La liberte contactuelle dans les sûretés personnelles en droit OHADA( Télécharger le fichier original )par Huguette Eliane Ndounkeu Université de Dschang - DEA en droit communautaire 2006 |
CONCLUSION DE LA DEUXIEME PARTIEL'efficacité d'une sûreté se manifeste à travers sa mise en oeuvre. C'est alors le créancier qui va l'éprouver en premier lieu en appelant en cause le garant. À cet égard, le législateur a, ces dernières années, multiplié les causes de décharge ou « portes de sortie »485(*) de la caution. Le cautionnement n'apparaissant plus comme une sûreté suffisamment protectrice du créancier486(*), on assiste au développement des garanties autonomes où l'immixtion du législateur dans le régime de leur mise en oeuvre se veut légère. Mais, plusieurs principes généraux du droit des contrats trouvent à s'appliquer dans l'exécution et l'extinction de ces garanties. Il s'agit par exemple des théories de l'abus de droit et de la fraude, de la prohibition des engagements perpétuels. Ces règles viennent atténuer la rigidité de l'engagement, atténuation qui constitue moins un obstacle pour les parties qu'une garantie, lorsqu'elles ont respecté ces règles, de voir leur volonté consacrée. CONCLUSION GENERALELe principe de la liberté contractuelle qui domine le droit des sûretés personnelles est un facteur de progrès mais c'est aussi, il faut bien le constater un terrible facteur de confusion. Ce danger n'est pas apparu lorsqu'il y a vingt ans, a été reconnue la spécificité de la garantie autonome487(*). Pour distinguer cette dernière du cautionnement, il paraissait alors suffisant d'affirmer que celle-ci était accessoire alors que celle-là était autonome. Les deux garanties semblaient également avoir des domaines d'application différents. Les garanties indépendantes étaient réservées aux opérations internationales et souscrites exclusivement par les banques, avant tout soucieuses de respecter leurs engagements. La pratique allait dessiner d'autres évolutions. Tout d'abord, la licéité de la garantie autonome une fois retenue, aucun principe ne pouvait véritablement s'opposer à leur utilisation en droit interne. Ensuite, en pratique, il n'est pas aussi facile qu'il y paraît de détacher complètement un engagement de la créance qu'il doit garantir. Enfin, comment interdire aux parties d'enrichir le champ laissé libre entre le cautionnement et la garantie autonome et donc de créer des sûretés personnelles mi-autonomes mi-accessoires, ajoutant par là même le risque de confusion488(*)? Aujourd'hui, il ne s'agit plus seulement d'opposer le cautionnement à la garantie indépendante. Il faut aussi distinguer le cautionnement d'autres garanties personnelles489(*). Mais, quelle que soit la sûreté imaginée, il paraît souhaitable qu'un minimum de protection soit assuré à certains garants. Lorsque les garanties autres que le cautionnement sont souscrites par des profanes, la protection doit être renforcée. Une solution radicale consisterait à interdire aux consommateurs de souscrire ce type d'engagement. Le législateur serait conduit à intervenir si cette pratique se généralisait. En effet, il a été remarqué que « la liberté contractuelle (n'assurant) plus automatiquement la justice, il y a moins d'inconvénients à la supprimer par une réglementation légale impérative et préventive qu'il n'y en aurait à la maintenir (...) »490(*). Ce constat est remarquable en droit des sûretés marqué depuis peu par l'essor des règles d'ordre public. Depuis quelques années en effet, la jurisprudence et le législateur ont évolué rapidement dans un sens favorable aux cautions qui avaient le plus souvent en face d'eux un créancier contractuellement en position dominante : non transmissibilité de l'obligation de couverture aux héritiers ; interprétation restrictive, notamment quant à l'étendue de la garantie ; sens nouveau donné à l'exigence d'une mention manuscrite érigée pendant un temps en condition de validité de l'engagement ; mise en jeu fréquente de la responsabilité du créancier ; application plus récente en France du principe de proportionnalité. Un tel protectionnisme, surtout lorsqu'il est assorti d'un formalisme tatillon, est de nature