§1. - Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit
107. - Une approche différente de la
réglementation relative au statut juridique des opérateurs du
micro-crédit dans les deux systèmes juridiques. Les
opérateurs du microcrédit ont de statuts ou des formes de
reconnaissance diverses184 : les mutuels, les coopératives,
les ONG, les associations etc. Le choix de statut juridique est encadré
par loi. Quels sont les statuts juridiques des opérateurs du
micro-crédit admis par ces deux systèmes juridiques ?
Bien qu'ils adoptent tous les deux une réglementation
spécifique, le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit dans les deux droits n'est pas le même185.
L'un prône l'unique statut juridique d'association de la loi de 1901, et
l'autre préfère admettre une grande souplesse du choix des formes
juridiques. Ce choix de politique législative de forme juridique des
opérateurs du micro-crédit suscite deux remarques. La
première concerne une différente perception de la notion de la
micro-finance par ces deux droits, et la seconde montre la stratégie du
choix de forme juridique qui peut offrir des avantages non négligeables.
Cela nous conduit à étudier le statut juridique des
opérateurs du microcrédit en droit cambodgien (A)
différemment de celui en droit français
(B).
A. Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit cambodgien
108. - Une distinction entre les IMF supervisées
et les IMF reconnues. En droit cambodgien, la loi articule de
manière pragmatique la réglementation bancaire et des textes
184 . Jaques ATTALI, préc., p. 154.
185 . Laurent LHERIAU, Tome I, préc., n° 43-88, p.
50-92 : Selon cet auteur, il existe quatre catégories des pays du monde
qui réglementent différemment les statuts juridiques des IMF. Ces
pays peuvent être regroupés en quatre groupes. Le premier groupe
adopte une approche mutualiste et décentralisée des
réglementations intégrées des coopératives
d'épargne et de crédit. Les pays du premier groupe se sont
concentrés sur le développement de réseaux financiers
mutualistes. Le deuxième groupe retient une approche sectorielle de
l'activité de micro-finance. Dans ce groupe, les pays conçoivent
la micro-finance comme un secteur à part entière et ont
élaboré une réglementation ayant vocation à
englober l'ensemble des IMF, mutualistes ou non. Le troisième groupe
dont fait parti le Cambodge adopte une approche mixte articulant loi bancaire
et réglementation dérogatoire. Enfin, le dernier groupe
préconise une approche de réglementation qui considère la
micro-finance comme une activité bancaire résiduelle. Ce groupe 4
limite la micro-finance à des associations de micro-crédit
spécialisées. La France adopte cette dernière approche.
spécifiques des IMF dérogatoires à la loi
bancaire. La réglementation des IMF est confiée à la BNC
qui adopte des règles sous forme de Prakas « règlement
». La BNC a pris la responsabilité de la supervision du secteur au
travers son Bureau de supervision des systèmes bancaires
décentralisées (BSSBD), créé en 1997 au sein du
département de la supervision bancaire. Le BSSBD a contribué
activement à la mise en place d'une réglementation
spécifique aux IMF. Selon les Prakas pris par la BNC, on peut trouver
une dichotomie de statuts juridiques des IMF : les IMF supervisée qui
doivent se faire agréer auprès de la BNC et les IMF reconnues qui
doivent se faire simplement enregistrer auprès de la même
autorité. Les critères de distinction sont imposés par le
Prakas de 2002 qui vient remplacer celui de 2000. L'article 1er du
Prakas de 2000 prévoyait que « La Banque Nationale du Cambodge
est habilitée à accorder l 'agrément pour exercer des
opérations de la micro-finance à des institutions de
micro-finance, ci-après dénommées établissements,
qui remplissent les conditions posées par les dispositions de ce Prakas.
Les autres ONG, associations, entités ou établissements qui ne
remplissent pas les conditions d 'octroi de l 'agrément mais qui
continuent à offrir des services de crédit individuel ou
solidaire, doivent se faire enregistrer auprès de la Banque nationale du
Cambodge». Ainsi, toutes les IMF qui ne sont pas
agréées sont des IMF reconnues à condition qu'il y ait un
enregistrement auprès de la BNC. Malgré une bonne intention de ce
Prakas qui voulait simplifier la distinction entre les deux catégories
d'IMF, les critères d'octroi d'agrément qui
caractérisaient évidemment une telle distinction n'étaient
pas posées par les autres dispositions du même Prakas, de telle
sorte que l'on ne savait pas dans quels cas les opérateurs en place
devaient se faire agréer. En revanche, les établissements qui
devaient se faire enregistrer étaient ceux qui offrent des services de
crédit. Pour combler ce vide juridique, un nouvel Prakas de 2002 a
été pris et est venu supprimer l'article 1er du Prakas
de 2000. Ce nouvel Prakas précise expressément les cas où
les IMF doivent se faire agréer et les cas où les IMF doivent se
faire tout simplement enregistrer auprès de la BNC.
