La dimension esthétique de la voix du chanteur de charme dans la musique congolaise electro-acoustique moderne( Télécharger le fichier original )par Issa ISSANTU TEMBE Faculté des Lettres et Sciences Humaines/Unikin - Licence 2001 |
APPROCHE METHODOLOGIQUENotre méthode d'investigation est essentiellement documentaire, mais aussi comparative. Dans ce travail, nous analyserons un échantillon disquaire préalablement choisi. Cet échantillon est fait d'un certain nombre d'opus qu'on peut qualifier de « tubes », quatre(4) au total. Ceux-ci sont choisis sur base des échos et du succès récolté auprès des mélomanes. Ces chansons sont soit monovocales, soit polyvocales. Pour celles de cette dernière catégorie, nous n'analyserons que les séquences qui mettent en exergue une voix que le public juge de « charmante.» En fait, cette analyse s'opérera à partir d'un modèle conceptuel et théorique, postulé par nous comme étant le prototype de la voix de charme. Ce modèle tel qu'il est donné à la page 28, ressort d'un jugement tiré de l' « habitus culturel » 10(*). Toutes les voix candidates se construisent d'après nous autour de ce modèle qu'elles tentent de rendre concret et de matérialiser. Notre travail consiste à voir en quels points les voix jugées belles par les congolais se rapprochent de cette voix théorique qui est à classer parmi les patrimoines culturels de l'imaginaire. O. CADRE THEORIQUE : Les sources de l'influence par la voixIl est clairement établi que la perception du « charme vocal » est un fait de la communication d'influence. Selon Alex Mucchielli, la communication viserait à faire faire, faire croire ou faire penser. Le charme par la voix est un « processus d'influence qui repose essentiellement sur la structuration des relations entre le chanteur et son public », elle s'applique à travers la fonction dite volitive, liée à toute communication. Selon P. Giraud (11(*)), le «chanteur de charme » communiquerait la « ferveur de la passion ... ». C'est le pourquoi de la communication conceptuelle. Celle qui s'établit entre un chanteur et son public, à travers laquelle la parole s'accompagne des gestes, des mimiques, d'inflexions de voix qui renforcent la parole en exprimant ... les émotions, les désirs et les intentions pour « faire faire, faire croire ou faire penser ». Si le « chanteur de charme » n'arrive pas à communiquer les sentiments qu'il projets à son public, la sublimation et l'hypnose de sa voix seraient des simples impressions. Le même A. Mucchielli pense que l'influence passerait essentiellement par le para-langage et resterait quelque chose de largement en dehors du champ de la conscience claire. Cette perception ne rejoint-elle pas celle de François Roustang selon laquelle le « `sol 'de la communication humaine est constituée d'un ensemble d'éléments extralinguistiques inconscients, perceptibles par l'intermédiaire des diverses formes de la gestuelle, de la manifestation de la sensibilité et de l'imagination » 12(*), voire de la manière d'osciller de cette voix pourvue d'un certain nombre d'ornements « sono-vocaux » ayant un pouvoir de séduction qu'on peut appeler « charme ». Cette manière d'influencer son public, de le faire pencher dans ses jugements à travers la voix dite de charme, nous oblige à situer dans le charisme tel que l'évoque J. Baechler, le fondement de l'influence. J. Baechler, soutenant A. Mucchielli, pense que : « le charisme est le résultat d'une relation entre un homme ayant des qualités particulières d'expression et des représentations et d'autres hommes qui le « re-connaissent » dans son charisme parce qu'il représente une synthèse prestigieuse et stylistiquement admirable à leurs yeux, de l'ensemble des valeurs fondamentales ». Ces propos de J. Baechler semblent être une suite des réflexions de Mucchielli qui a abondé dans le même sens dans son article déjà évoqué ici, intitulé : « Aux sources de l'influence. » A. Mucchielli déclare que « la capacité d'influence d'un chanteur de charme est une ressource qui serait inhérente à la nature de certaines personnes qui posséderaient une force propre de conviction et d'entraînement qu'elles feraient passer à travers leur communication » 13(*) En ce sens, le charisme Le chanteur de charme référerait essentiellement à un mystère irréductible du relève du don magnétique de fascination et de conviction appartenant à certaines personnes »14(*) Bien évidemment, la question de base de notre problématique restant celle de savoir si ce magnétisme peut être objectivé. Le problème de l'influence à travers la musique se pose avec autant d'acuité qu'Antoine Henion pouvait dire de la musique qu'elle « est un art qui a des problèmes pour définir son objet, impossible à fixer dans la matière ». Il continue en disant : « La musique n'est ni seulement un indice des formes de structurations de la société ou de l'individu, qui réduirait l'art au social, ni seulement non plus un objet irréductible à d'autres analyses, comme l'esthétique que celles qui veulent bien ne considérer que lui. » D'ailleurs cette influence s'opère nécessairement à travers la « reconnaissance » (il s'agit d'un concept de Jules Gritti, auteur de « Reconnaître l'image, imager la reconnaissance ») à propos de laquelle Erving Goffmann distingue trois pôles identitaires : - L'auto perception ; - La représentation ; - La désignation. En outre, ce même Jules Gritti 15(*) va plus loin pour statuer sur le charisme et ses correlats comme étant à la base de l'influence. Le tableau ci-après illustre une classification partant des définitions que Gritti(J.) propose sur le concept de charisme. D'après cet auteur, quatre correlats du charisme se combinent pour catégoriser les charismatiques dans le domaine de la musique. Il s'agit de (du) : - Prestige-charisme ; - Puissance tranquille ; - Sens pratique ; - Séduction. Le tableau suivant répertoriant certains artistes congolais illustre cette classification.
Enfin, il se dégage de tout ce qui précède que la communication entre un chanteur et son public est médiatée. Elle est légitimée par la « re-connaissance » de l'institution au nom de laquelle s'exprime le chanteur.
* 10 Pierre Bourdieu évoque ce concept en parlant du fondement du jugement et de la critique sociale. Tout jugement émis par un membre d'une société déterminée est fonction d'un certain nombre critères empilés dans la mémoire collective ou individuelle. C'est cette conception qui justifie l'existence de culture dans chaque société. * 11 P. Giraud, La sémantique, Paris, PUF, Coll. que sais-je ?, 1996 * 12 François Roustang, Influence, Paris, Ed. de minuit, 1990 * 13 Alex Mucchielli, Aux sources de l'influence in Recherches en communication n° 6, UCL, Bruxelles, 1996, p. 204 * 14 A. Mucchielli, idem, p. 204. * 15 Jules Gritti, Reconnaître l'image, imager la reconnaissance in Recherches en communication n° 6, UCL, Bruxelles, 1996, pp. 181-182 |
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