Conclusion
135. - L'interrogation sur l'aspect nouveau du
micro-crédit. En conclusion, on peut observer que le
micro-crédit est né de la problématique de l'absence
d'accès au crédit. Ce nouveau créneau n'intéressait
pas les réseaux financiers traditionnels parce que les populations
cibles ne correspondaient pas aux profils de la clientèle
recherchée. La nouvelle conception de la distribution de crédit
suppose une sélection rigoureuse des clients et une pratique de taux
d'intérêt qui permet de couvrir le coût de
l'opération. Ce propos nous permet de nous demander ce qu 'il y a de
fondamentalement nouveau avec le micro-crédit s 'il est toujours
fondé sur l 'évaluation de la capacité du client et de la
faisabilité du projet, sur la réduction des risques et des
coûts de gestion. On peut répondre à cette question
que la différence principale par rapport au crédit classique est
qu'il est orienté sur une nouvelle cible : les pauvres (pour les pays en
voie de développement comme le Cambodge) et les exclus (dans le contexte
des pays industriels notamment la France). Il reconnaît leurs talents,
leurs besoins et leurs capacités de rembourser les crédits. Au
lieu de les éliminer par avance de la clientèle du crédit
parce que les méthodes, les critères, les garanties ne sont pas
adaptés à leur situation, l'opérateur du
micro-crédit invente des méthodes et des garanties qui leur
conviennent. La personnalité des emprunteurs est un critère
beaucoup plus important que le critère matériel. L'aspect humain
est pris en compte à la place du critère patrimonial. Le
micro-crédit n'est donc ni une utopie, ni un phénomène de
mode mais une réalité de l'économie moderne, à part
entière.
136. - La perspective du micro-crédit.
D 'ailleurs, il faut se demander quel est l 'avenir du
micro-crédit ? L'évaluation des perspectives futures du
micro-crédit dépend de trois critères variables : la
demande, le financement et l'environnement institutionnel. Notons que de plus
en plus les établissements de crédit vont investir ce
marché du micro-crédit,
non pas uniquement pour des préoccupations d'entreprise
socialement responsable, mais également parce qu'il est désormais
prouvé que ce marché peut être rentable. Il est devenu
progressivement la gamme de produits des banques. Enfin, excepté
l'adaptation des règles juridiques permettant aux opérateurs du
micro-crédit de pouvoir entreprendre leurs activités avec une
très grande facilité et une viabilité institutionnelle et
financière, il est également nécessaire d'adapter des
règles qui ont pour objectif de réduire au maximum les obstacles
administratifs et fiscaux à la création de petites entreprises.
L'esprit d'entreprise stimulé par le micro-crédit peut être
timide en raison de ces obstacles. C'est une voie empruntée par le
législateur français. La loi Dutreil du 1 er
août 2003 a adopté notamment une voie de simplification
administrative de la création d'entreprise, d'encouragement au
financement de l'initiative économique. Cette tendance est
prolongée par la loi du 2 août 2005 sur les Petites et moyennes
entreprises. Elle propose encore des simplifications administratives pour la
création d'entreprise, des faveurs comptables et fiscales. L'obstacle
relatif au taux d'usure est levé successivement par ces deux
dernières lois, ce qui permet aux banques qui veulent s'impliquer
directement dans ce nouveau marché de couvrir les coûts
d'opérations avec suffisamment de rentabilité. Le
micro-crédit, plus largement la micro-finance constituera, dans
l'avenir, un formidable marché pour les banques commerciales. Telle est
la perspective que peut nous laisser entrevoir l'évolution actuelle de
cette nouvelle conception d'octroi de crédit.
137. - Telle est également la
perspective du micro-crédit en droit cambodgien. Les grandes IMF
agréées se transforment progressivement en banques
spécialisées puis en véritables banques commerciales mais
qui continuent à privilégier leur activité de
micro-crédit. Ce serait donc une ère de marchandisation du
micro-crédit. Or, le micro-crédit ne doit pas être
amputé de son volet social. Pour éviter ce risque de
marchandisation du micro-crédit, il serait donc souhaitable que le
gouvernement cambodgien change un petit peu d'orientation en s'inspirant des
pratiques mises en place en droit français. Mais cela ne veut pas dire
qu'il doit créer un fonds de garantie des prêts, mais il doit
encourager la mise en place des organismes sociaux dont le fonctionnement
serait partiellement subventionné par les bailleurs de fonds afin
d'accompagner les emprunteurs potentiels ou obliger les opérateurs du
micro-crédit à s'occuper de cette mesure d'accompagnement comme
condition d'habilitation. Cela permettrait de parvenir à un
résultat plus satisfaisant.
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