Le micro-crédit en droit français et en droit cambodgien( Télécharger le fichier original )par Vannak NHEAN Université Jean Moulin Lyon 3 - DEA de Droit des affaires 2006 |
§ II. - Plaidoyer pour la libéralisation complète des taux d'intérêt
155. Prakas n° B- 7-01-115 prk du 14 août 2001 sur le calcul de l'intérêt du crédit accordé par l'institution de la micro-finance. crédit. Plusieurs raisons peuvent être invoquées pour expliquer le choix d'une voie vers la libéralisation complète des taux d'intérêt du micro-crédit. Ces raisons tiennent aussi bien aux opérateurs qu'aux bénéficiaires du micro-crédit. À ces raisons, il faut ajouter la constatation des inconvénients des pratiques de taux bonifié du micro-crédit. 88. - Les inconvénients de la pratique des taux bonifiés du micro-crédit. Il faut noter que l'ADIE ne peut pas appliquer le taux d'intérêt élevé, puisque le taux est bonifié et que le coût des opérations est pris en charge par les collectivités locales et la Banque européenne d'investissement. Certes, tous les opérateurs du micro-crédit ont démarré leurs activités avec des subventions, publiques ou privés, le temps de faire connaissance avec le marché, d'expérimenter les méthodes et les conditions de crédit les mieux adaptées, et d'atteindre un volume d'opérations suffisant pour couvrir les coûts. En effet, les subventions permettent de maintenir les taux d'intérêt artificiellement relativement bas puisque le micro-crédit accordé par les institutions du micro-crédit subventionnées est généralement accordé à des taux d'intérêt bonifiés. Mais cette méthode de prêt à taux bonifié comporte des inconvénients réels incontestables. D'une part, le taux de remboursement est généralement faible puisque les bénéficiaires ne se sentent pas responsables et pensent qu'il s'agit d'une forme de charité. Il en résulte qu'ils n'ont pas besoin nécessairement de rembourser les prêts. D'autre part, le crédit accordé au moyen de subvention est en général du crédit ciblé. Or, il est préférable que l'emprunteur décide luimême ce qu'il va faire avec son prêt. Il est mieux à même de savoir quelle activité sera la plus rentable pour assurer le remboursement. Enfin, la pratique de taux bonifié bride la possibilité pour les opérateurs du micro-crédit de devenir rentables et donc indépendants de toute subvention publique. Le taux subventionné ne profite en général qu'à un petit nombre d'emprunteurs et seulement pendant une brève période. Les IMC qui sont tributaires des subventions ne pourront probablement poursuivre leurs activités que jusqu'à l'épuisement de ces subventions. Ainsi, au lieu de monter des projets subventionnés sur une période de temps limité, on cherche plutôt à créer des institutions financières viables et pérennes qui peuvent assurer l'intermédiation financière et offrir des services de façon durables. C'est la raison pour laquelle l'autonomie financière devient ensuite la règle de base car elle permet d'assurer la pérennité des services financiers à la clientèle choisie156. 156 . Maria NOWAK, On ne prête pas que) aux riches, préc., p. 204.
