Section II : Une réglementation favorisant le
partenariat BanqueOrganismes du micro-crédit
130. - La typologie du partenariat. On a
précédemment évoqué qu'une opération de
micro-crédit n'est pas seulement une opération de nature
financière, c'est aussi une action sociale dont l'objectif est la
réinsertion de l'emprunteur dans le circuit économique
normal220. Ce volet social ne peut pas être supporté
tout seul par les réseaux bancaires qui
217 . Le ratio de liquidité comporte en
numérateur le solde de l'institution en trésorerie et des
prêts avec échéance de moins d'un mois, et en
dénominateur les épargnes des déposants valorisées
à des pourcentages divers (entre 50 et 80% : Prakas n°B 00-38/PrK
du 9 février 2000 sur le ratio de liquidité des banques et des
IMF) en fonction de leur catégorie et de leur durée avant
échéance. Le ratio entre le numérateur et le
dénominateur doit être maintenu impérativement à
100% (article 16 du Prakas de 2000).
218 . L'article 14 du Prakas de 2000.
219 . L'article 2 du Prakas B 7-02-45 /PrK du 25 février
2002 sur le maintien de la réserve obligatoire des institutions de
microfinance.
220 . Maurie BENHUSILO, comment créer un cadre
institutionnel et réglementaire favorable au
sont en quête de rentabilité. Ainsi, la mise en
place de partenariats larges entre les opérateurs du micro-crédit
et les organismes bancaires est souhaitable. Plusieurs types de partenariats
sont disponibles en fonction du rôle plus ou moins central des organismes
de micro-crédit. Dans certains cas, ils ne s'occupent que de
l'accompagnement, et les réseaux bancaires décaissent directement
le crédit aux emprunteurs. Dans ce cas, seuls l'emprunteur et la banque
sont liés par le contrat de crédit. L'organisme du
micro-crédit est exclu du rapport de crédit. Dans d'autres cas,
ils jouent un véritable rôle d'intermédiation
financière, le lien entre la banque et les emprunteurs n'étant
ainsi qu'indirect. Dans ces deux cas, le micro-crédit a une nature de
contrat réel puisqu'il s'agit d'un prêt accordé par un
établissement de crédit ou par un professionnel. Bien qu'ils
agissent en tant qu'un vrai intermédiaire financier, il faut comprendre
que les organismes du micro-crédit offrent de services autres que le
crédit. C'est un service d'accompagnement. On a déjà vu
précédemment221 que l'exclusion du micro-crédit
est aussi liée au profil des emprunteurs qui sont, dans la
majorité des cas, des anciens chômeurs, des
bénéficiaires de minima sociaux. Leur profil professionnel est de
niveau bac et rarement plus. C'est la raison pour laquelle une mesure
d'accompagnement de ces personnes dans leur parcours professionnel est
indispensable. C'est un accompagnement du projet professionnel et du suivie de
l'activité financée. Cette mesure d'accompagnement
présente des avantages incontestables. C'est en fonction des ces
avantages que le droit positif français encourage, d'une part,
l'implication directe des banques, et d'autre part, la coopération entre
les banques et les associations du micro-crédit.
131. - Les inconvénients et avantages du
partenariat. La reconnaissance par le droit positif de mesures
favorisant ce partenariat n'est que le reflet des avantages qu'il
procure222. Tout d'abord, du fait de la proximité entre
l'organisme et l'emprunteur ou le groupe d'emprunteurs, ce type de partenariat
limite les risques de gestion. L'expérience montre que le taux de
recouvrement de prêt est largement supérieur lorsque l'organisme
de proximité intervient dans le processus d'intermédiation
financière. Ensuite, le partenariat est un moyen de partager le risque,
notamment à travers un fonds de garantie mis en place, soit par
l'organisme de proximité lui-même avec la contribution des banques
partenaires,
développement du micro-crédit ?, Colloque sur
micro-crédit, micro-entreprise, éd. Bercy, Paris, 2001, p. 85-
89.
221 . V. supra, n° 28-29.
222 . I. GUERIN, in Exclusion et liens financiers : le rapport du
centre Walras, 1999-2000, préc., p. 148.
soit par l'Etat. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une forme de
partenariat tripartite : banques/associations/pouvoirs publics. Cette solution
présente le mérite de confier aux professionnels (les banques)
l'acte de crédit tout en s'appuyant sur les compétences des
associations pour l'accompagnement des porteurs de projets et sur les pouvoirs
publics pour la prise en charge partielle du risque au travers de dispositif de
garantie223. Ce genre de partenariat tripartite est vivement
encouragé par la création de FCS. Le partenariat entraîne
également la réduction des coûts
d'opération224. L'organisme du micro-crédit prend en
charge de la sélection préalable des emprunteurs et de leur
formation. Ce rôle évite aux banques, d'une part, d'avoir à
capter la clientèle, et d'autre part, d'avoir à rechercher
l'information fiable sur cette clientèle. En effet, l'accompagnement
constitue un coût pour les banques dès lors qu'elles l'assument
seul. Ainsi, le partenariat est une réduction de coût pour les
banques. Mais, on peut remarquer qu'il s'agit également d'une diminution
des coûts pour la clientèle, en terme de frais de
déplacement, de frais de dossiers, et de coût d'opportunité
du temps à négocier le crédit. En raison de ce partenariat
les banques commerciales peuvent tester la solvabilité de cette
clientèle qui pourrait à terme s'intégrer directement dans
le système bancaire. Il est fréquent que les emprunteurs soient
à terme capables d'accéder au système bancaire.