109. - Le cas où les IMF doivent se faire
agréer. Les IMF dont le niveau d'activité atteint un des
seuils déterminés par le Prakas de 2002 sont obligées de
se faire agréer. Cela veut dire que les ONG, les associations ou toutes
autres entités en place doivent se transformer en IMF
agréées dès lors que l'une des conditions imposées
est respectée. L'article 8 du Prakas prévoit que « la
demande d'agrément est une obligation pour les institutions de
micro-finance qui remplissent l'une des conditions suivantes :
1. Pour les institutions offrant des crédits
- Le portefeuille de crédit s'élève
à un montant au moins égal à 1 000 millions riels - Ou le
nombre des emprunteurs s'élève au moins à 1 000
personnes
2. Pour les institutions collectant des épargnes
- Le montant d'épargne volontaire du public
s'élève au moins à 100 millions riels - Ou le nombre des
déposants s'élève au moins à 1 000 personnes
Deux remarques peuvent être tirées de cette
disposition.
109-1. - D'abord, le droit cambodgien
subdivise les IMF supervisées en deux sous catégories distinctes
: les IMF offrant des crédits et les IMF mobilisant des épargnes.
Cette subdivision est conforme à la disposition de l'article 2 du Prakas
de 2000 prévoit que « les IMF agréées doivent exercer
les opérations de banque prévues par l'article 2 de la loi sur
les institutions bancaires et financières. Les services de crédit
et d'épargne sont autorisés s'ils ne sont pas interdits par ce
Prakas ou dans l'agrément ». Toutes les opérations de
banques peuvent être exercées par les IMF agréées.
La micro-finance est ainsi considérée dans son acception large
comme les activités de banques classiques. Toutefois, il existe une
double limite à l'exercice de leur activité. La première
limite concerne les services de crédit et d'épargnes. L'article 2
alinéa 1 prévoit que les services de crédit ou
d'épargne peuvent être autorisés s'ils ne sont pas
interdits par les dispositions de ce Prakas ou dans l'acte d'agrément.
Cette disposition paraît assez générale. Or, l'interdiction
de mobiliser les épargnes ne doit concerner que les IMF offrant les
crédits. En plus, l'interdiction aux IMF recueillant des épargnes
de faire du crédit est irréaliste puisque leur activité
principale est l'octroi des micro-crédits. En effet, il vaut mieux dire
que les IMF agréées en raison du volume de crédit peuvent
être autorisées à faire des épargnes. En effet, la
subdivision entre les IMF offrant des crédits et celles collectant des
épargnes est en elle-même irréaliste. S'il existe
évidemment des IMF qui n'offrent que des services de micro-crédit
(les ONG, les associations etc.), il est difficile d'imaginer l'existence des
IMF qui n'offrent que des services d'épargne sans activité de
crédit. Théoriquement, les IMF recueillent les épargnes et
les dépôts du public en vue d'assurer leur financement, de les
transformer en prêts. Si elles ne mobilisent pas cet argent, comment
peuvent-elles gérer de façon suffisamment rentables pour
rémunérer ces épargnes et dépôts ? Il serait
donc souhaitable de supprimer la subdivision entre les IMF offrant des
crédits et les IMF collectant des épargnes, mais de
distinguer les IMF offrant uniquement des crédits des
IMF qui offrent la totalité des services de la micro-finance dans son
acception large. Une autre limite concerne notamment l'interdiction des
opérations sur instrument financier, le négoce au comptant ou
à terme des pierres et des métaux précieux, des
matières premières ou marchandises.