à générer une certaine désaffection pour le cautionnement entraînant par là même la crise de cette institution. Or nul ne peut se réjouir du déclin de cette sûreté modèle491(*). La prudence s'impose donc. Une économie moderne et libérale ne peut se passer de crédit, donc de sûretés efficaces. Il serait regrettable que ce remarquable instrument perde au gré des interventions législatives de circonstance, les vertus qui ont fait son succès. Certaines catégories de cautions méritent assurément protection. Tout excès se retourne cependant inévitablement soit contre ceux qui ont un besoin impérieux de crédit, soit contre les cautions elles-mêmes, auxquelles, les créanciers feront souscrire des engagements plus rigoureux492(*). On en arrive au paradoxe que la sûreté devient moins efficace tout en devenant formaliste, sans que la caution soit véritablement protégée. Le droit commun du cautionnement et le droit commun des obligations comportent suffisamment de dispositions permettant une protection des cautions profanes pour que l'on ne recourt pas à des procédés peu justifiables juridiquement ou que l'on adopte des textes en réalité plus nuisibles que protecteurs. S'il n'est plus possible de revenir au laisser faire du libéralisme « sauvage », il est nécessaire de bien mesurer les conséquences perverses d'un excès de réglementation. Le dogme de l'autonomie de la volonté ne peut plus suffire à répondre à ces préoccupations. La liberté contractuelle, qui garde toute son utilité, doit être envisagée dans une optique nouvelle, précisément en termes d'utilité sociale et de justice contractuelle, principes directeurs du droit des contrats, qu'il faut substituer à un dogme de l'autonomie de la volonté qui ne peut donner la solution des questions actuelles. L'Acte Uniforme portant organisation des sûretés est formaliste. Mais, les formalités qu'il prescrit ne sont pas toujours dans l'absolu lourdes. Le législateur les a allégées ou simplifiées lorsque cela était possible. Les exigences formelles sont la condition de la sécurité juridique ; elles sont compatibles avec la célérité des affaires lorsqu'elles sont légères. Le législateur OHADA a consacré la lettre de garantie. Afin de préserver la souplesse de cet instrument issu de la liberté contractuelle, il n'a guère fixé le détail de son régime. Sa consécration opère néanmoins une utile clarification ; cette sûreté personnelle se distinguant désormais textuellement du cautionnement493(*). La liberté contractuelle se revitalise en droit des transports et même en droit du travail. Le droit des sûretés ne doit pas rester en marge. Il est sûr que certaines règles impératives doivent être respectées, mais ce noyau dur de règles d'ordre public mériterait d'être cerné pour redonner en dehors d'elles, au contrat la vigueur qui est et doit être la sienne. Encore une fois, il ne faut ni arrêter, ni limiter la dialectique de l'ordre public et de la liberté contractuelle, liberté contractuelle qui doit rester l'un des fondements de notre société. * 485 VIDAL (D.), op.cit, P.50. * 486 Les nombreuses interventions législatives dans la vie du contrat, qu'il s'agisse des obligations d'information, ou des obligations incombant aux créanciers en cas de procédures collectives ont affaibli la confiance des créanciers. * 487 Voir à ce sujet les deux arrêts précités de la Cour de Cassation française rendus en 1982. * 488 LEGEAIS (D.), « La règle de l'accessoire dans les sûretés personnelles », Droit et patrimoine, n° 92, avril 2001, P.71 et svtes. * 489 Il existe déjà des garanties dépourvues de caractère accessoire qui ne sont pas des garanties autonomes. Le constitut et la délégation. La pratique hésite pourtant à les utiliser malgré les encouragements de la doctrine. Peut-être parce que leur régime juridique est incertain, ce qui légitimerait la crainte des créanciers. * 490 FLOUR (J.) et AUBERT (J.L.), Les obligations. I L'acte Juridique, Armand Colin, 8e éd., 1998, n° 259, P.177. * 491 SIMLER (Ph.), op. cit, n°4, P.7. * 492 SIMLER (Ph.), op. cit, n° 5, P.8. * 493 HOUTCIEFF (D.), « Les sûretés personnelles », op. cit., n° 1, P. 7. |
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