B. Le cas du micro-crédit social
102. - Les arguments en faveurs du maintien du
taux d'usure pour le micro-crédit social. Si le
bien-fondé du principe même de prohibition de l'usure a souvent
été remise en cause s'agissant des entreprises dans la mesure
où celles-ci auraient moins besoin d'être protégées
que d'avoir accès à des financements adaptés à leur
situation, il est rarement contesté lorsqu'il concerne les particuliers.
En se fondant sur les mêmes arguments notamment le risque
élevé, le coût de l'opération et la
viabilité, la naissance du microcrédit social nous conduit
à se demander s'il faudrait supprimer l'usure pour ce dernier type de
financement. En effet, les mêmes constats résultant de la
réglementation de l'usure peuvent être retrouvés ici.
Toutefois, plusieurs raisons permettent de maintenir la législation de
l'usure pour le micro-crédit social, étant qualifié de
micro-crédit à la consommation.
102-1. - La première raison est
relative à la volonté même du législateur qui veut
encourager la distribution du micro-crédit social à un taux
d'intérêt bas afin de permettre à des personnes en
situation de difficulté de réaliser leur projet d'insertion
sociale, professionnelle, de cohésion familiale. Leur situation
financière est très modeste, mais il leur serait possible
d'emprunter à des conditions de prêt qui seront adaptées
à la spécificité de leur situation. Une hausse des seuils
actuellement fixés autoriserait sans aucun doute une distribution plus
large du crédit et permettrait de toucher des foyers d'une
solvabilité moindre que celle entrant aujourd'hui dans la cible des
établissements de crédit. Cette mesure serait alors conforme
à la politique incitative du législateur. Toutefois, les taux
élevés qui devraient être appliqués
représenteraient une charges supplémentaire pour les populations
dont les ressources financières sont déjà très
modestes. De même, un crédit trop onéreux serait ressenti
comme inacceptable par l'opinion publique comme par ces emprunteurs
eux-mêmes. Ils augmentent les dettes, ce qui risque de déboucher
sur le surendettement. Sachant que la première critique qui est
adressée au micro-crédit social est le problème du
surendettement. Le gouvernement doit donc faire en sorte que le
microcrédit social ne soit pas une cause de surendettement. C'est la
raison pour laquelle le taux d'intérêt doit être bas. Le
C0SEF a fixé le taux à 8%. Ainsi, il n'en demeure pas moins que
l'usure constitue un instrument privilégié de lutte contre le
surendettement. C'est là le principal argument invoqué pour
justifier sa prohibition. L'Etat préfère prévenir les
situations de surendettement, en fixant un taux d'usure qui
permet d'éliminer du marché les emprunteurs dont la couverture du
risque excède le taux d'usure. Il s'agit d'un moyen d'exclure les
individus dont le risque de surendettement est élevé. Ainsi, afin
de lutter efficacement contre le surendettement et de protéger les plus
faibles, la réglementation d'usure doit être maintenue.
102-2. - La deuxième raison
tient au fait que la création de FCS qui garantit jusqu'à 50% du
prêt accordé, diminue le risque de crédit. Plus le risque
est élevé, plus le taux doit être élevé. Or,
le risque du crédit accordé aux bénéficiaires du
micro-crédit social est partiellement couvert par le Fonds de garantie.
Il n'y a donc pas de raison d'imposer un taux d'intérêt
élevé.
102-3. - La troisième raison
tient à l'accompagnement obligatoire. Le coût de
l'opération est élevé par rapport au montant des
prêts qui sont accordés. Le taux d'intérêt doit
permettre de couvrir ce coût d'opération. Toutefois, cet argument
peut être facilement tenu en échec puisque l'accompagnement de
l'emprunteur diminue forcément le coût de l'opération
restant à la charge des banques. L'évaluation du projet et le
suivi de l'emprunteur après l'octroi du crédit sont pris en
charge par l'organisme d'accompagnement, les banques qui acceptent d'accorder
directement le prêt ne font que décaisser le prêt.
103. - Conclusion. A la
différence du micro-crédit professionnel, la destination du
microcrédit social n'est pas de créer ou développer une
entreprise. Il ne crée donc pas de revenus qui permet au
bénéficiaire de payer le taux élevé de
micro-crédit. En outre, il ne s'agit plus de question de la
pérennité financière ou institutionnelle de l'organisme du
micro-crédit puisqu'il est accordé directement par
l'établissement de crédit. Ainsi, la protection des
bénéficiaires du micro-crédit social, qui sont des
consommateurs, doit être touj ours au premier plan, même si
l'interdiction de l'usure est levée pour les crédits
accordés aux entreprises. Cette mesure de suppression du taux d'usure
s'inscrit dans une politique qui se préoccupe plutôt de la
création d'entreprise, des emplois que de la protection des emprunteurs
qui ne sont pas des consommateurs, car la création et la
pérennité des entreprises concourent à la croissance de
l'emploi et au dynamisme de l'économie. Renforcer le potentiel de
croissance de l'économie française afin d'augmenter le taux
d'emploi et ainsi réduire le chômage implique de
trouver la possibilité de financement qui est indispensable à la
création et au développement de l'entreprise. Elle permet
également de faciliter le développement du micro-crédit
professionnel. Le gouvernement a pris conscience des demandes des organismes de
financement de l'économie sociale. Cela traduit une volonté
d'accorder implicitement une place importante au micro-crédit dans le
droit positif, bien que la terminologie du micro-crédit ne soit pas
reconnue juridiquement. Cette tendance en droit français est moins
évidente que celle en droit cambodgien, s'agissant de la
réglementation des opérateurs du micro-crédit, cela
étant dit, puisque le micro-crédit ou plus largement la
micro-finance constitue dans l'esprit du législateur français une
activité subsidiaire des banques qui devront à terme s'impliquer
activement dans ce nouveau créneau.
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