109-2. - Ensuite, la BNC a retenu trois
critères : le volume du crédit, le volume des épargnes et
le nombre des déposants. Ce dernier critère est tout à
fait convenable du fait que l'un des objectifs de la réglementation
prudentielle des IMF agréées est de protéger les
déposants186. La lecture des dispositions de l'article 8 du
Prakas de 2002 nous donne l'impression que le droit cambodgien se veut
pragmatique. L'explication approfondie de ce pragmatisme sera
ultérieurement abordée à propos de l'étude sur le
champ d'application de la réglementation prudentielle. Il est simplement
nécessaire de remarquer ici que la loi n'impose l'agrément
qu'à des IMF de taille importante. Les petites IMF qui mobilisent les
épargnes ou les dépôts du public ne sont pas
obligées à demander l'agrément et donc à se
soumettre à des règles prudentielles résultant de
l'agrément. Elles peuvent continuer à exercer leur
activité à condition que le volume de l'activité ne doive
pas dépasser l'un des seuils fixés et qu'elles se fassent
enregistrer. Au regard de ces seuils, on se demande si une IMF
agréée peut être créée à partir de
rien. La loi oblige les ONG, associations ou autres entités à se
transformer si l'un des trois seuils est franchi. Cela veut dire que
l'agrément est facultatif dans les autres cas. Or, lorsqu'elles
décident de se faire agréer, elles doivent respecter les
règles imposées pour les IMF agréées notamment le
capital minimum, la forme juridique et les autres règles prudentielles.
Rien n'empêche donc qu'une IMF nouvelle puisse demander
l'agrément. En effet, cette possibilité est indirectement
prévue par l'article 5 alinéa 10 du Prakas de 2000 qui
prévoit que « si une personne morale qui demande l
'agrément est une entité déjà
créée, elle doit fournir des informations sur leur
activité ainsi que le bilan d'activité des trois dernières
années certifié par le commissaire aux comptes ».
Ainsi, une nouvelle IMF agréée peut être
effectivement créée à partir de rien, et les petites IMF
existantes peuvent continuer à exercer leur activité à
condition qu'il y ait l'enregistrement. Cette possibilité est
prévue expressément par l'article 9 du même Prakas. Les
établissements qui n'ont pas demandé l'agrément doivent
réduire le volume de leur activité à la limite
exigée pour l'obligation d'enregistrement prévue par l'article 3
du
186 . V. infra, n° 117-120.
même Prakas.
110. - Les cas où les IMF doivent se faire
enregistrer. L'article 3 du Prakas de 2002 prévoit que
« l'enregistrement est une obligation pour les opérateurs de la
micro-fiance qui sont les ONG, les associations et toutes entités,
exerçant des opérations de la micro-finance et qui remplissent
l'une des conditions suivantes :
1. Pour les établissements offrant des crédits
- le portefeuille de crédit atteint un montant d'au moins
de 100 millions riels
2. Pour les établissements mobilisant des
épargnes
- l'épargne volontaire du public atteint un montant d'au
moins de 1 million riels - ou 100 déposants ou plus »
La même remarque concernant la subdivision des IMF
agréées est retrouvée pour les IMF enregistrées, ce
qui ne mérite donc pas plus de développement. La suggestion
énoncée précédemment demeure valable pour cette
catégorie d'IMF qui sont simplement reconnues au moyen de leur
enregistrement auprès de la BNC. Le problème important est
relatif à l'évolution des dispositions du Prakas de la BNC.
L'article 1er du Prakas de 2000 prévoyait que les ONG, les
associations et les autres entités qui ne remplissent pas les conditions
pour demander l'agrément doivent se faire enregistrer. Aucun seuil
n'était pas fixé pour obliger ces institutions à demander
leur enregistrement. Cependant, des seuils minimums sont fixés par le
Prakas de 2002. Vu que l'enregistrement constitue une condition de
reconnaissance de ces opérateurs, on peut donc se demander si les
opérateurs dont le volume d'activité ne dépassent pas l'un
des seuils fixés par ce Prakas pour la demande d'enregistrement peuvent
continuer à exercer légalement leur activité.
