2. Les conditions de l'octroi du micro-crédit
social
51. - Les conditions d'obtention du
micro-crédit social. Le FCS a pour double vocation de
« garantir à des fins sociales des prêts à des
personnes physiques ou morale et des prêts à des
chômeurs ou titulaires de minima sociaux créant leur
entreprise96 ». Au vu de cette disposition, deux conditions
sont posées : la première concerne la clientèle
visée et la deuxième est relative à la finalité des
prêts accordés. Toutefois, s'inspirant de l'expérience
menée par le Secours Catholique, une autre condition y est
ajoutée. Il s'agit de l'accompagnement de l'emprunteur.
52. - 1. La clientèle visée.
La loi vise aussi bien les personnes physiques que les personnes
morales. D'une part, les bénéficiaires du micro-crédit
social sont des personnes physiques exclues du système économique
et financier et qui pourraient y revenir grâce au crédit. Sont
ainsi concernés les bénéficiaires des minima sociaux, les
demandeurs d'emploi, les travailleurs pauvres, et plus
généralement, les personnes ayant une difficulté à
accéder au système bancaire. Cependant, le FCS n'a pas vocation
à garantir des crédits octroyés à des publics en
très grande détresse qui ne disposerait d'aucune capacité
de remboursement. D'autre part, elle vise les personnes morales dont l'objet
est de permettre l'insertion de personnes en situation d'exclusion. Il importe
donc peu que les bénéficiaires soient des personnes physiques ou
morales. Ce qui compte c'est la finalité de prêts qui leur sont
accordés.
53. - 2. La finalité des crédits.
Il s'agit de crédits de dépannage ou de projet. Le
crédit social pourra donc servir à couvrir des dépenses
relatives à l'acquisition ou à l'entretien d'un véhicule
nécessaire à l'accès au travail, à
l'équipement ménager, à l'accès au logement,
à des projets de cohésion familiale. Le prêt ne se fait
qu'à partir de l'énoncé et de la validation d'un projet.
L'élaboration du financement doit se faire entre le porteur de
96. L'article 80-III de la loi du 18 janvier 2005 de
programmation sur la cohésion sociale.
projet et l'accompagnateur et la banque. Ces projets peuvent
être classés en plusieurs grandes catégories : logement,
emploi et mobilité, équipement, projet de cohésion
familiale et divers (formation professionnelle, caution pour entrée dans
un nouveau logement, équipement électroménager...).
54. - Le micro-crédit social et le 1%
logement. Le problème du logement constitue l'un des objectifs
prioritaires du Plan de cohésion sociale. Le micro-crédit social
peut donc être accordé en vue de faciliter l'accès des
jeunes ou des personnes démunies au premier logement locatif. Les
prêts garantis par le FCS peuvent concerner le financement du
dépôt de garantie, les petits travaux d'amélioration du
logement, le chauffage etc. Le FCS assure donc la moitié du risque sur
les dispositifs mis en oeuvre par les opérateurs, les banques et les
compagnies d'assurances, en matière de caution locative et de garantie
impayée de loyers pour les étudiants, les apprentis ou jeunes
travailleurs. Le micro-crédit social constitue donc parmi les autres
dispositifs d'aides au logement un outil essentiel pour faciliter
l'accès au premier logement locatif. On peut donc rapprocher le
micro-crédit aux autres dispositifs notamment le Fonds solidarité
logement, le Locapass mis en oeuvre par les collecteurs du « 1%
logement97 ». Ces derniers dispositifs semblent aujourd'hui
inadaptés face à l'ampleur des problèmes
rencontrés. Le dispositif Locapass peut bénéficier
à une clientèle très large : salariés, jeunes en
recherche ou situation d'emploi, étudiants salariés, travailleurs
saisonniers. Il a connu une très forte progression depuis sa
création en 1999. Il intervient sous forme d'avance du
dépôt de garantie98 et de garantie de loyer sur une
période de 18 mois. Toutefois, il faut reconnaître qu'il est
rarement appliqué par les bailleurs privés, soit par
méconnaissance de son existence, soit parce qu'il exige conjointement
avec la garantie Locapass, une caution de personne physique, voire une
assurance de loyers et dégradation. Le 1% logement entretient donc un
objectif identique à l'un des objectifs du micro-crédit social.
En plus, en raison de l'ampleur du terme « personnes physiques ou morales
», les bénéficiaires du micro-crédit social peuvent
être aussi large que ceux du 1% logement.
55. - 3. La mise en oeuvre des prêts.