157 . CGAP, La course à la réglementation : établissement de cadres juridiques pour la microfinance, étude spéciale, n° 4 - Mais 2000, p. 7-9. change tout pour l'IMC. Bien que l'accompagnement soit aujourd'hui financé par l'Union européenne, l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations, les collectivités locales et quelques partenaires privés, il n'en reste pas moins que la principale difficulté pour l'ADIE reste le financement du coût de l'accompagnement qui s'élève à environ 2.000 euros par projet financé et qui vient couvrir les frais liés au suivi d'un projet pendant une à deux années158. En plus, la durée de remboursement est courte. Le taux d'usure est moins justifié puisque, sur des prêts de faible montant et de courte durée, la différence en valeur absolue est relativement faible pour l'emprunteur, alors qu'elle est fondamentale pour l'équilibre financier de l'institution. A titre d'exemple, sur un prêt de 2 500 euros sur 18 mois, la différence est inférieure à 7 euros par échéance, suivant que le taux est de 6% ou de 12%. Enfin, les taux d'intérêts facturés par les prêteurs privés sont infiniment plus élevés que ceux pratiqués par les IMC. Le taux d'intérêt réclamé par les usuriers est de l'ordre de 10% par mois. Le recours au financement accordé par les opérateurs du micro-crédit qui peuvent fixer le taux d'intérêt permettant de couvrir tous les coût d'opération est donc absolument plus avantageux pour le micro-entrepreneur que s'il emprunte à un usurier proprement dit. Toutefois, la libéralisation complète du taux d'intérêt ne veut pas dire qu'il faut ignorer la protection des emprunteurs. En effet, l'autre moyen de protection est plus efficace que celui du taux d'usure. 91. - L'autre moyen de protection de l'emprunteur. Sachant que la réglementation du taux d'usure a pour but de protéger l'emprunteur contre la pratique abusive de prêteurs qui fixent un taux excédant le juste prix, la protection de l'emprunteur peut être assurée par d'autre moyen tout en supprimant des effets négatifs du plafonnement des taux d'intérêts. Le moyen efficace est de faire en sorte que le client ait été bien informé du coût total du financement. L'information des emprunteurs sur le TEG semble être une protection suffisante contre les abus. Il faut donc accepter de modifier la réglementation de l'usure. Mais, la suppression des taux d'usure pour les entreprises individuelles ne veut pas dire que l'institution prêteuse ne doit pas chercher à réduire ses coûts et à baisser ses taux d'intérêt. Il faut laisser la place au marché et donc faire jouer la force du marché. La libéralisation complète de taux peut entraîner des abus. Le taux excessif peut être pratiqué par des IMC en situation de monopole. Toutefois, la concurrence croissante est une sortie de cette situation monopolistique. La concurrence constitue le moyen efficace de réduire à 158 . Patrick SAPY, préc., p. 28. la fois le coût du micro-crédit et le taux d'intérêt. Elle est le meilleur moyen d'abaisser les taux d'intérêt. L'intensification de la concurrence pousse les opérateurs de micro-crédit à s'efforcer de perfectionner les stratégies de crédit, de rationaliser des processus, d'améliorer les techniques contribuant à la réduction des coûts et à l'amélioration de la productivité pour pouvoir se positionner dans un marché concurrentiel qui tient principalement au prix. L'Etat doit adopter une politique qui vise à stimuler la concurrence entre les prestataires de micro-crédit. Pour stimuler la concurrence, il est important qu'il existe un cadre juridique et réglementaire adapté qui offrent à tous les opérateurs du microcrédit les mêmes chances de pénétrer sur le marché et d'opérer dans des conditions de concurrence loyale. Il doit faire en sorte que les opérateurs du micro-crédit aient une bonne connaissance de marché du micro-crédit et que l'emprunteur puisse comparer le coût total du micro-crédit proposé par chaque opérateur. Cette connaissance contribue à l'amélioration des résultats car elle force les opérateurs du micro-crédit à se comparer avec leurs pairs et à trouver des moyens pour améliorer leur efficacité. Le marché du microcrédit au Cambodge illustre bien cet argument. L'importation du micro-crédit dans ce pays est assez récente mais le marché est très concurrentiel. Le taux pratiqué au début est de l'ordre de 5% par mois et est diminué à hauteur de 3 à 4%. 