La lecture du seul article 3 et l'évolution des
dispositions des deux Prakas permettraient de donner une réponse
affirmative. L'enregistrement est une obligation dès lors l'un des
seuils fixé est dépassé. Cela veut dire que
l'enregistrement est facultatif pour les autres opérateurs dont le
volume d'activité reste en dessous de l'un de ces seuils. C'est une
interprétation donnée par la BNC187. Les très
petites IMF peuvent exercer librement leur activité en dehors de la
réglementation et supervision de l'autorité de tutelle. Cette
tendance résulte de la constatation de coût élevé
des mesures de réglementation et supervision. Toutefois, il faut
comprendre que l'objectif premier de la mise en place de la
187 . National Bank of Cambodia, «Micro finance of
Cambodia», 2006, p. 14.
réglementation des IMF en droit cambodgien est de
rendre légitime les activités des opérateurs du
micro-crédit. Il ne serait donc plus possible de laisser les IMF qui ne
se sont pas enregistrées de continuer d'exercer leur activité
hors du cadre légal. En plus, la lecture combinée des deux
dispositions des articles 5 et 6 du même Prakas nous amène
à affirmer que ces opérateurs doivent cesser leur
activité. L'article 5 prévoit que « la Banque Nationale
du Cambodge donne un certificat d'enregistrement à un opérateur
de la micro-finance qui remplit le standard et les critères en se
munissant des documents et informations exigés. Ce certificat peut
être retiré, et l 'enregistrement est supprimé si l
'opérateur ne respecte pas les conditions imposées par la Banque
National du Cambodge». Prolongeant cette disposition,
l'article 6 prévoit que « l'opérateur de la
micro-finance dont l 'enregistrement est refusé ou supprimé par
la BNC doit cesser ses activités pendant un délai de trois mois
à compter de la notification de la décision de la Banque
Nationale du Cambodge ». Ainsi, si les opérateurs dont
l'enregistrement est refusé ou supprimé doivent mettre fin
à leur activité, il n'est pas logique de laisser les
opérateurs qui ne remplissent pas l'un des seuils imposés pour
une obligation d'enregistrement de continuer leur activité en dehors du
cadre légal. Vu le nombre déjà important des
opérateurs enregistrés, cette évolution illustre la
volonté de la BNC de réduire des coûts liés à
l'exercice de contrôle non prudentiel des très petites IMF et donc
de restreindre la création de nouvelles IMF. La BNC, sous l'influence
des bailleurs de fonds, veut renforcer le contrôle des opérateurs
de la micro-finance et pousser les IMF existantes à s'efforcer
d'améliorer la qualité de leur service.
111. - Les formes légales prévues pour
les IMF agréées. Il faut enfin rappeler que les IMF
agréées doivent exercer les opérations de banque
prévues par l'article 2 de la loi bancaire de 1999. Elles sont donc
considérées comme une catégorie de banques qui
bénéficient d'un régime dérogatoire à la loi
bancaire. Cette articulation entre la réglementation bancaire et les
textes spécifiques permet de comprendre le choix des formes juridiques
admises pour les IMF agréées. Elles doivent prendre l'une des
deux formes juridiques : la coopérative ou la société par
action. Bien qu'il existe des IMF qui prennent la forme d'une
société par action188, la forme coopérative est
la plus répandue. Le droit cambodgien laisse donc une place ouverte au
choix des formes juridiques. Toutefois, cette possibilité semble
être strictement restreinte par le droit français qui
privilégie le statut
188 . EMT est une société à
responsabilité limitée. Elle est devenue AMRET.
d'une association de la loi de 1901. Ce choix politique
législatif traduit une vision restrictive qu'a le droit français
de la notion de micro-finance. Cela peut être illustrée au travers
de l'étude du statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit français.
B. Le statut juridique des opérateurs du
micro-crédit en droit français
112. - Le statut spécifique des
opérateurs du micro-crédit par rapport à la loi bancaire.