A côté des avantages, un inconvénient que
l'on peut relever de cette mesure de partenariat est la duplication des
tâches de gestion et les délais relativement long de
décaissement des prêts. Toutefois, cet inconvénient reste
en marge des avantages qu'elle peut procurer. En plus, l'adoption de la loi du
15 mai 2001 permettant à l'association, comme ADIE, de pouvoir emprunter
auprès des banques pour reprêter directement à ces clients
simplifie notablement le système. Un autre problème concerne la
limite de cette mesure d'accompagnement en aval du décaissement du
crédit. S'il n'existe pas précisément de limite, les
organismes de micro-crédit ne risquent-ils pas d'être
reprochés pour immixtion dans les affaires de l'emprunteur ou gestion de
fait en cas de défaillance de remboursement de crédit ? En effet,
même s'il n'existait pas de limite, cette situation pourrait être
une utopie pour deux raisons. D'abord, lorsque la banque décaisse
directement le micro-crédit à l'emprunteur, L'ADIE s'engage
à racheter le crédit en cas de défaillance de trois
échéances successives. Ensuite, l'action en remboursement en cas
de défaillance est rare puisque l'emprunteur a payé une
contribution obligatoire d'un montant
223 . Francis MAYER, préc., p. 383.
224 . Georges GLOUKOVIEZOFF, « Le microcrédit social
contre l'exclusion bancaire », in La microfinance n 'est plus une
utopie !, préc., p. 164.
de 5% du prêt au Fonds de solidarité de l'ADIE
afin d'assurer la mutualité entre les emprunteurs. En plus, l'action en
justice est rare du fait que les frais de justice pourraient être plus
élevés que le montant de dette. Ainsi, si aucune action en
remboursement de crédit n'a été introduite contre lui,
l'emprunteur n'a pas besoin d'évoquer la faute du prêteur ou de
l'ADIE. De même, cette situation ne peut pas non plus être
invoquée par le représentant des créanciers de
l'emprunteur en cas d'ouverture d'une procédure collective contre ce
dernier puisque l'accompagnement en aval du prêt ne constitue qu'un
simple suivi financier225 pour que l'ADIE puisse intervenir
rapidement en cas de difficulté rencontrée par l'emprunteur
notamment en lui accordant le délai de paiement. C'est là la
limite de la mesure d'accompagnement après la décision d'octroi
de crédit.
132. - Les banques partenaires. De
toute façon, beaucoup s'accordent à dire qu'une
coopération entre les banques et les opérateurs du
micro-crédit serait la clé du succès du
micro-crédit. À travers cette coopération, chacun des
acteurs apporterait son savoir-faire et ses connaissances afin de dispenser un
service efficace. Mais la question est de savoir de quelles banques parle-t-on.
En effet, lors du dernier Sommet Global du micro-crédit qui s'est tenu
à Halifax en septembre 2006, cette question était à
l'ordre du jour. Dans le rapport de la Campagne, Pierre-Marie Boisson,
président de Sogesol en Haïti, s'est exprimé au sujet de la
volonté des banques locales de travailler avec les IMF « les
ban ques commerciales internationales peuvent certainement aider les IMF
à profiter des marchés mondiaux et de leur énorme pool de
ressources financières, ce qui va certainement leur permettre de
réduire les coûts financiers de l 'exploitation. Malgré
cela, je crois que les succursales locales des ban ques commerciales sont mieux
préparées que les ban ques commerciales internationales à
intervenir dans le secteur de la micro-finance avec succès, car elles
sont généralement davantage en mesure d'adapter leurs
systèmes aux conditions locales, particulièrement celles du
secteur informel. Les ban ques locales des marchés émergents
souffrent souvent d'un excès de liquidité non utilisé qui
pourrait être avantageusement prêté aux microentreprises, ce
qui leur permettrait d'augmenter leurs bénéfices et de diminuer
leurs risques grâce à une diversification de leurs actifs
». L'arrivé des banques commerciales dans ce domaine pourrait
renforcer la concurrence, améliorer l'efficacité, réduire
les coûts et augmenter la couverture de services et le financement pour
desservir ceux qui ne bénéficient pas de services bancaires.