92. - L'insuffisance de l'argument contre la pratique des taux d'intérêt élevés. Malgré ces arguments, certains contestent touj ours le taux élevé du micro-crédit accordé aux pauvres. Pour permettre de comprendre que les arguments évoqués contre le taux élevé sont une excellence remarque mais qui ne résout pas le problème à long terme, ils méritent d'être évoqués ici. Face au niveau des taux d'intérêt demandés par des opérateurs du micro-crédit, certains s'opposent à la pratique des taux d'intérêt élevés du micro-crédit en invoquant qu'ils ont du mal à accepter le fait que les prêts de faible montant accordés aux pauvres soient en général plus coûteux que les prêts commerciaux consentis à taux normaux. Cette contestation n'est pas sans arguments. 92-1. - D'une part, il a été justifié que puisque les emprunteurs sont pauvres, il n'est pas question de leur appliquer des taux plus élevés que ceux du marché officiel, même si la distribution du petit crédit coûte plus cher. En plus, comment les opérateurs du microcrédit doivent-ils imposer des taux d'intérêt beaucoup plus élevés que ceux du marché, alors qu'ils ont vocation à sortir ces bénéficiaires de la pauvreté ? C'est une très bonne remarque, comme l'a indiqué Madame Maria NOWAK « il n 'est pas moral de prêter aux pauvres à un taux plus élevé qu 'aux riches est une phrase pleine d'excellente intention mais qui n 'engage à rien. Elle donne une très bonne conscience, mais elle ne résout pas le problème d'accès au crédit qui, dans une économie de marché, a forcément un prix159 ». Tout le monde sait que l'ajustement de l'offre et de la demande se fait essentiellement à travers le prix. Si le taux d'intérêt est soumis à un plafond légal, l'offre officielle du crédit diminue et l'offre informelle explose à des taux véritablement usuraire de l'ordre de 10% par mois, par semaine et même parfois par jour. En raison de cette usure, certains porteurs de projet sont de facto exclus du financement classique. Le manque d'accès au crédit pénalise les petites entreprises en création. 92-2. - D'autre part, la rentabilité du micro-crédit permet, certes, de répondre de façon continue aux besoins de la population. Or, elle conduit également à la recherche de la clientèle plus rentable, notamment plus urbaine, et donc d'accorder des prêts d'un montant moyen plus élevé, ce qui exclurait de nouveau une tranche de la population la plus pauvre d'un accès au financement. C'est une approche qui semble être adoptée par les organismes de micro-crédit au Cambodge où dans une grande partie des programmes de micro-crédit, on ne prête pas aux très pauvres, ni même parfois aux moyennement pauvres, car les prêteurs veulent être sûrs que les clients sont en mesure de rembourser, ce qui exclut beaucoup de gens. Pour être viable, le micro-crédit doit servir uniquement « aux pauvres actifs », c'est-à-dire aux plus pauvres des pauvres qui ont l'esprit d'entreprise. En plus, il est à noter que, malgré le développement du concept du micro-crédit allant jusqu'à la micro-finance, l'avenir de la micro-finance n'est pas de rejoindre les systèmes financiers et de s'y fondre160. Elle permet, en revanche, de réinsérer progressivement ses bénéficiaires dans le circuit bancaire. Cette remarque est intéressante, mais elle doit être nuancée. Il faut noter que la clientèle desservie par le prêteur du micro-crédit doit être toujours celle qui n'a pas pu avoir un accès au crédit de banque classique. En plus, la recherche de la clientèle plus rentable ne veut pas dire forcément qu'il revient à exclure à nouveau la clientèle peu rentable puisque l'emprunteur doit être porteur de projet. Il est difficile d'imaginer que le micro-crédit est accordé à des pauvres qui n'ont pas d'esprit d'entreprise. Il faut rappeler que le programme du micro-crédit n'est pas un programme de charité. Il aide les pauvres mais seulement les pauvres actifs qui peuvent retrouver leur voie de développement grâce
au crédit. Le financement doit donc être accordé au projet rentable et aider le porteur de se réinsérer dans le circuit économique, de retrouver sa citoyenneté économique. Le microcrédit est accordé aux pauvres mais qui peuvent se réintégrer au moyen du crédit. L'importance est donc de mettre l'accent sur le projet d'insertion économique du porteur et sur sa situation d'exclusion financière et non pas simplement sur le degré de pauvreté.
|
|