Quel questionnement philosophique sur les conflits en Afrique ?( Télécharger le fichier original )par Emmanuel MOUTI NDONGO Grand seminaire - Fin cycle de philosophie 2006 |
DEPASSER LES DIVERGENCESIDENTITAIRESEn plus du renoncement à soi qui s'impose à l'Africain, les différences identitaires exigent un surpassement. L'oeuvre d'éducation doit s'opérer au triple plan des identités culturelles, ethnico tribales et religieuses. III.8.1. S'éduquer à la transculturalitéLa fermeture mutuelle des identités culturelles nous l'avons dit est à l'origine de l'écartèlement dont souffre l'Afrique. Tout l'enjeu est là : comment faire converger ces divergences pour une existence harmonieuse sur le continent ? L'éducation à la transculturalité doit consister à dépasser la dimension conflictuelle des cultures actuelles qui est liée à leur nature nationale. Cette éducation doit aussi oeuvrer pour une ouverture de chaque culture à « d'autres identités culturelles dans la quête commune des idées universellement valides et transculturelles »53(*). Cette ouverture des identités culturelles particulières devrait se comprendre au sens du rapport que l'universel entretient avec le particulier. Il est donc question d'aller au-delà des bornes géographiques et des liens génétiques ; car la vocation de la culture est d'aller « au-delà de l'unité territoriale et biologique qui définit la nation »54(*) pour valoriser l'homme et le mettre au centre de tout. Le défi majeur de cette transculturalité est de considérer l'homme africain blessé pour le restaurer dans sa dignité. L'éducation à cette supra culture répond à cette « aspiration plus profonde et plus universelle : les personnes et les groupes ont soif d'une vie pleine et libre, d'une vie digne de l'homme »55(*). Or nous l'avons relevé dans notre réflexion, la blessure systématique des droits de l'homme en Afrique est une réalité, les systèmes tyranniques et les structures injustes sont existants. La tâche de cette transculturalité est d'inculquer à l'Africain l' « idée de l'homme comme icône à la fois de l'humanité et d'une réalité surnaturelle »56(*). Il s'agit de faire connaître à l'Africain que son frère est porteur et représentant « d'une humanité supra-culturelle conçue comme transcendantal des idéaux d'universalité »57(*). Cette conscience d'une humanité supra-culturelle appelle une interculturalité par laquelle les cultures peuvent dialoguer et échanger. Dans ce dialogue, chaque culture est vivifiée parce qu'elle reçoit des moments et des impulsions d'autres cultures qu'elle doit s'approprier. C'est cet échange qui participe du processus d'individuation dans lequel les individus cherchent à atteindre leur individualité spirituelle ou leur liberté de création58(*). Seulement, la supra-culture à bâtir serait parcellaire si elle ignorait l'assise spirituelle de l'homme. Le danger est de construire une transculturalité de l'homme de manière unidimensionnelle. Il ne faudrait pas perdre de vue que la spécificité de l'homme tient aussi à sa dimension spirituelle. Celle-ci relie l'homme à « une valeur phare qui le guide et qu'il suit, qui le mobilise tout entier, habite en lui et donne raison et sens à toute activité et à tout être »59(*). Ce fondement spirituel sur lequel la supra culture devrait reposer donnera toute sa plénitude et une splendeur originale à cette entreprise. C'est ainsi que l'homme parviendra à son développement intégral. * 53 J.C KAPUMBA, Op. cit., p. 287. * 54 Id., p. 286. * 55 Gaudium et Spes, n° 3. * 56 J.C. KAPUMBA AKENDA, Op . cit., p. 295. * 57 Id., p. 296. * 58 Cf. Ibid., p. 288. * 59 Z. BERE, Op. cit., p. 255. |
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