L'impulsion du micro-crédit en droit français se traduit
par l'adoption de l'article 19 de la loi du 15 mai 2001 modifiant l'article
L.51 1-6 du Code monétaire et financier. Une interrogation sur le statut
juridique des opérateurs du micro-crédit s'est faite jour
à la suite de l'adoption de cet article189. En effet, avant
cette loi, on avait le sentiment que le micro-crédit s'intégrait
dans la réglementation bancaire au travers de l'article L.5 11- 1 du
même Code qui prévoit que l'interdiction ne s'applique pas aux
« organismes sans but lucratif qui, dans le cadre de leur mission et
pour des motifs d'ordre social, accordent, sur leur ressources propres, des
prêts à conditions préférentielles à certains
de leurs ressortissants ». Le micro-crédit constitue bien une
action sociale de lutte contre le chômage et l'exclusion
financière. Toutefois, la notion de motif social du crédit semble
restrictive par rapport à la notion du micro-crédit à des
fins productives. En plus, la possibilité de prêter uniquement sur
les ressources propres restreint fortement le développement du
micro-crédit. C'est la raison pour laquelle le législateur
français préfère, selon l'article 19 de la loi du 15 mai
2001, accorder un statut spécifique à l'association de
micro-crédit. Ce choix d'un statut spécifique se traduit par la
mise en place d'une forme d'habilitation spéciale qui sera
développée ultérieurement. Il peut entraîner une
difficulté d'intégration des institutions financières
existantes dans le domaine du micro-crédit. Pour éviter cette
situation, un autre article 7 de la même loi modifiant l'article 15 de la
loi bancaire du 24 janvier 1984 a été adopté. Selon cette
disposition « pour fixer les conditions de son agrément, le
comité des établissements de crédit et des entreprises
d'investissement peut prendre en compte la spécificité de
certains établissements de crédit appartenant au secteur de l
'économie sociale et solidaire. Il apprécie notamment l
'intérêt de leur action au regard des missions
d'intérêt général relevant de lutte contre les
exclusions ou de la reconnaissance effective d'un droit au crédit
». On peut plaider que le micro-crédit, en tant
189 . Jean-Michel SERVET, « La microfinance et la lutte
contre l'exclusion financière en France », in Le rapport moral sur
l'argent dans le monde, éd. Association d'économie
financière, 2001, p. 5-12.
qu'outil privilégié de lutte contre le
chômage, l'exclusion financière, remplit une mission
d'intérêt général qui entre bien dans le champ
d'activité de cet article. Un auteur évoque que
l'opération de micro-crédit n'est pas seulement une
opération de nature financière, c'est aussi une action sociale
dont l'objectif est la réinsertion de l'emprunteur dans le circuit
économique normal190. Bien que d'autres alternatives soient
possibles, on observe que la majorité des actions du crédit
social se fait dans le cadre d'exception au monopole bancaire. Plusieurs
facteurs favorisent le choix de la forme associative par les opérateurs
du micro-crédit191.
113. - Le choix de statut d'association de la loi de
1901. Le choix du statut d'association traduit deux volontés du
législateur français : la manière du législateur de
percevoir la notion du concept de micro-finance et les raisons du choix de
statut d'association par les opérateurs du micro-crédit.
D'abord, il s'agit de la volonté du législateur
de limiter la micro-finance à des associations de micro-crédit
spécialisées. La micro-finance se résume pratiquement au
micro-crédit pour les montants, les activités que la banque
classique ne veut pas ou ne peut pas assurer. Ces associations ne peuvent
jamais collecter d'épargne du public et ne peuvent consentir que
certains crédits à certaines catégories
socioprofessionnelles restrictivement définies (art. L.51 1-6 al. 5 C.
monét. fin). Les autres services, composant la notion large de la
micro-finance, ne peuvent qu'être offerts par les banques classiques.
Cela n'est pas étonnant du fait qu'il existe un droit aux comptes et aux
services bancaires de base. L'adoption de l'article 19 de la loi du 15 mai 2001
traduit également la volonté du législateur de favoriser
l'action de l'association en place, spécialement l'ADIE. Ainsi, l'offre
du micro-crédit ne remplace pas un service bancaire mais prépare
les bénéficiaires potentiels au financement bancaire.
Ensuite, le législateur français reconnaît
la vocation sociale du micro-crédit. Il en fait d'une action sociale de
lutte contre le chômage et l'exclusion financière. Ainsi, le choix
du statut d'association permet aux opérateurs du micro-crédit de
bénéficier des divers avantages qui en résultent. Sachant
qu'en France les opérateurs du micro-crédit ne peuvent pas
fonctionner en toute indépendance sans aides publiques. Le coût
190. Maurie BENHUSILO, « Comment créer un cadre
institutionnel et réglementaire favorable au développement du
microcrédit ? », Colloque, microcrédit, microentreprise,
éd. Bercy, Paris 2001, p. 8 5-89. 191 . Cyrill FERRATON, « Les
opérations de finance solidaire et la loi du 1er juillet 1901
au contrat d'association », in Exclusion et liens financiers/Rapport du
Centre Walras 2001 sous la direction de J-M SERVET, Economica, 2001, p. 299-3
08.