L'intervention des banques
225 . L'alinéa 5 de l'article 6 du décret de 2002
prévoit que les prêts accordés doivent faire l'objet d'un
suivi financier pendant leur durée.
commerciales est donc vivement encouragée. Pour
favoriser l'implication directe des banques commerciales, le FCS a
été mis en place dans le cadre de la loi du 18 janvier 2005 sur
la programmation de cohésion sociale. Toutefois, une attention
particulière doit être portée à l'introduction des
banques commerciales dans le micro-crédit. Elle doit être
limitée puisque les banques commerciales ne savent pas en effet comment
servir les plus pauvres. Ce serait donc un désastre si elles
décideraient de se lancer seules dans le microcrédit. C'est
pourquoi il est important de nouer le partenariat entre les banques et les
organismes de proximité. Le porteur de projet doit être
accompagné par un organisme de proximité pour pouvoir
bénéficier les prêts sociaux garantis à hauteur de
50% par le FCS. Une volonté politique favorisant le partenariat est donc
évidente. Cette coopération entre les banques et les IMF a une
autre conséquence importante. Il s'agit de ne pas permettre aux banques
qui s'intéressent au micro-crédit de concurrencer les IMF dans
l'octroi du micro-crédit. Il est souhaitable que la concurrence se
fasse, ou bien entre les banques commerciales, ou bien entre les IMF, mais non
pas entre les banques et les IMF dans la mesure où ces banques ont une
structure ayant un coût beaucoup plus élevé que celle des
IMF. Dans ce cas, lorsque les bénéfices
générés ne correspondent pas à leurs attentes, les
banques décident de s'en aller tout en ayant causé auparavant
à la performance des IMF. En effet, elles peuvent dégager des
bénéfices en raison de la réduction de coût des
opérations, de risques, qui est l'effet positif du partenariat entre les
banques et les IMF. Lorsque les banques commencent à concurrencer les
IMF, elles doivent supporter tout seules le coût des opérations,
ses risques. Les bénéfices réels pourraient ne pas
être ceux par elles attendus. L'intervention massive des banques serait
donc un aspect positif en terme de l'efficacité et de réduction
des coûts pour les bénéficiaires des emprunteurs, mais elle
serait un désastre si cette intervention se faisait spontanément
sans coopération avec les IMF. Il serait souhaitable au moins
d'externaliser le coût d'accompagnement des porteurs de projet. Seul
l'organisme de proximité peut en prendre en charge.
133. - L'exemple typique du partenariat en droit
français. Pour illustrer cette démonstration, on
peut citer à titre d'exemple, la pratique de partenariat entreprise par
l'ADIE. Plusieurs réseaux bancaires travaillent avec l'ADIE. Il s'agit
notamment du Crédit mutuel, des Banques populaires, du Crédit
agricole et plus récemment en 2006 du groupe BNP Paribas. Ce type de
partenariat a évolué dans le temps. Le premier accord a
été conclu, en 1998, avec le Crédit mutuel de Bretagne.
Cet accord consistait, pour la banque,
à prêter au créateur d'entreprise (les
décisions étant prise au sein des comités de crédit
de l'association) et à prendre en charge une partie du risque à
hauteur de 30%. L'ADIE prenait à sa charge le solde du risque (avec la
contre-garantie de l'Etat et du Fonds européen d'investissement),
l'instruction du dossier, le recouvrement et l'accompagnement du
créateur. En cas d'impayé de plus de trois
échéances, l'ADIE s'engage à racheter les risques encourus
par la banque. Selon ce schéma, la banque restait proche de son
métier traditionnel de prêteur, mettait à la disposition de
l'association des cadres pour évaluer les projets en comité. La
participation au risque très faible mais le taux de remboursement
très élevé allant jusqu'à 94% n'était pas un
obstacle financier à leur engagement. Cette forme de partenariat s'est
progressivement développée à partir du moment où
l'ADIE a été habilité à pouvoir emprunter pour
reprêter directement à ses clients.
134. - L'interrogation sur l'importation de ce
modèle de partenariat en droit cambodgien. Enfin, on peut
remarquer que cette mesure d'accompagnement est un modèle commun pour
les pays européens qui ne se trouve pas forcément dans les pays
en voie de développement. Au Cambodge, la pratique montre que les
agences de micro-crédit ne donnent pas cette mesure d'accompagnement.
Les explications sur l'utilisation de fonds prêtés doivent
être données avant l'octroi de crédit, mais rien d'autres.
Toutefois, cette situation est normale du fait que l'activité
exercée par les emprunteurs est le plus souvent des activités
traditionnelles génératrices de revenus. En plus,
l'accompagnement et le suivi de prêt se font automatiquement entre les
emprunteurs du groupe solidaire. Toutefois, en raison des avantages du
partenariat, on peut se demander si ce type de partenariat pratiqué en
droit français peut être transposé en droit cambodgien.
Cette transposition est difficilement imaginable dans la situation actuelle.
Une réflexion première sur cette transposition porte sur la
question de savoir qui va s'occuper des dépenses de cette mesure
d'accompagnement. A l'époque contemporaine, le pouvoir public est
incapable de mettre en place un fonds prenant en charge des dépenses
d'accompagnement. En plus, la réglementation actuelle privilégie
les IMF au détriment des banques commerciales. Ainsi, une politique
favorisant le partenariat entre les banques et les IMF est loin d'être
à l'esprit du gouvernement cambodgien. Mais, les bailleurs de fonds
seraient-ils aussi incapables de subventionner l'accompagnement des porteurs de
projet ? Ce serait possible s'il y a une politique claire encourageant cette me
sure.
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