Un accompagnement individualisé de l'emprunteur
97. Patrick BAQUIN, « L'accès au logement pour les
exclus bancaires et financiers », in Le rapport moral sur l'argent dans le
monde, éd. Association d'économie financière, 2006, p.
387-390.
98. 311 000 avances et 165 000 garanties de loyers
accordées en 2004 : Source, Partick BANQUIN, préc., p. 388.
est obligatoire. Cet accompagnement est nécessaire
puisqu'il permet d'instaurer un dialogue avec l'emprunteur, de
déterminer la cause de ses difficultés, l'ampleur de son
insolvabilité et le caractère provisoire ou définitif de
celle-ci afin de prendre des mesures le plus rapidement possible99.
L'accompagnement doit être assuré en amont et en aval de la
distribution du crédit. Il peut être assuré soit par un
professionnel du secteur social, soit éventuellement par
l'établissement de crédit. Le Secours Catholique a pris en charge
cet accompagnement. L'association a pour mission d'effectuer une étude
préalable du projet de l'emprunteur et de sa capacité d'emprunt.
Elle accompagne ensuite l'emprunteur durant la vie du prêt afin de
pouvoir intervenir en cas d'incident. L'accompagnement engage moralement
auprès des banques et des demandeurs de prêts. Il peut être
pris en charge par d'autres organismes sociaux. Par exemple, les CCAS (Centres
communaux d'action sociale) ont marqué leur intérêt pour
expérimenter la démarche. Leur force réside dans une bonne
connaissance des demandeurs potentiels qu'ils côtoient
quotidiennement100. Les avantages de cet accompagnement seront
ultérieurement abordés101. Mais à qui incombe
la prise en charge réelle du coût financier de cet accompagnement
? Monsieur Michel Camdessus a rappelé que le principal obstacle au
développement du micro-crédit est l'insuffisance
d'accompagnement. Pour lever cet obstacle, le gouvernement a tout
récemment élargi le champ d'action du FCS pour lui permettre de
financer l'accompagnement des porteurs de projets, dans la loi dite «
retour à l'emploi » du 23 mars 2006102 dans son article
26 selon lequel « Ce fonds peut également prendre en charge des
dépenses d'accompagnement des bénéficiaires, liées
à la mise en oeuvre des projets financés par les prêts qu
'il garantit ». Les dépenses prises en charges par le FCS
doivent être liées au prêt garanti par ce Fonds. Enfin, cet
accompagnement permet de ne pas détourner l'objectif du FCS. Il s'agit
donc d'éviter le transfert de risques relatifs à la
clientèle existant vers le FCS.
56. - Les formes d'intervention du Fonds de
Cohésion sociale. L'intervention du Fonds se fera soit sous
forme de dotation de fonds de garantie existants, soit par engagements par
signature sur des portefeuilles de prêts. La gestion du Fonds est
confiée à la Caisse des
99. Maria NOWAK, Le rapport moral 2003-2004, préc., p.
424.
100 . Andréane FULCONIS-TIELEN, « crédit
social : Le microcrédit doit entrer dans la gamme de produits des
banques », Banque, juin 2006, n°68 1, p. 55.
101. V. infra, n° 130-134.
102 . Loi n°2006-339 du 23 mars 2006 pour le retour à
l'emploi et sur les droits et les devoirs des bénéficiaires de
minima sociaux (J.O du 24 mars 2006).
Dépôts et de Consignations. L'action de la Caisse
des Dépôts s'articule autour des principes suivants : «
insertion dès l'origine des porteurs de projets dans une relation
bancaire, accompagnement par des réseaux associatifs
spécialisés, réduction des risques par le montage de
dispositifs de garantie, recherche d'un effet de levier, mesure de
l'efficacité103 ». Tout ceci montre la reconnaissance
rapide du micro-crédit en France. L'objectif du micro-crédit
social dépasse celui du micro-crédit pratiqué au
Bangladesh et puis importé en France et au Cambodge. On pourrait se
demander si ce nouveau dispositif peut être mis en place au Cambodge. La
question suscite moins de débat en raison de niveau de la richesse du
pays. L'Etat n'aurait pas les moyens de mettre en place ce genre de fonds de
garantie. En plus, la notion de micro-crédit social est loin de l'esprit
des praticiens sur le terrain. L'innovation du micro-crédit social avec
un objectif différent de celui du micro-crédit social
appelé par le praticien du prêt sur gage accordé par le CMP
est une avancée rapide, mais incontestable dans le contexte du pays.
Toutefois, elle pourrait avoir une incidence sur la définition du
micro-crédit.
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