La dimension esthétique de la voix du chanteur de charme dans la musique congolaise electro-acoustique moderne( Télécharger le fichier original )par Issa ISSANTU TEMBE Faculté des Lettres et Sciences Humaines/Unikin - Licence 2001 |
DOMAINE DE RECHERCHELe thème abordé ici frôle le domaine de l'acoustique, de la psychosonique et de la psychomusique, tout en restant axé sur la physiologie et la morphologie vocale. Cependant, notre principale préoccupation est communicationnelle. La communication, nous la définissons comme l'étude des actes socialement élaborés pour transmettre une information, de créer une relation ou de communiquer un savoir pour agir ou faire agir. Il s'agit ici, comme évoqué dans les objectifs, de fixer matériellement dans la voix, les éléments non-rationnels qui touchent au relationnel, lorsque s'établit un échange entre un « chanteur de charme » et son public, échange produisant dans le chef du public, cette influence que l'on désigne par le « charme ». Dans ce travail, nous comptons insister sur la voix, non pas comme contenant un message dont en tenterait de saisir le contenu ; Mais comme étant le message lui-même. La voix est un message en tant que manière de chanter, disant quelque chose. Nous la saisissons donc comme un média qui est lui-même un message. Par ce travail, nous allons établir un rapport entre relation et cognition, entendues comme représentations portées par cette manière de chanter. En effet, selon notre entendement, la voix humaine, la musique et les autres éléments qui composent une chanson interagissent pour constituer un message. Il s'agit ici d'un point de vue systémique. Etant donné que la musique vise à plaire, elle reste l'apanage d'une communication centrée sur les effets. Puisque ici la communication n'est pas perçue comme un échange gratuit d'informations, « communiquer », c'est « informer ou s'informer » pour agir ou tenter d'agir sur autrui. Ceci laisse entendre une modification des représentations de l'état psychologique pour communier à un même élan sentimental. PROBLEMATIQUECe travail est relatif à la localisation du « charme vocal » autrement dit, nous nous déterminons de situer les éléments pouvant permettre de reconnaître, du point de vue congolais, le « charme » que l'on assimile au « beau » dans une voix. De ce fait, ce travail de recherche touche à la question du jugement d'une voix d'un chanteur. Cette question appelle plusieurs points de vue. Walter Howard et Ingrid Auras sont catégoriques : « chacun ne peut aimer que ce qui correspond à sa propre essence » 1(*) Mais, cette essence, est-elle individuelle ou sociale ? Selon un premier point de vue, la reconnaissance du charme relève des critères individuels, c'est-à-dire, des éléments d'appréciation liés à la personnalité profonde, à l'histoire personnelle de chaque individu dans sa totalité. Cette lecture serait orientée par le schéma gestaltiste qui met l'accent sur l'organisation dynamique et synthétique du champ perceptif, au gré des tensions internes, elles-mêmes suscitées par des besoins qui déterminent des réactions adaptatives. Ainsi, chacun ne trouverait une voix charmante que si celle-ci entrait en résonance avec sa personnalité propre. D'ailleurs, il est profondément significatif d'admettre que « le concept de beauté ne cesse de changer, qu'on ne trouve pas deux hommes qui en fassent une conception semblable » 2(*) D'un deuxième point de vue, la reconnaissance du « charme vocal » ne se ferait qu'à travers les filtres de la culture. Ceux-ci travaillent l'individu avec ses valeurs et fourniraient les modes de vue et d'appréciation du beau. Le concept bourdieusien d'« habitus culturel » 3(*) rend compte de ces éléments. Un autre concept, celui de « socialisation acquise », est issue de l' « Ecole culturaliste » (avec les travaux ethnologiques de Margaret Mead, Bronis Law, Malinowski et Rutle Benedict.) Il met en avant les influences du milieu social sur les schèmes de pensée, de perception et de réaction de l'individu. Ceci conduit à affirmer que la personne n'est pas seulement le bilan d'une histoire endogène, mais le produit d'une acculturation, interaction entre le psychotique et le social. C'est cette acculturation qui fournirait au public « les lunettes » pour percevoir ou reconnaître le charme dans une voix. Ainsi, la reconnaissance du « beau », en tant qu'élément reconnu par le groupe devient ainsi un acte d'insertion sociale. Un troisième point de vue, le tout dernier, déjouant le point de vue gestaltiste et le schéma culturaliste est celui des psychosociologues américains. Ceux-ci ont voulu articuler à travers le concept de « norme sociale »(shérif) et la notion de dynamique des groupes, les désirs individuels et la pression sociale. Ils affirment que l'individu ne réagit pas seulement en fonction d'un équilibre intérieur mais aussi de l'équilibre de l'environnement. Ainsi, les conduites individuelles se détermineraient dans ce champ dynamique sous contrôle du groupe et en subissant ses lois. Par ailleurs, ce débat ne cesse en introduisant la dimension rationnalitaire ou affective dans cette question. Walter Howard et Imgard Auras l'ont dit : « [ la beauté ] est une affaire des sentiments et non point objet de détermination intellectuelle » 4(*). Mais, au-delà de ces points de vue, ne pouvons-nous pas trouver des critères pouvant objectivement renvoyer dans le milieu congolais à une reconnaissance du charme dans la voix d'un chanteur ? Ces critères pourraient-ils permettre de reproduire même artificiellement une voix pouvant recevoir le qualificatif de « charmant » ? sur quels éléments pourrait-on fonder un telle détermination ? * 1 Walter Howard et Imgard Auras, Musique et culture, PUF, Paris, 1963, p.38. * 2W. Howard et I. Auras, op. cit., p. 137. * 3 Dans son livre « La distinction », le sociologue français Pierre Bourdieu fonde la critique sociale du jugement par cet « habitus culturel » que peut être compris comme l'ensemble des éléments socialisés, acceptés et pratiqués par un groupe d'individus ou une société. C'est le fondement de tout jugement social d'un membre d'un groupe déterminé qui est une sorte de patrimoine social sur les jugements. * 4 op. cit., p. 137 |
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