en eux et portent un coup dur au lien social avec des conséquences désastreuses. Sans déconseiller l'attachement à sa tribu qui d'ailleurs est légitime, le surpassement de la conscience ethnique et tribale devrait permettre à l'Africain de s'appuyer sur sa communauté d'origine pour le développement de la nation entière. Ceci pourrait faire régresser cette outrecuidance qui existe entre les ethnies africaines pour les établir dans une crédibilité réciproque. III.8.3. Se soumettre à la tolérance religieuseL'homme nous l'avons dit a une dimension matérielle et spirituelle. Comme esprit, il fait de la religion en déployant une activité intérieure qui le met en communion avec la transcendance. Comme telle, la religion est un fait individuel mais aussi communautaire car se vivant dans un groupe. Ceci crée donc un pluralisme religieux qui en Afrique est une réalité. Seulement, la coexistence de plusieurs religions est cause d'affrontements et de luttes. D'où la nécessité d'apprendre et de se soumettre à la tolérance religieuse. Celle-ci favorise la cohabitation pacifique de plusieurs religions et suscite le respect de l'autre. Cet apprentissage de la tolérance religieuse met un frein à des attitudes subversives, telles que le fanatisme, les guerres de religions et l'extrémisme pour faire prévaloir la liberté religieuse qui « consiste en ce que tous les hommes doivent être soustrait à toute contrainte de la part soit des individus, soit des groupes sociaux et de quelque pouvoir humain que ce soit »64(*). C'est dire que chaque religion doit exister sans crainte ou sans chercher la répression quelconque d'une autre religion. Cette absence de contrainte devrait se faire dans le respect et la responsabilité eu égard à la personne humaine. Car comme valeur et liberté, l'homme a ses convictions religieuses et ne devrait pas être persécuté au non de celles-ci. Rejeter la différence religieuse est l'expression d'une volonté hégémonique. Cette tolérance religieuse qui est à construire devrait se faire dans le dialogue entre les religions. Ce dialogue implique une connaissance mutuelle entre religions et une promotion globale de l'homme. Celui-ci lorsqu'il est bien mené fait parvenir à une « compréhension mutuelle (...) à cette ouverture entre croyants et religions différentes, en vue de la paix »65(*). Sans vouloir assimiler l'autre, la tolérance religieuse harmonise et rend fructueuses les différences et les similitudes religieuses, qui lorsqu'elles sont mises ensemble, favorisent la consolidation de la société et l'intégration des différents membres. Revoir la relation avec l'autre, ce qu'il est pour moi, voilà les enjeux qui interpellent l'Afrique. L'acceptation de l'autre, le retrouver dans sa divergence est une nécessité pour que l'exister sur le continent soit moins conflictuel. * 60 Au Cameroun par exemple que dans les administrations, le service ne profite qu'à ceux qui sont de la même ethnie que le ministre au grand mépris des exigences de la compétence et du mérite. La vague de remerciements et de motions de soutien qui suivent la nomination de ce dernier témoigne de la reconnaissance exclusive que celui-ci doit à sa tribu. Aussi s'entend-t-on souvent par quelques compatriotes « nous sommes en haut ». * 61 F.X. DAMINBA, Essayer
la folie pour voir. Risque et prudence des Moose, cité par Z. BERE,
Op. cit., * 62 Id. * 63 Ibid. * 64 Dignitatis Humanae, n° 2. * 65 J. MBARGA, Op.,cit., p. 166. |
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