Chapitre II : La réglementation des
opérateurs du micro-crédit
104. - La nécessité de la
réglementation des opérateurs du
micro-crédit178.
L'opération du micro-crédit avait été
initialement transposée au Cambodge dans les années 90 par les
ONG dans le cadre de leur programme de développement rural,
c'est-à-dire avant même l'adoption de la loi sur les institutions
bancaires et financières en 1999. Grâce à leur
succès, de nombreuses ONG qui offrent des services de
micro-crédit, et plus largement de la micro-finance, sont
présentes dans ce pays. Bien que certains puissent se demander si on n'a
pas tendance à se précipiter un peu trop dans la mise en place de
cadre réglementaire du micro-crédit179, la rapide
croissance du secteur rend de plus en plus nécessaire
l'élaboration d'une réglementation précise. L'objectif
premier de la réglementation de ces institutions est de rendre
légitime leur activité du micro-crédit. La
nécessité de la mise en place de la réglementation dans ce
secteur est également souhaitée par les grands opérateurs
en place qui veulent mobiliser les ressources commerciales, les
épargnes180 afin de pouvoir satisfaire les besoins attendus
par les populations en toute indépendance des subventions des bailleurs
de fonds. Cette volonté de mobiliser les dépôts du public
impose à l'autorité de tutelle de prendre des mesures de
supervision afin de protéger l'image du système financier du pays
et de protéger des épargnants individuels. En plus, un auteur a
pu invoquer qu'il ne faut pas sous-estimer les risques encourus par la
diversification des opérateurs de la micro-finance notamment
l'instrumentalisation de ces institutions aux fins de blanchiment d'argent ou
de financement d'activité terroriste181. Il faut donc une
réglementation précise pour les opérateurs du
micro-crédit. La question principale est de savoir comment
réglementer ces opérateurs du micro-crédit ?
105. - L'adoption d'une réglementation
spécifique pour les opérateurs du microcrédit.
Deux approches opposées de la réglementation sont
possibles182 : une approche qui
178. C. ROBERT, Regulation and supervision of microfinance: A
conceptual Framework, November 2000.
179. Anne-CLAUDE, La question de la réglementation des
IMF, BIM n° 41, 19 octobre 1999. 180. ACLEDA a voulu se transformer en
banque spécialisée afin de pouvoir mobiliser des ressources
commerciales.
181.Georges CARDON, « La micro-finance peut-elle
être un vecteur pour l'argent criminel ? », Banque,.
Novembre 2006, n° 685, p. 46-50.
182 . Dorothée PIERRET et Lyrille ROLLINDE, « Le
contexte réglementaire du micro-crédit en France », in
Exclusion et liens financiers/Rapport du Centre Walras, Economica, 2002, p.
403-407 « selon ces auteurs, la réglementation repose un clivage de
deux structures qui se distinguent. La première constitue une structure
qui vise à favoriser la médiation bancaire et donc à
impliquer davantage les banques classiques dans le
vise l'entrée dans le secteur des institutions
financières réglementées traditionnelles (les banques, les
sociétés financières, etc.) et celle
d'institutionnalisation des opérateurs du micro-crédit existants.
Dans cette dernière approche, il consiste à adopter une
réglementation spécifique les opérateurs du
micro-crédit. C'est une voie adoptée par les deux systèmes
juridiques. L'article 74 alinéa 3 de la loi bancaire cambodgienne de
1999 habilite la BNC à adopter des règles spécifiques pour
les IMF, dérogeant à la loi bancaire. De même, jusqu'en
2005, une approche d'institutionnalisation paraissait avoir été
adoptée par le législateur français. Ce constat peut
être justifié par l'adoption de l'article 1 er du
décret du 30 avril 2002 portant l'application du 5° de l'article
L.51 1-6 du Code monétaire et financier, issu de l'article 19 de la loi
NRE du 15 mai 2001. Cet article premier confie le pouvoir d'habilitation des
associations de micro-crédit à un comité placé sous
l'autorité du ministre chargé de l'économie. Par contre,
une bancarisation du micro-crédit semble désormais être une
voie choisie par le droit français. Toutefois, cette
démonstration doit être relativisée. En effet, les deux
tendances se conjuguent en France. La volonté de développer le
micro-crédit social à travers des banques et celle de maintenir
le développement du micro-crédit professionnel à travers
des dispositifs existants dans le cadre de crédit accordé par les
associations sans but lucratif, spécialement l'ADIE. En
réalité, le droit français privilégie plutôt
un partenariat entre les banques et les organismes de micro-crédit
qu'une totale bancarisation du micro-crédit. Il serait souhaitable de
mesurer la réglementation favorisant ce partenariat (Section
II). La tendance vers une réglementation spécifique
des opérateurs du micro-crédit suscite beaucoup de
difficultés qui sont liées à la spécificité
du micro-crédit. Cela veut dire qu'il y a à prendre en
considération des caractéristiques qui distinguent le
micro-crédit du crédit du secteur bancaire commercial. L'adoption
du cadre institutionnel et réglementaire des opérateurs du
micro-crédit (Section I) doit tenir compte de la
spécificité du micro-crédit. Le choix d'une
réglementation spécifique des opérateurs du
micro-crédit traduit la reconnaissance de la spécificité
du micro-crédit par les deux systèmes juridiques.
financement des micro-crédits. La seconde suppose une
reconnaissance d'un statut juridique particulier pour les structures du
micro-crédit à la lumière de la Grameen Bank »; Karin
BARLET, Microfinance et « commercialization » : de quoi parle-t-on ?,
BIM n° 74 - 13 juin 2000, p. 1 ; Laurent LHERIAU, Tome I,
précité., n° 38-41, p. 47-49 « Toutefois, selon Laurent
LHERIAU, trois approches de réglementation sont disponibles. Toutefois,
la dernière approche visant une auto-réglementation a
été écartée à l'heure actuelle ».
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