d'accompagnement rend l'autonomie financière
difficilement envisageable, sinon impossible. Le statut d'association leur
permet donc de bénéficier légitimement192 des
subventions publiques de manière permanente afin de pouvoir lutter
efficacement contre la paupérisation de certaines classes sociales. En
outre, le caractère non lucratif de l'association permet de ne pas
concurrencer le secteur bancaire193. En plus, les associations
peuvent bénéficier d'un statut fiscal favorable. Si on fait une
comparaison avec le statut fiscal des sociétés de capitaux, il
semble qu'il n'existe pas de disposition fiscale spécifique aux
opérateurs constituées sous forme de sociétés de
capitaux qui sont en principe soumises au droit commun. En revanche, la
fiscalité des associations du micro-crédit peut être
considéré comme faible dans la mesure où ces
opérateurs du micro-crédit ne sont pas soumises à la TVA
(art. 261 C 1° a du CGI), ni à l'impôt sur les
bénéfices si elles ne réalisent pas d'activités
lucratives sur un secteur concurrentiel. Pour pouvoir exercer ses
activités et bénéficier de ces avantages, l'association de
micro-crédit doit être légitimement habilitée.
114. - L'habilitation de l'association de
micro-crédit. L'habilitation de l'association est
confiée à un comité placé sous l'autorité du
ministre de l'économie. La composition de ce comité est
déterminée par l'article 1 er du décret et son
arrêté d'application du 3 juillet 2002 portant nomination au
comité d'habilitation des associations sans but lucratif
mentionnées au cinquième alinéa de l'article L. 511-6 du
Code monétaire et financier194. L'habilitation sera admise
à condition que l'association remplisse les conditions imposées
par l'article 4 du décret. Ces conditions sont les suivantes :
- Une ancienneté d'au moins trois ans dans
l'activité d'accompagnement de projets financés par des
prêts d'honneur consentis par elles ou par des crédits bancaire
;
- Le traitement, à ce titre, d'un nombre minimum de
dossiers par an, fixé par arrêté du ministre chargé
de l'économie. Il est fixé à 50 par l'article premier de
l'arrêté pris en application du décret n° 2002-652 du
3 juillet 2002 relatif à l'habilitation des associations sans but
lucratif mentionnées au cinquième alinéa de l'article L.
511-6 du Code monétaire et financier195.
192 . Isabelle GUERIN, Bernd BALKENHOL, « Microfinance :
quelle intervention publique », in Le rapport moral morale sur l'argent
dans le monde, éd. Association d'économie financière,
2002, p. 397.
193 . Pour le détail ce gens de médiation et les
conséquences indésirables de concurrence entre les banques et les
opérateurs du micro-crédit. V. infra, n° 1
30-131.
194 . J.O numéro 161 du 12 juillet 2002 (NOR :
ECOT02142541).
195 . J.O numéro 161 du 12 juillet 2002 (NOR :
ECOT0214255A).
- La compétence requise appréciée par le
comité au vu, notamment, des réalisations passées, des
résultats de l'activité d'accompagnement, du taux de
remboursement des crédits et de l'aptitude à contrôler les
risques et la gestion ;
- L'adhésion à la charte de qualité du
Conseil national de la création d'entreprise et l'engagement d'adopter
les indicateurs de performance définis par le comité ;
- La signature d'une convention de garantie appropriée
des emprunts contractés par l'association. Les dirigeants de
l'association doivent posséder l'honorabilité, la
compétence et l'expérience nécessaires à l'exercice
de leurs fonctions.
Toutes ces conditions permettent de vérifier la
capacité de l'association à intervenir dans ce domaine. La
procédure de la demande d'habilitation est prévue à
l'article 3 du décret de 2002. Elle doit être faite auprès
du secrétariat du comité. La demande donne lieu à la
délivrance d'un récépissé dès la
réception de l'ensemble des documents nécessaires à
l'instruction de la demande. Le comité doit décider dans un
délai maximal de quatre mois suivant la date de délivrance du
récépissé. Le silence pendant ce délai vaut
l'acceptation. L'habilitation est valable pour trois ans196. Elle
peut être retirée pendant ce délai ou renouvelée
à son expiration.
115. - Quelle que soit la forme
juridique des opérateurs du micro-crédit, l'essentiel est que les
deux systèmes juridiques privilégient une réglementation
spécifique de ces opérateurs. Le coeur du problème est de
savoir quel est le contenu d'une telle réglementation. L'accent est mis
plutôt sur la réglementation de nature prudentielle que sur celle
non prudentielle.
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