2. Le cas des opérateurs du micro-crédit
offrant uniquement les produits du micro-crédit
119. - La soumission de cette catégorie
d'opérateurs du micro-crédit à une
réglementation prudentielle par les deux systèmes
juridiques. Dans ce cas, il est plus juste de parler d'Institution de
micro-crédit (IMC). Ces IMC fonctionnent uniquement avec des capitaux
provenant de bailleurs de fonds ou rarement avec des prêts commerciaux.
Dans cette hypothèse, il n'existe pas de raison qui justifie la mise en
place des règles
prudentielles. En effet, il suffit d'assujettir ces IMC
à une supervision non prudentielle. Cette supervision non prudentielle
impose à l'autorité compétente d'observer
l'évolution de cette partie du secteur en exerçant un
contrôle minimal sur l'état financier simplifié de ces
IMC200. Elles ne doivent pas être astreintes au respect de
normes prudentielles contraignantes. Il serait donc souhaitable de leur imposer
à se faire enregistrer auprès de l'autorité
compétente et de se conformer aux dispositions légales
dictées pour la catégorie des IMF enregistrées. Tel n'est
pas le cas adopté ni en droit français, ni en droit
cambodgien201 qui retient le volume de crédit comme l'un des
seuils dont le dépassement oblige les opérateurs à se
transformer en IMF agréées. L'article 7 du décret du 30
avril 2002 portant l'application du 5° de l'article L.51 1-6 du Code
monétaire et financier soumet les associations de micro-crédit
à certaines règles prudentielles dont le contenu sera
abordé ultérieurement. On peut tout simplement s'interroger sur
l'utilité de normes prudentielles pour les associations dont
l'activité se limite à l'octroi des micro-crédits à
une certaine catégorie socioprofessionnelle restrictivement
définie pour des montants et des durées
limitées202. En effet, ce choix a pour objectif exclusivement
de préserver la solvabilité des associations203. Or,
l'insolvabilité de ces associations est difficilement imaginable du fait
qu'elles sont subventionnées, qu'elles travaillent étroitement
avec les établissements de crédit partenaires et au vu des
conditions d'habilitation. Ces conditions suffissent de vérifier la
capacité de ces associations à gérer de manière
efficace leur activité. En plus, les prêts accordés doivent
bénéficier d'une garantie apportée par un fonds de
garantie ou d'un cautionnement agréé ou par un
établissement de crédit204. Donc, la faillite de ces
associations, si elle existait une, n'entraînerait que la perte pour les
fonds de garantie, les banques donc les professionnels qui sont aptes à
gérer leurs risques. Enfin, l'attribution du contrôle de ces
associations du micro-crédit au comité placé sous
l'autorité du ministre de l'économie, des finances et de
l'industrie, témoigne de la vision qu'a le droit de ces associations,
à savoir des structures ne présentant aucun risque pour le
système financier et l'épargne publique. A vrai dire, il n'existe
pas d'épargnants à protéger. Ainsi, aucun argument
juridique pertinent ne peut justifier une telle politique réglementaire.
D'ailleurs, dans le contexte du Cambodge où le coût de
l'opération est compensé par le niveau élevé
200 . L'article 2 du Prakas, B 7-02-47/Prk du 25 février
2002 sur l'exigence de rapport d'information pour les opérateurs de
microfinance agréés et enregistrés.
201 . V. supra, n° 108-111.
202 . V. supra, n° 28-3 1.
203 . Laurent LHERIAU, Tome II, préc., n° 46-47, p.
59-60.
204 . L'article 6 alinéa 5 du décret n°
2002-652 du 30 avril 2002.
de taux d'intérêt, le choix d'imposer aux IMF qui
ne font que des crédits de se soumettre aux règles prudentielles
produit des conséquences plutôt négatives que positives
pour les populations. En effet, dès lors qu'elles y sont
obligées, elles doivent s'efforcer à devenir plus
professionnelles et donc à améliorer la qualité de leur
service, ce qui est une bonne chose d'un côté pour les populations
pauvres. En revanche, il conduit ces opérateurs à changer leur
population cible. Pour être suffisamment rentables afin de faire face au
coût lié à la mise en conformité avec des normes
prudentielles, ils doivent cibler un nouveau créneau de populations plus
rentables, plus urbaines, ce qui conduit à exclure à nouveau les
plus pauvres qui pourront bénéficier de micro-crédit si
les opérateurs ne sont pas obligées de se transformer.
120. - À cette
catégorie d'opérateurs du micro-crédit il faut rattacher
ceux qui exigent des épargnes obligatoires comme condition d'octroi de
crédit. En pratique, les opérateurs du micro-crédit
demandent à leur emprunteur des épargnes prélevées
a priori sur une quote-part du montant de prêt (environ de 3% à
5%). Bien que ce montant soit couramment appelé « l'épargne
obligatoire », il constitue une forme de dépôt de garantie.
Il constitue une garantie du prêt accordé. Les opérateurs
de cette catégorie ne doivent pas non plus être soumises à
une réglementation et supervision prudentielle dès lors qu'elles
ne mobilisent pas ces épargnes pour le financement de leur
activité de prêt. En effet, les épargnants sont en position
débitrice la plupart du temps. Ils courent donc un risque relativement
faible en cas de faillite des opérateurs du micro-crédit. S'ils
ne peuvent pas procéder aux retraits de leur épargne, il leur
suffit d'arrêter le remboursement de prêt. Ainsi, ils peuvent se
prévenir efficacement contre la faillite des opérateurs du
micro-crédit sans intervention des pouvoirs publics205.
Cette vision un peu restrictive du champ d'application de la
réglementation prudentielle est liée à la
spécificité du micro-crédit. Cette
spécificité influe également sur le contenu des
règles prudentielles qui devront être adaptées aux
opérateurs du microcrédit. Cette adaptation peut aller dans deux
sens : plus lourde ou moins sévère selon l'objectif de chacune de
ces règles.
205 . CGAP, La course à la réglementation :
établissement de cadres juridiques pour la microfinance, Etude
spéciale, n° 4 - Mai 2000, p. 11.
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